La rentrée scolaire 2020, concernant le réseau AEFE (agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger) s’annonce inédite dans le monde.
L’Europe, qui fut le principal foyer de la Covid-19 pendant le printemps, s’apprête à vivre une rentrée inédite et sous haute tension. Alors masque ou pas masque ? Enseignement distanciel ou présentiel ? De nombreuses questions se posent après deux mois de vacances. Lesfrançais.press a pris le pouls à quelques heures d’une rentrée exceptionnelle à de nombreux niveaux.
Le réseau AEFE : rappel et chiffres
L’AEFE est le plus important réseau scolaire international. Outil d’influence et de rayonnement de la France, c’est un réseau mondial qui accueille également 60% d’élèves étrangers.
La zone Europe représente 41 pays et compte 126 établissements. Ces établissements sont répartis de la manière suivante : 25 établissements en gestion directe ou EGD, 40 établissements conventionnés et 61 établissements partenaires. En tout, le réseau accueille 75 917 élèves dont 39 001 Français sur le continent. L’Europe représente 21,2% des effectifs du réseau. Le continent rassemble 1 888 personnels détachés par l’AEFE (32%) dont 185 expatriés et 1 700 résidents. Le continent c’est 4 zones de mutualisation.
La crise sanitaire a touché rudement le réseau partout dans le monde. En Europe, l’enseignement s’est fait en grande partie en distanciel depuis mars avec, sur certaines zones, un retour partiel en présentiel dès mai.
La pause estivale a été plus que bienvenue pour les élèves, les parents et les personnels enseignants avant d’embrayer sur une rentrée redoutée.
Un été studieux pour certains et ressourçant pour tous !
Les mois précédant les grandes vacances ont été éprouvants pour les professeurs, élèves et parents. Tous ont dû puiser dans leurs réserves pour finir une année scolaire anxiogène. La trêve estivale a été accueillie avec soulagement par tous ! Si beaucoup de familles ont dû adapter leurs projets de voyages en raison de la pandémie et des restrictions de déplacements, toutes ont profité de cette parenthèse plus qu’attendue.
Marie Cordonnier, maman de trois enfants « AEFE » (en 5e, CM1 et CE1), présidente de l’association indépendante des parents d’élèves (AIPL)°du lycée Van Gogh d’ Amsterdam durant la pandémie, nous confia : « nous devions partir au bout du monde ce que nous n’avons finalement pas pu faire. Au final, nous avons préféré nous ressourcer en France auprès de nos amis et de notre famille. Une pause et des vacances détendues et régénérantes ! »
Mehdi Benlahcen, professeur de Sciences économiques et sociales au lycée français de Lisbonne, mais aussi élu conseiller des Français de l’étranger au Portugal et AFE pour la péninsule ibérique et père de deux enfants de 6 et 10 ans nous explique ainsi avoir passé un été studieux durant lequel il a concocté des cours adaptés à un éventuel reconfinement tenant compte du virtuel. En famille, il a ensuite profité de vraies vacances bien méritées en restant cette année au Portugal.
« Au bout de quelques semaines, les enfants ont surtout perfectionné leurs aptitudes à lever les divers secrets de Fortnite » – Jeremy michel – Conseiller des Français de Belgique
Retour sur les mois de pandémie
Les mois de pandémie ont été éprouvants pour les familles et enseignants en Europe.
L’enseignement à distance ne semble pas avoir été partout uniforme et de qualité constante.
Jérémy Michel, conseiller des Français de l’étranger en Belgique et AFE pour le Benelux mais aussi et surtout parent de 3 enfants « AEFE » jusqu’en juin dernier, nota ainsi une cassure nette après des premières semaines studieuses et soudées. La rentrée des vacances de Pâques fut délicate et les enfants avaient pris un autre rythme avec des parents confrontés au casse-tête du télétravail. Il indique, non sans humour « Au bout de quelques semaines, les enfants ont surtout perfectionné leurs aptitudes à lever les divers secrets de Fortnite » soulignant d’ailleurs le rôle social adopté par le célèbre jeu du studio Epic Games.
Comme de nombreux autres parents, il a regretté le manque de coordination durant cette période d’enseignement à distance. La multiplicité des plateformes (teams, skype), parfois le manque de coordination entre enseignants parfois ont, selon lui, créé de la confusion et mis les élèves (et leurs parents) face à des défis complexes !
Certains parents interrogés parlent même d’une véritable chasse au trésor pour trouver les bons identifiants et mots de passe !
Pour cette rentrée, Jeremy Michel espère qu’un bilan pragmatique et sans angélisme pourra être fait de la période d’enseignement à distance. Il appelle à une harmonisation si l’enseignement à distance devait se répéter. Il s’étonne en outre que les livres scolaires n’aient que très peu servi durant le confinement et ajoute la nécessité d’une plus grande souplesse à l’égard du programme en cette période inédite. Jeremy Michel fait naturellement confiance au corps enseignant pour mettre en œuvre, le cas échéant, les solutions adaptées.
Ainsi que d’autres parents contactés, il déplore que le PAI (projet accueil individualisé) ait été négligé pendant cette période et sera particulièrement attentif à ce que cela ne reproduise pas…
Sur une note positive, Marie Cordonnier nous explique que la période de pandémie a aussi été riche en créativité et nous annonce que la classe de 6e du lycée Van Gogh Amsterdam (nouvellement ouverte) a remporté le 1er prix des défis scientifiques en herbe ! Une belle motivation pour ces élèves à la veille de leur entrée en 5e!
Une rentrée qui s’annonce en présentiel mais avec de nombreuses questions et défis !
Sur la zone Europe, l’objectif actuel est une reprise en présentiel, échelonnée très souvent dans beaucoup de pays, sur la première semaine de septembre. Sur certaines zones comme le Portugal, l’éventualité d’une rentrée différée avait été évoquée avec la possibilité d’un raccourcissement des vacances de la Toussaint ou de février. Cette option ne sera finalement pas retenue.
L’attente des consignes nationales et locales a confronté les établissements à de nombreux défis. Beaucoup de professeurs étaient encore en attente de leur emploi du temps lors de notre enquête.
La question des masques se pose bien entendu pour les élèves mais aussi pour les professeurs. Faire des cours avec masque nécessite une volonté encore plus grande pour être audible et compréhensible de tous. Cela implique aussi une plus grande concentration pour les élèves et donc une organisation pédagogique différente.
Mehdi Benlahcen s’interroge en outre sur le protocole qui sera appliqué si un cas positif se déclare au sein d’un établissement…
Des protocoles sanitaires différenciés dans un but commun : lutter contre la pandémie
L’AEFE articule ses protocoles aux protocoles nationaux ou régionaux des lieux où les établissements sont installés. La plupart des établissements ont publié le leur la dernière semaine d’août.
Alexandre Bézardin, conseiller des Français de l’étranger en Italie, nous détaille ainsi les normes dans son pays de résidence. Premier pays lourdement touché par la crise de la Covid, cette nation compte un établissement conventionné, trois établissements EGD et deux établissements partenaires.
Les normes en Italie sont nationales mais les régions italiennes ont la possibilité d’adopter les protocoles sanitaires en fonction des situations locales : distanciation d’au moins 1 mètre, port du masque obligatoire avec une durée des cours raccourcie (5-10 minutes) pour permettre aux enfants de retirer leur masque entre deux leçons), repas à horaires différents en fonction des classes, suppression vraisemblable des activités sportives au sein des établissements.
Parfois, l’association des protocoles nationaux et locaux crée des situations inédites.
Les autorités sanitaires et publiques des Pays-Bas ne croient pas par exemple à l’efficacité des masques dans la lutte contre la pandémie. Si une expérimentation a bien eu lieu dans certains quartiers d’Amsterdam et de Rotterdam, celle-ci prend fin le 31 août. Toutefois, au Lycée français Vincent Van Gogh (sites de La Haye et Amsterdam), le port du masque est obligatoire dès la 6e et pour tout le personnel enseignant. Cela créé un décalage avec le reste du pays qui lui mise sur la distanciation physique, les gestes-barrières, les tests et l’isolement volontaire pour lutter contre la pandémie.
Certains parents s’étonnent de cela car la distanciation physique est respectée, notamment dans les classes du tout nouvellement créé Collège Van Gogh d’Amsterdam où les élèves sont en effectif restreint…
En général, les protocoles partagés avec les parents du réseau détaillent les mesures de nettoyage des lieux et matériels, les gestes barrières, l’aménagement des espaces et la gestion des flux des espaces. Une note séparée détaille les heures de rentrée par niveau.
Aux Pays-Bas, à Amsterdam, les seuls parents (1 par enfant) autorisés dans l’école la semaine de la rentrée sont ceux des PS, MS et des nouveaux élèves de Grande section.
Les activités périscolaires sont, elles, aussi, soumises au protocole sanitaire, elles ne sont donc pas encore confirmées. Ces prochaines semaines devraient permettre de lever les interrogations quant à leur faisabilité. Dans certains pays, lors du déconfinement, les cours d’Echecs avaient ainsi été supprimés de l’offre car les conditions d’hygiène ne pouvaient être respectées.
Le double défi de cette rentrée 2020 : retisser la confiance et remettre les élèves au travail !
La période de confinement a parfois été synonyme d’un dialogue complexe entre l’AEFE et les parents.
Jeremy Michel cite les courriers adressés aux parents par Olivier Brochet, directeur de l’AEFE, s’adressant à l’ensemble des parents du réseau alors que ceux-ci avaient besoin de proximité et d’un dialogue adapté à leur situation dans leur établissement.
Marie Cordonnier souligne de son côté la bonne entente et la qualité du dialogue avec la direction de l’Ecole. En tant que responsable des parents d’élèves, elle a pu poursuivre le dialogue avec la direction et y a trouvé écoute et solutions. Elle ajoute que les décrochages potentiels ont été anticipés par les personnels.
Ces besoins de proximité et de dialogue sont apparus dans de nombreux pays et les premières semaines de rentrée seront essentielles de ce point de vue.
Plusieurs parents ont signalé la priorité donnée à l’enseignement du français et des mathématiques lors du retour au présentiel aux dépens des autres matières. Ils attendent une attention renouvelée pour toutes les matières.
La question des frais de scolarité et des bourses scolaires au centre de la pandémie
Mehdi Benlahcen explique que la grogne est bien présente chez les parents d’élèves. Le lycée de Lisbonne est ainsi le seul EGD à n’avoir pas accordé de réduction de tarif dans la péninsule ibérique.
Jérémy Michel regrette également l’absence de réduction de tarifs. Selon lui, une proposition de réduction d’un montant même symbolique, aurait renforcé la confiance et souligné la considération envers les parents d’élèves qui financent, faut-il le rappeler, en majorité le réseau. Pour l’élu et père de 3 enfants AEFE (2 à cette rentrée), il s’agit là d’une occasion manquée de marquer des points. Dans un contexte plus large, il ajoute que le réseau AEFE et son système de bourses scolaires aux critères souvent inadaptés aux situations locales, exclut, de fait, de nombreuses familles qui n’ont pourtant pas des revenus élevés…
Le contexte est donc tendu et la rentrée sera cruciale pour apaiser les esprits et renforcer un climat de confiance.
Marie Cordonnier explique que l’établissement ne peut pas faire d’ajustement financier ou de réductions générales car ses postes de dépenses restent exactement identiques. En revanche, les familles qui affrontent des difficultés financières peuvent se mettre en relation directement avec les écoles qui proposent une bourse exceptionnelle par le biais du consulat. Elle évoque la possibilité de solutions sur-mesure avec la caisse de solidarité mais se demande si les familles oseront en faire la demande. Elle ajoute que les justificatifs demandés sont nombreux et découragent parfois les parents d’élèves.
En Italie, de nombreux parents se sont plaints de l’absence de geste commercial envers les familles du réseau AEFE. La rigidité de l’opérateur sur ce point a été très mal perçue d’autant plus, rappelons-le, que 60% de nos élèves sont issus de familles étrangères… Alexandre Bézardin ajoute que tous les établissements italiens ont eux accordé une réduction entre 10 et 15%. Les annonces concernant les bourses scolaires n’ont pas donné lieu à beaucoup plus de demandes car il est encore trop tôt pour évaluer les conséquences économiques et sociales en Italie. Ces prochains mois seront décisifs dans tous les domaines.
La rentrée 2020 reste sous tension avec de nombreux défis et des questions diverses. Les premières semaines seront cruciales pour une reprise sereine, en respect des protocoles sanitaires.
L’auteure de cet article souhaite la meilleure rentrée possible aux élèves, parents et professeurs !
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