Salauds de chômeurs

Salauds de chômeurs

Sophisme. Ceux qui travaillent doivent gagner plus que ceux qui ne travaillent pas. Il faut donc durcir les règles de l’assurance chômage pour recouvrer la raison. Ce sophisme de Gabriel Attal laisse accroire que la majorité de ceux qui ne travaillent pas ne subissent pas leur condition de chômeur, il dévalue l’hypothèse d’augmenter le revenu de ceux qui travaillent, et s’affranchit d’une réflexion sur le travail.

Déclin

Rappelons que la France est le pays européen qui s’est le plus désindustrialisé, avec une perte de 2,5 millions d’emplois industriels depuis 1974. Trois grandes raisons expliquent ce déclin industriel : la tertiarisation de l’économie, des délocalisations massives, et la faible compétitivité des coûts salariaux. Les chômeurs n’y sont pour rien.

Malaise

 Considérons enfin le mal-être au travail qui plombe l’art de vivre à la française. L’épisode Covid – le confinement et le « quoi qu’il en coûte » – aura largement contribué à une remise en cause de la valeur travail. On se focalise plutôt sur un équilibre de vie : accepter de gagner moins mais travailler moins pour vivre mieux (61% des salariés selon une étude de l’IFOP de 2023). Les entreprises comme le secteur public doivent se réinventer. Il s’agit d’une remise en cause de l’organisation du travail mais aussi de donner du sens au travail. En toile de fond la sur-administration (un coût évalué à 84 milliards d’euros en 2018) qui aboutit à la kafkaïsation de notre société.

  Libéral (gros mot)

Puisque tout est à refaire et réinventer, écoutons les libéraux qui proposent la suppression de l’impôt sur le revenu. J’entends les cris d’orfraie de la gauche et de la droite. Convenons toutefois que ce serait une façon significative d’augmenter le revenu de ceux qui travaillent sans diminuer les secours alloués par la solidarité nationale aux demandeurs d’emploi. L’impôt sur le revenu génère 50 milliards d’euros par an (le montant environ des intérêts annuels de la dette publique française). Les économistes estiment à environ 70 milliards d’euros les gains pour l’État générés par la consommation (TVA, etc.) que doperait la suppression de l’impôt sur le revenu. La proposition n’est donc pas irréaliste. Mais… Touche pas au grisbi salope ! L’impôt sur le revenu est un impôt dogmatique. À droite comme à gauche ce dogme est intouchable.

Révolution

La suppression de l’impôt sur le revenu serait accompagnée de l’établissement du Revenu universel (ou de base), qui absorberait l’ensemble des allocations sociales mais aurait pour première vertu de libérer le risque – le risque d’entreprendre sa vie et/ou sa boîte -, d’encourager les vocations, et par là même de dynamiser le pays. Au lieu de quoi c’est un État schizophrénique qui réclame de l’audace, de l’imagination, du courage à celles et ceux qu’il chloroforme avec des emplois aussi stériles que tristes et l’horloge pointeuse pour idéal. Cette dévaluation du travail est mortifère. Ce sont souvent des vies gâchées, tandis que le pays s’appauvrit. Il n’est que temps de repenser une société.

Repères

Dans la pensée libérale, le Revenu universel libère le citoyen de la tutelle étatique, au lieu que pour les marxistes il s’agit de libérer l’individu de l’aliénation de la contrainte du travail. Pour le pape il s’agit d’atteindre l’objectif de la « dignité pour tous ».

Prédiction

Jacques Attali, gourou iconique de François Mitterrand, déclara au Monde en 2015 : « Une bonne société est une société où l’on préfère le lundi matin au vendredi soir ». 

Auteur/Autrice

  • Constant Sbraggia

    Journaliste, il débute à FR3 Corse puis dirige la rédaction du Figaro-Méditerranée. Il est actuellement rédacteur en chef du mensuel généraliste Corsica et anime une émission politique hebdomadaire sur Corsica Radio.

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