Jean-Jacques Dandrieux, un français dans le Top 100 de la finance

Jean-Jacques Dandrieux, un français dans le Top 100 de la finance

Jadis les Corses partaient pour gagner leur vie. Jean-Jacques Dandrieux a choisi New York et la finance pour donner du rythme à la sienne.

Please allow me to introduce myself, I’m a man of wealth and taste… Les petits « ouh ouh » qui affolent les sens et la voix sublime de Mick Jagger ont électrisé les milliers de fans qui, comme Jean-Jacques Dandrieux ont « vécu » le concert des Rolling Stones ce 5 mai 2013 à l’Oracle Arena à Oakland (il a commencé comme tous les autres par Sympathy for the devil). « Tom Waits en guest ! » se souviendra Jean-Jacques. Il dîne au Waterfront Restaurant, 7 the Embarcadero, adresse de San Francisco réputée pour ses fruits de mer, « son crab », avec les Kepplan, Peter et Anne, des amis norvégiens, et Reisa Jiang, une amie chinoise de la fac. A table il est évidemment question de la guitare rythmique de Keith Richards, du jeu de jambe et de hanches de Jagger. Entre riffs et rythmes on boit du Chardonnet de Sonoma, « le meilleur des US », on parle de tout et de rien, ou plutôt de rien et de tout, il faut bien refaire le monde ! mais parler de tout ne sert pas forcément à rien : le principe de créer « une boîte » jaillit dans la nuit. « J’ai une idée qui pourrait être intéressante » reprendra Jean-Jacques le lendemain. Comme quoi un bon principe n’est jamais perdu.

Une idée dans les pas de PayPal

Alors ? Son idée n’est pas «originale » consent-il, mais « vaut le coup ». En 1999, Peter Thiel, cocréateur de Paypal avec Mellon Musk, a fondé à Palo Alto, dans la Silicon Valley, Palantir, une entreprise de services et d’édition logicielles spécialisée dans l’analyse et la science des données, communément appelée « Big data » ou « mégadonnées » qui agrège les données du gouvernement et les rend utilisables, autrement dit les sécurise. Ces données concernent donc tous les services régaliens : défense, police, contrôle des frontières, etc. L’opération est financée par In-Q-Tel (IQT), à l’origine appelé Peleus, fonds de capital-financement à but non lucratif créé et géré par la CentraI Intelligence Agency (CIA).

Jean-Jacques Dandrieux veut tout simplement copier IQT pour se tourner vers des pays qui ne souhaitent pas que les Américains aient la main mise sur leurs données. (L’art naît de l’art, n’est-ce pas ?). Les réunions de travail se déroulent au siège de DLA Piper, le plus grand cabinet d’avocats international au monde, à Palo Alto. « DLA finira par investir dans notre boîte » précise Jean-Jacques Dandrieux. Écrire la mission, définir qui fera quoi dans la boîte. Peter dit : « On trouve des sous pour financer l’expansion financière du bizness, on trouve un angle commercial vers des clients dans des pays satellites, on commence par l’Amérique-du-Sud, on ira ensuite dans le Golfe ». Ainsi tout va aller très vite, c’est aussi la clé de la réussite de ce type d’opération. « Conf Calls avec les facs pour racheter les labos», tractations avec des Fonds de la Silicon Valley et des Fonds privés pour une levée finale de 15 millions de dollars (qui connaîtront une valorisation de 40 millions). Il faudra « faire un saut en Colombie » pour le rachat d’une boîte à Bogota, Dersis. Retour dans les bureaux de DLA pour légaliser la fusion avec Senseta, laboratoire de recherche adossée à Carnegie Mellon University et financé par DARPA (bras de financement de la recherche militaire) et NASA AIMS (département drones et robotique de la NASA basé à San José dans la Silicon Valley). Précisons ici que Raj Rheady (indien, précurseur du natural language processing) et Rallid Khalid Al Ali, qatari, prof à Berkeley, un ami de Peter, sont les patrons du labo. Fourdice ventures est opérationnel en 2014.

Un ancrage en Colombie

Trois bureaux sont ouverts en Colombie : à Bogota, à Medellin et à Carthagène. Avec une mise de fonds de 300 000 dollars « pour un rapport de 10 millions de dollars en un an ». L’entreprise compte notamment la marine colombienne parmi ses clients. Après la Colombie et quelques tentatives en Équateur ou au Brésil, Fourdice ventures prospecte au Qatar, à Dubaï et en Arabie saoudite. « J’étais le patron de la stratégie, je suis toujours membre du conseil d’administration. » En 2019, la boîte a mué en société conseil, Fourdice ventures devenant Fourdice consulting. « Son objet est l’investissement dans des sociétés à fort potentiel de croissance. Nous cherchons des startups dans des secteurs similaires à la DEP technology. »

Des côtes de la Méditerranée à Oakland !

Revenons en 2006. Après une prépa scientifique à Sophia Antipolis, sa première étape a été de s’inscrire à la BI Norwegian Business School à Oslo où il va décrocher un baccalauréat ès arts. Ses diplômes en poche, Jean-Jacques Dandrieux travaille dans un fond de « private equity » en Norvège. Le private equity désigne l’opération par laquelle un investisseur achète des titres d’une société qui recherche des fonds propres. Ce type d’investissements est réalisé au profit de sociétés non cotées. Rien à voir avec le trading de matières premières auquel il s’initie, à New York. Il découvre alors les « cow-boys de Wall Street », ces traders à l’ancienne, dont le profil se situe à l’antipode des polytechniciens de la BNP, des « boys » du New Jersey, incapables de situer la France sur une carte. « Leur façon de bosser est très proche de celle qui prévaut dans les films qui mettent en scène Wall Street, et qui nous semble pourtant relever de la caricature. J’ai vécu là une expérience inattendue, désopilante pour un jeune de 24 ans ».

Jean-Jacques Dandrieux
Jean-Jacques Dandrieux

Jean-Jacques Dandrieux s’étonnera davantage encore de constater que si en France la majorité de ces jobs est confiée à des ingénieurs de gros calibre, aux US ceux qui vont les décrocher ont à peine le bac… Lui s’était installé aux États Unis pour assister à la Stern School of Business de l’université de New-York en collaboration avec l’université des sciences et technologies de Hong Kong ainsi qu’à un séminaire d’été en sciences politiques à l’université d’Harvard.

Sa carrière dans la finance a officiellement commencé sitôt obtenu son diplôme de la NYU avec une maîtrise en finance mondiale dans l’une des plus grandes banques d’investissement en Europe. Il s’emploie ainsi à développer le financement structuré, chez Calyon, la banque d’affaire du Crédit Agricole. Le financement structuré désigne l’ensemble des activités et produits mis en place pour apporter des financements aux acteurs économiques tout en réduisant le risque grâce à l’utilisation de structures complexes. On y inclut la subordination des créances pour créer une dette senior (la dette senior est une dette privilégiée. Elle bénéficie de garanties spécifiques permettant son remboursement prioritaire par rapport aux autres dettes – appelées dettes « subordonnées»- ; plus sûre, la dette senior est aussi moins rémunératrice que la dette subordonnée), mezzanine  (la dette la plus risquée, dont le remboursement est subordonné à celui de la dette dite senior. Elle est par conséquent davantage rémunérée) et equity (on recourt à une dette mezzanine, pour limiter les capitaux investis tout en maximisant le taux de rentabilité. Il convient de préalablement préciser qu’il s’agit d’une dette conditionnée au remboursement de la dette senior – c’est une dette subordonnée. En d’autres termes, les banques sont prioritaires par rapport aux mezzaneurs), et mieux relier le risque effectif de la créance à sa rémunération.

 

La titrisation participe également des financements structurés, en permettant de transformer un actif non liquide en un titre liquide et donc en apportant des financements nouveaux à l’entreprise. Voilà ce que l’on peut en dire.

 

Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable : le langage de la finance est inaudible pour le commun des mortels. Il a 26 ans. Trouve l’ambiance plutôt bon enfant. « Rien de comparable avec mon expérience précédente mais très française. Un Français ne parlant pas anglais, ne connaissant rien au marché local, sera toujours meilleur qu’un local ayant officié des années dans le domaine. » Lui deviendra très proche de son patron, Mischa Zabotin, un « américain de New York qui possède une maison en Balagne depuis longtemps », notamment coauteur avec Peter Schulman de Le dernier livre du siècle chez Romillat.

 

Aujourd’hui, Jean-Jacques Dandrieux, 34 ans,  est directeur exécutif de Kontur, une société de logiciels de données spécialisée dans la prévision et la gestion des catastrophes naturelles. « Nous sommes essentiellement une plateforme de décision et de surveillance basée sur les événements. A l’aide de modèles de calcul basés sur les connaissances, la plateforme traduit des informations complexes dans un environnement d’analyse unifié, qui offre des outils de modélisation et d’analyse prédictive qui peuvent manipuler et aider à interpréter visuellement les données générant des informations exploitables pour le client. »

 

JJD est aussi partenaire de capital-risque chez Differential Ventures, un Fonds de capital-risque en phase de démarrage axé sur les SAAS. Le Fonds investit dans des entreprises qui disposent d’un avantage unique en matière de données ou d’Intelligence Artificielle. Un temps, il a envisagé de devenir ingénieur aérospatial et… d’obtenir un diplôme de pilote professionnel. Sans doute parce qu’il est le fils de son père, Philippe Dandrieux, grande figure d’Air Corsica.

 

A ce jour JJD a bâti des sociétés à New York, dans la Silicon Valley, en Amérique latine, en Asie de l’Est, au Moyen-Orient et en Europe. Il vient d’entrer dans le Top 100 Magazine (Top 100 People in Finance) by Redwood Media Group Inc.

 

Ce 5 mai 2013, à l’Oracle Arena, à Oakland, il faisait bon danser sur les accents très disco de Miss You. Pourtant la Corse, la Méditerranée, ses parents, ses amis lui manquent, lui ont toujours manqué. Ce 5 mai 2013, à l’Oracle Arena, à Oakland, il faisait bon danser sur les accents très disco de Miss You.

 

 

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