Macron pas candidat ?

Macron pas candidat ?

Chacun tient pour évidente la candidature d’Emmanuel Macron. Il a déjà ses parrainages. Tous les sondages, face à n’importe quel candidat, le donnent vainqueur. Et si, pour une raison ou pour une autre, obsédé par l’Ukraine, fatigué par la Covid, lassé des gilets jaunes, agacés par ses fidèles et vexé d’un soutien qui ne correspond pas à une adhésion, il renonçait ? 

Quel choix sans Macron ?

Personne d’autre de son camp n’aurait le temps de recueillir les parrainages. Alors le choix resterait entre deux candidats d’extrême droite, et peut-être un candidat d’extrême gauche. Resterait une candidate de la droite républicaine en perte de confiance. Bien sûr, toutes les cartes seraient redistribuées. Mais cette absence montrerait à quel point il a réussi à diviser, affaiblir, écarter tout concurrent, toute force organisée qui le gênerait. 

Le paysage politique actuel ressemble à des pièces de puzzle éparses. C’est d’autant plus curieux que les oppositions, les conflits dans la société française sont relativement légers par rapport à ce que l’on a connu dans le passé. Personne ne prône la dictature du prolétariat ou la fin de la République. Personne ne veut mettre l’adversaire en prison, ni museler les journaux. La société française est, en fait, et pour la première fois depuis la Révolution, d’accord sur l’essentiel.

Notre démocratie fonctionne-t-elle mal ?

Tous les partis sont démocrates et républicains, même les plus extrémistes, et la démocratie fonctionne mal. La preuve, si Macron n’était pas candidat, apparaitrait un grand vide. C’est dire s’il a éliminé ses concurrents, ou s’ils se sont éliminés eux-mêmes : qui pense encore à Villepin, Hollande, Sarkozy, Fillon, Royal ou Aubry, toutes figures qui eurent du succès et qui ont pu songer à revenir ? On peut saluer son habileté, ou sa chance ; on peut aussi déplorer le fait qu’un grand pays ne devrait pas être à ce point dépendant d’un homme. Un grand pays a toujours plusieurs options possibles, et plusieurs hommes ou femmes d’Etat en réserve. D’autant que le Président Macron n’est pas un héros, ni un dirigeant exceptionnel qui écrase la concurrence. Le vide des projets, le vide de la campagne, n’est pas que de son fait, mais en dit long sur la société française. 

© AFP

C’est le signe d’un grand bonheur, ou d’un immense laisser-aller. Les Russes disent pareil : hors Poutine, qui ? Beaucoup en France disent : Macron, sinon qui ? C’est une première dans un pays passionné de politique et de débats, d’assister à une campagne dans laquelle, malgré tous leurs efforts, -et ils sont humainement remarquables- les candidats n’arrivent pas à incarner un espoir. Seul Zemmour étonne, mais autant qu’il est rejeté. Une démocratie vivante ne fait pas que des choix par défaut. Drôle de vide.

On peut aussi se dire que c’est le début de la sagesse, que les Français ne croient plus aux promesses, aux discours, encore moins aux partis, et ne s’en remettent pas non plus au charme, ni au pouvoir d’un seul. Alors pourquoi Macron, parce qu’il est en place ? Parce qu’il est au centre ? Et que finalement la société est plus consensuelle, modérée qu’on ne le croit ?  Alors il faudrait aller plus loin : ne pas confier tant de pouvoir à un seul, fut-il Président, construire une République qui fonctionne avec des pouvoirs équilibrés. 

Elu sans faire campagne ?

Si Emmanuel Macron est candidat, il a de grandes chances d’être réélu, sans même faire campagne. L’hebdomadaire The Economist lui donne 88% de chances. Ne seront discutés ni son bilan, ni son projet. On sait ce qu’il a fait, ce qu’il n’a pas fait, on ne sait pas vraiment ce qu’il fera. L’opposition étant totalement éclatée, il aura plus de pouvoir qu’aucun autre Président avant lui. 

Pourtant, dés qu’il sera réélu -s’il est candidat, s’il est réélu- il aura tout le monde contre lui. Y compris dans son propre camp, puisque commencera aussitôt la course à sa succession, et son autorité diminuera de jour en jour. 

Il lui reste une chance : désigner son successeur, le faire élire, puis lui succéder pour dix autres années. En fait, il lui faut son « Medvedev », l’homme qui ne lui fera pas d’ombre, ni comme Premier ministre, ni comme Président intérimaire. Et là il y a beaucoup de candidats.

Et s’il n’était, pour une raison ou pour une autre, vraiment pas candidat ?  

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