Les présidentielles et les Français de l'étranger

Les présidentielles et les Français de l'étranger

A six mois de l’élection présidentielles, les ressortissants français établis à l’étranger et leurs élus commencent à se mettre en branle. Des idées de programme émergent et lancent doucement le débat.

Nous sommes à six mois des présidentielles et le paysage politique apparait déconstruit. Si l’on en suit la logique des sondages, le deuxième tour est composé de personnes qui ne sont pas encore candidats, à savoir Emmanuel Macron et Eric Zemmour, tandis que trois partis majeurs sont, pour l’instant, sans candidat officiels : La République En Marche, Les Républicains et le MoDem. Ce dernier ayant annoncé qu’il suivrait le candidat LREM et espère que ce sera le président sortant.

De fait, les campagnes peinent à démarrer et ce, même pour les partis avec un candidat déclaré. Par conséquent personne n’a vraiment commencer à se mettre en place auprès des Français de l’étranger. Car oui, encore une fois, les Français hors de France sont et vont surement être les grands oubliés du débat pour la course à la présidentielle.

« C’est une évidence et ça touche tous les partis. Il n’y a aucune prise en compte des 2,5 millions de Français établis hors de France, de la part de la métropole. En tant qu’élu nous avons quelques fois l’impression de travailler dans le vide. Très peu de propositions sont faites pour les Français de l’étranger. Je veux bien croire qu’il y a des sujets plus importants mais nous sommes quand même une composante. »

Alexandre Château-Duclos – Responsable des Français de l’Étranger pour Europe Écologie Les verts et élu consulaire au Luxembourg
Présidentielle de 2022

L’élection la plus suivie à l’étranger

La présidentielle est le rendez-vous électoral des Français établis hors de France. Tant en termes d’engagements, qu’en termes de taux de participation. Effectivement, en 2017, ils étaient 45% en moyenne à s’être déplacés aux urnes pour les deux tours. Un chiffre qui contraste fortement avec celui des élections consulaires. Cette année, par exemple, 15% de la communauté de Français de l’étranger a voté pour élire leurs représentants locaux.

Les présidentielles sont donc un moment important de la vie politique des expatriés. Pour beaucoup d’entre eux, c’est l’occasion de garder un lien fort avec la métropole, de se sentir présent. Mais pas seulement. Ils sont en effet directement concernés car la politique mise en place en métropole les impacte. Pendant la pandémie de Covid-19, la politique gouvernementale établie a fortement impacté les Français de l’étranger et leur famille, en termes d’accessibilité au territoire national ou à la vaccination.

Comme tous les Français, ils sont aussi particulièrement attachés à la fonction présidentielle. Non seulement elle incarne la nation, mais elle est également le visage de la France à l’extérieur. Ainsi, le profil de la personne qui l’incarne déterminera le regard que le monde porte sur notre pays mais aussi sur ses ressortissants.

A titre d’exemple, l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 avait permis de relancer de nombreux marchés et accords comme d’importants projets faisant vivre les expatriés. Nous pouvons donc nous inquiéter des répercussions qu’entrainerait l’élection d’un candidat à l’hostilité déclarée à l’égard de la communauté musulmane en France comme Marine Le Pen ou d’Éric Zemmour sur la sécurité des ressortissants français à l’étranger. Rappelons que le discours sur la laïcité prononcé par Emmanuel Macron, le 2 octobre 2019 aux Mureaux, avait engendré une vague d’émeutes à travers le monde musulman. Des drapeaux français avaient été brûlés, des appels au meurtre de Français avaient été lancés au Pakistan ou en Arabie Saoudite.

Les élus locaux, relais des candidats

En outre, si les enjeux sont majeurs et les citoyens motivés, leur ciblage par les différents partis politiques demeure difficile. Les QG de campagne s’appuient donc sur les élus consulaires.

« Il y a un engouement certain pour ces élections et il y a des demandes. Les Français sont avides de savoir ce que chacun des candidats a à leur dire. Ils veulent connaitre leur vision, leur programme. »

Christophe-André Frassa, sénateur représentant les Français hors de France, secrétaire national Les Républicains

En effet, les élus locaux sont le plus souvent investis par un parti. Sur place, ils prennent donc le relais. C’est leur fonction militante d’organiser des débats, des conférences ou autre pour propager les idées politiques de leur candidat. Seulement, c’est un travail de longue haleine et difficile car les Français de l’étranger ne sont pas toujours réunis dans une seule et même ville. Si des rencontres en présentiel restent limitées, les outils de campagne en ligne, eux, seront utilisés massivement.

Pour augmenter la mobilisation électorale, les élus de l’étranger ont à cœur d’inscrire les préoccupations de leurs représentés au sein du programme de leur candidat.

Des ébauches de programmes

Pour l’instant, la gauche semble plus avancée en termes de préparation que la droite. Celle-ci est prise par l’organisation de son congrès afin de désigner son candidat.

divergence des économies

La France insoumise et l’impôt universel

Du côté de La France Insoumise, plusieurs Français de l’étranger ont assisté aux premières conventions organisées par le parti, comme celle tenue à Reims le week-end du 23 et 24 octobre. Parmi les propositions évoquées, le député Eric Coquerel soutient ardemment un mécanisme d’imposition universelle, qui concernerait les plus riches Français de l’étranger sous critère de nationalité et non de résidence fiscale. Pour l’élu, interrogé par le magazine Capital, cet impôt aurait une double vertu.

« D’une part, il resserre le lien entre citoyenneté et impôt en se fondant sur la nationalité, et d’autre part il permet de lutter contre l’optimisation et l’évasion fiscale. »

Eric Coquerel, député LFI au magazine Capital le 25 septembre 2019

Toutefois, la France ayant signé plus d’une centaine d’accords bilatéraux régissant les mécanismes d’imposition avec des pays étrangers, des doutes persistent quant à la plausibilité d’un tel impôt universel.

Europe Écologie – Les Verts et la sécurité sociale

D’après Alexandre Château-Duclos, les membres du parti EELV des Français établis hors de France, souhaitent faire intégrer plus de 90 de leurs propositions au sein du programme national. Parmi ces résolutions, la facilité d’accès à la Caisse des Français de l’Étranger (CFE) leur tient particulièrement à cœur. Face au coût que représentent les soins dans certains pays, de nombreux concitoyens abandonnent en effet l’idée de se faire soigner s’ils ne parviennent pas à obtenir ou payer une assurance maladie.

La République en Marche et les consulats

Anne Genetet – Députée des Français de l’Etranger – LREM

Les institutions et les services de l’État français à l’étranger sont nombreux et parfois leur logique nous échappe. Il apparait normal qu’entre le consulat, le conseil consulaire et l’Assemblée des Français de l’étranger, certains citoyens se sentent perdus. Si ces trois organes ont des modes opératoires et des champs d’action différents, ils empiètent régulièrement sur les responsabilités des autres.

Pour Anne Genetet, députée LREM des Français établis hors de France, il apparait donc important de réformer cet ensemble. Son plan est d’inscrire au programme du candidat LREM, qui elle l’espère sera Emmanuel Macron, une meilleure représentation des Français au sein des institutions consulaires. Par conséquent, elle voudrait réviser et mieux définir les rôles de chaque instance. Une idée dont elle parlera surement dans les prochains mois. 

Le silence de la droite

Comme nous le disions plus haut, Les Républicains n’ont pas encore nommé leur candidat officiel. Ils préfèrent donc se focaliser sur le Congrès qui aura lieu du 1er au 4 décembre prochains. Les élus consulaires sont ainsi dans l’attente pour lancer la campagne officielle. Pour l’instant, les échanges et débats restent ouverts mais tous ont la même consigne : ne pas faire comme si un des candidats était déjà investi et partir en campagne.

Quant au parti du Rassemblement National, malgré nos sollicitations nous n’avons pas eu de retour. Tandis que chez Eric Zemmour, si les équipes ont été formées à Bruxelles et à Londres pour piloter la campagne auprès des expatriés (Ndrl : dans une consultation sur notre site, ils étaient près de 25% à se déclarer près à voter pour un tel candidat), elles ne désirent pas encore s’exprimer.

Succession d’élections

Pour l’instant, la plupart des mouvements politiques sont concentrés sur l’élection de l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE), décalée au 5 décembre prochain. Le retard est dû à la pandémie de Covid-19 qui a imposé aux circonscriptions d’Inde et de Madagascar de repousser leurs élections consulaires partielles au week-end du 30 novembre.  Effectivement, les 442 conseillers des Français de l’étrangers doivent être élus pour procéder à l’élection au scrutin indirect des 90 membres de l’AFE.

Mais rapidement le rythme va s’accélérer aves les premiers jours de 2022. Comme à chaque scrutin présidentiel, afin de se prémunir des risques d’intervention externes via un piratage, le vote en ligne ne sera pas possible. Cependant, le vote par correspondance devrait faire son retour. L’objectif pour tous sera d’augmenter le taux de participation à l’élection présidentielle et de créer une dynamique pour les élections législatives, l’autre grand enjeu de l’année à venir.

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