Le droit du sol, une invention occidentale

Le droit du sol, une invention occidentale

Naître dans un pays ne permet pas forcément d’en acquérir la nationalité. Il existe deux traditions juridiques en ce qui concerne l’acquisition de la nationalité : le droit du sang (jus sanguinis) qui signifie que l’enfant acquiert automatiquement la nationalité de ses parents ; et le droit du sol (jus solis), selon lequel le pays de la nationalité est celui de naissance. Droit du sol et droit du sang se combinent selon des degrés différents entre les pays, mais selon une typologie finalement assez simple. 

Un principe universel, le droit du sang

Tous les pays du monde appliquent le droit du sang. on nait et on reste de la nationalité de ses parents. On peut considérer ce principe comme un principe universel. Encore ce droit n’est-il pas égal dans tous les pays pour les pères et pour les mères.

Ce droit du sang universel est complété dans certains pays par un droit du sol lui aussi automatique. Y naître, même de façon fortuite, en donne la nationalité immédiate et entière. Enfin, entre les deux, les pays qui appliquent le droit du sol avec un certains nombre de conditions, c’est le cas de la France.

Droit du sol inconditionnel aux Amériques

Quand on regarde une carte du monde, cette classification est extrêmement simple. Le droit du sol intégral n’existe qu’en Amérique, dans toutes les Amériques, du Canada à l’Argentine. Quelques pays seulement ne l’appliquent que de façon conditionnelle : Chili, Colombie, Panama… En dehors des Amériques, le droit du sol intégral n’existe quasiment pas.

Ainsi, sur 177 pays, 96, soit une majorité, reconnaissent uniquement le droit du sang. Sur les 81 pays dans lesquels le droit du sol existe, en dehors des Amériques, il reste relatif, c’est-à-dire soumis à des conditions plus ou moins restrictives, par exemple la durée de résidence des parents ou l’acquisition de la nationalité sur demande à la majorité civile.

Là encore, sur la carte du monde, les pays qui accordent la nationalité selon le droit du sol conditionnel sont facilement repérables : L’Europe occidentale, à laquelle s’ajoutent l’Australie et plusieurs pays africains. A noter que toute l’Europe ne suit pas le jus solis conditionnel : naître en Suisse ne donne pas la nationalité suisse, pas plus qu’en Autriche, dans les pays d’Europe centrale ou même en Italie.

Droit du sol conditionnel en Europe occidentale 

L’Allemagne n’a introduit le droit du sol conditionnel que récemment. On peut dire cependant que le fait de naitre sur le sol d’un pays donne un avantage pour l’acquisition de la nationalité par naturalisation (cas de l’Italie). Le droit des pays européens a donc tendance à s’harmoniser.

Le droit du sol, une invention occidentale

Pour le reste du monde : Asie, Afrique, Moyen-Orient, le droit du sol n’existe quasiment pas. Le droit du sol apparait donc comme une invention occidentale, destinée à faciliter la création de communautés nationales « nouvelles », dans des pays nouveaux  en Amérique après les indépendances. Il permet une acculturation pour la deuxième génération pour les pays européens. Le but est de ne pas laisser des communautés étrangères sur son sol. 

Evidemment, le droit de la nationalité, en ces temps de migrations, évolue plus encore par les naturalisations, plus ou moins faciles selon les pays. L’idée d’une adhésion « culturelle » est de plus en plus commune : Le fait de naître et résider de façon continue dans un pays permet souvent d’en obtenir la nationalité, mais pas forcément. A rebours de l’Europe, d’autres pays ont choisi la fermeture de l’accès à la nationalité.

Adhésion culturelle et fermetures

C’est le cas dans de nombreux pays arabes, où il existe une population étrangère pour laquelle la possibilité d’acquérir la nationalité du pays de résidence est presque nulle. La femeture est d’autant plus stricte  que ces populations sont nombreuses voire majoritaires, comme dans certains pays du golfe (Bahreïn, Emirats, Arabie, etc…).

Dans les pays de tradition musulmane, mais pas seulement, le droit du sang, qu’on devrait plutôt appeler droit par filiation, n’est pas vraiment universel: Les femmes -les mères- ne transmettent pas la nationalité. La nationalité de l’enfant est celle du père.

Discriminations à l’égard des mères

C’est le cas du Maroc à l’Iran en passant par la Tunisie, l’Egypte, la Libye, la Syrie, Nigeria, la Somalie, Madagascar, bien d’autres pays musulmans mais aussi la Malaisie la Thaïlande ou le Népal.

La carte du droit de la nationalité à la naissance fait donc apparaitre quatre grands ensembles géoculturels, avec des exceptions qui tiennent à la colonisation.

Quatre grands espaces culturels et juridiques

En Amérique, le droit du sol inconditionnel est la règle. L’Europe occidentale, a adopté, sous des formes différentes, un droit du sol conditionnel. Quelques pays, en Afrique, en Océanie, ont conservé cette tradition. Dans le reste du monde : Asie, Moyen-Orient, Afrique, le droit du sang est le seul mode de transmission de la nationalité, à tel point que certains pays le considère « définitif » : Une naturalisation ou une naissance dans un autre pays ne permet pas d’abandonner sa nationalité. C’est le cas du Maroc ou de la Chine. 

Enfin dans la majorité des pays musulman, en Afrique ou au Moyen-Orient, la nationalité ne se transmet que par le père, ce qui constitue une inégalité de droit envers les femmes. Dans les autres pays, sauf exception la transmission se fait par le père ou par la mère, indifféremment. Cela est le fruit d’une évolution parfois récente, comme tout ce qui concerne l’égalité de droit entre les hommes et les femmes.

Acquisitions par naturalisation 

Compte tenu des migrations et de la mondialisation, des différentes formes de repli national et de l’évolution positive des droits des femmes, du poids culturel nouveau des pays asiatiques et de leur diaspora, le droit de la nationalité risque d’évoluer de plus en plus, soit vers une plus grande facilité d’acquisition pour la « deuxième génération «  (droit du sol) soit vers une plus grande influence du principe du droit du sang. Quelles que soient les évolutions, les processus de naturalisation vont s’amplifier à travers le monde, privilégiant l’idée d’une adhésion volontaire à un pays nouveau. C’est sur les facilités ou difficultés de naturalisation que portera le débat dans la plupart de pays, confrontés à des populations étrangères plus ou moins bien intégrées et accueillies.

Conflits

Dans le conflit naissant Amérique/Chine, le conflit des mentalités et des traditions juridiques jouera aussi son rôle. Si un Trump a voulu modifié la tradition du droit du sol aux Etats-Unis, il y a renoncé. En revanche, la Chine considère la diaspora comme « chinoise ». Un Chinois ou un Indien californien se sent-il chinois indien ou américain ? La loi d’exclusion des Chinois de 1882 excluait les Chinois (et Asiatiques) de l’immigration aux Etats-Unis. Elle ne fut progressivement abolie que dans les années cinquante. Le droit de la nationalité, s’il dessine des grandes traditions, est aussi un droit évolutif -et conflictuel.

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