Certains d’entre vous connaissent l’expatriation et ses enjeux, d’autres la découvre.
C’est un mode de vie emprunté dans le cadre du travail, par l’envie commune d’un nouveau projet ou par goût du voyage. Mais ne soupçonnons pas les effets d’un tel changement spatio-temporel, parlons de cette transition entre deux pays.
Sur le plan physique cela s’expérimente, sur le plan psychique cela se vit.
Qu’est-ce que l’expatriation ?
L’expatriation sous-tend l’idée de fuite, de quitter, de se réfugier ailleurs que chez soi. L’expatriation dite positive est une expatriation a priori choisie ou bien perçue a posteriori.
Tout de même, les notions qui y sont rattachées posent question et nous poussent à essayer d’entendre les enjeux.
Quelles sont les problématiques spécifiques de l’expatriation ?
Il faut donc pour réussir une expatriation, s’autoriser à quitter, à lâcher, pour pouvoir retrouver et se retrouver dans un ailleurs. Or sur le plan psychique, la personne expatriée doit constamment jauger dans son processus identificatoire entre une identification à sa culture d’origine et celle de son pays d’adoption. Généralement, l’expatrié(e) va et vient depuis son pays d’origine pour les fêtes de fin d’année, les vacances scolaires ou bien encore les événements de vie qui eux, n’attendent pas.
Ce point là est essentiel car il rythme la vie, l’équilibre et l’envie de se trouver ou retrouver dans le pays d’accueil. Au mieux un départ est préparé, au mieux une expatriation est réussie. Mais nous restons « expatrié(e) » malgré l’appartenance à une nouvelle terre. On est donc significativement celui qui quitte, qui fuit, qui se réfugie et cela peut avoir des résonances sur la dynamique familiale car nous ne quittons, ne fuyons et ne nous réfugions pas tous de la même façon.
On est aussi celui qui arrive, qui vient d’ailleurs, étranger et parfois étrange pour autrui.
Symboliquement, une personne expatriée est une personne qui a quitté sa patrie, et ce pour toujours. On n’efface jamais les actes posés. Si l’expatrié décidait de rentrer dans son pays d’origine, alors on le qualifierait toujours d’expatrié en référence à ses années passées en dehors du pays. Et si un retour était acté, il ne serait en aucun cas qualifié de rapatrié, laissons ça à ceux qui dans une situation déplaisante n’ont d’autre choix ou obligation que de quitter la terre apprivoisée.
Il n’y a pas de statut nominatif et reconnu qui permette à la personne arrivant dans un pays d’accueil d’appartenir au lieu et d’être nommée là où elle veut se situer.
C’est comme être là où on ne nous attend pas.
Au vu de cet étourdissement, on peut faire l’hypothèse qu’un des symptômes de l’expatrié est la menace constante d’un déséquilibre de vie et d’envie.
Quels seraient les effets sur le plan psychique ?
« Un esprit sain dans un corps sain ». Citation extraite de la dixième Satire de Juvénal. L’auteur de par son écrit, convoque le sujet en lui énonçant la nécessité de demander aux dieux plutôt que d’implorer.
Il y a donc une part active de l’individu à l’évocation et la formulation de son besoin et/ou de son envie. C’est aussi une nécessité que l’on retrouve dans le travail thérapeutique avec le psychologue. Le cadre est de permettre la création d’un lieu tiers, neutre, pour y déposer ses affects et travailler diverses questions en lien à ses problématiques.
Dans sa tentative d’expatriation, l’individu se doit de trouver des stratégies d’adaptation pour construire de nouveaux repères en lien avec les coutumes et la dimension psycho-sociale du pays d’accueil. Il serait difficile et excluant pour soi d’arriver sur un nouveau sol en empruntant ce qui appartient à l’ailleurs. Il y aurait comme une « dysphorie » lié à l’environnement.
Si le décalage culturel n’est pas appréhendé de façon consciente et certaine, cela peut créer un état de repli sur soi car ce qui viendrait envelopper ne serait pas suffisamment repérant et sécure.
Le repli est un moyen de se protéger et de se rassurer quant à l’être que je suis, à savoir un être entier sur le plan fantasmatique. Mais si cet état de repli perdure, le risque est l’instauration d’une dépression qui se pathologiserait et qui viendrait finalement enfermer l’individu dans une incapacité d’action et de pensée.
L’acte de s’expatrier est un acte coûteux qui mérite toute notre attention. Les perturbations spatio-temporelles, culturelles, langagières viennent re-questionner les croyances et références intrinsèques de l’individu. Celui-ci devra être attentif aux aménagements qu’il met en place pour y répondre.
Le stress ou l’anxiété sont des émotions normales, mais si la pression est trop envahissante et l’adaptation trop compliquée, il est possible de développer un état anxieux pathologique et l’anxiété perdrait sa fonction d’aide aux changements de vie.
Si celle-ci n’est pas prise en charge elle peut être la source d’apparition de troubles encore plus prononcés comme l’angoisse, une dépendance addictive, l’apparition de troubles obsessionnels compulsifs voire dans le pire des cas, une décompensation.
Chers expatriés, soyez conscients du challenge dont vous faites face, et n’oubliez pas qu’une expatriation réussie et une expatriation choisie, préparée ou psychiquement accueillie.
karine Miquelis
Psychologue clinicienne – psychothérapeute
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