Septembre 2020 a été synonyme de rentrée inédite pour le réseau AEFE (agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger). L’Europe, principal foyer de la Covid-19 pendant le printemps, a en effet repris les cours en présentiel avec de nombreuses interrogations et avec l’ombre inquiétante de la seconde vague qui se profile. Quelques semaines après un premier article, lesFrançais.press a repris le pouls.
Le réseau AEFE : rappel et chiffres
L’AEFE est le plus important réseau scolaire international. Outil d’influence et de rayonnement de la France, c’est un réseau mondial qui accueille également 60% d’élèves étrangers.
La zone Europe représente 41 pays et compte 126 établissements. Ces établissements sont répartis de la manière suivante : 25 établissement en gestion directe ou EGD, 40 établissements conventionnés et 61 établissements partenaires. En tout, le réseau accueille 75 917 élèves dont 39 001 Français sur le continent. L’Europe représente 21,2% des effectifs du réseau. Le continent rassemble 1 888 personnels détachés par l’AEFE (32%) dont 185 expatriés et 1 700 résidents. Le continent c’est 4 zones de mutualisation.
La crise sanitaire a touché rudement le réseau partout dans le monde. En Europe, l’enseignement s’était fait en grande partie en distanciel depuis mars avec, sur certaines zones, un retour partiel en présentiel dès mai. Inutile de dire que cette rentrée était vraiment attendue !
Une rentrée heureuse et positive pour le réseau !
En Europe, après des mois éprouvants pour les professeurs, élèves et parents, la rentrée a été abordée avec un grand soulagement ! Celle-ci s’est effectuée, parfois déphasée selon les pays, en présentiel au cours de septembre.
Mehdi Benlahcen, professeur de Sciences économiques et sociales au lycée français de Lisbonne, élu conseiller des Français de l’étranger au Portugal et à l’AFE pour la péninsule ibérique, est le père de deux enfants de 6 et 10 ans. Il nous explique avoir retrouvé avec joie ses élèves et avoir noté chez eux le plaisir de renouer un précieux contact social au-delà de la reprise de l’enseignement en lui-même.
Marie Cordonnier, maman de trois enfants « AEFE » (en 5e, CM1 et CE1) scolarisés au lycée Van Gogh d’Amsterdam, nous confia : « La rentrée des classes s’est bien passée même si elle fut différente des années précédentes en raison du contexte sanitaire. » En effet, il n’ y a pas eu de réunion pour les nouvelles familles. Le jour de la rentrée les parents n’ont pas pu rentrer dans l’établissement. Les réunions parents/professeurs ont lieu virtuellement sur « Teams ». Les enfants étaient surtout contents de pouvoir se retrouver à l’école.
Pour Jérémy Michel, conseiller des Français de l’étranger en Belgique et élu AFE pour le Benelux mais aussi et surtout parent de 2 enfants « AEFE » fut, pour lui, une rentrée heureuse avec une forte volonté commune de revenir en classe et de faire en sorte que tout puisse se passer au mieux. Jérémy trouve les élèves plutôt responsables ; ceux-ci savent en effet que le respect scrupuleux des consignes sanitaires garantit au mieux leurs possibilités de venir en classe chaque jour.
Selon Alexandre Bezardin, conseiller des Français de l’étranger en Italie la rentrée s’est parfaitement bien passée dans le nord et le sud de l’Italie où l’on n’enregistre pas de réel souci à l’heure actuelle. Pour preuve, il n’a pas été sollicité dernièrement, ce qui témoigne du bon état d’esprit des parents et du corps enseignant.
Interrogations et protocoles sanitaires
Cette rentrée sous Covid-19 implique un protocole sanitaire strict avec l’ombre de la seconde vague qui se profile. Cela engendre parfois des questions et des défis complexes.
Mehdi Benlahcen indique que le protocole sanitaire appliqué est par exemple moins rigoureux que le protocole portugais où les élèves ne changent pas de classe et sont assis un par table. Ces mesures sont inapplicables au lycée français de Lisbonne par manque de place.
Le reste du protocole s’articule autour du masque, du gel et d’un nettoyage des salles deux fois par jour ; au Portugal ce nettoyage est fait toutes les heures. Il souligne par ailleurs la difficulté de faire cours en portant un masque toute la journée.
Presqu’à l’opposé du Portugal, les consignes appliquées aux Pays-Bas semblent plus strictes au Lycée français à Amsterdam que dans le reste du royaume. Une enclave dans un pays qui mise tout d’abord sur la distanciation sociale et les gestes barrières pour lutter contre le virus.
Le port du masque vient tout juste d’être fortement conseillé (mais jamais imposé) dans les espaces autres que les transports en commun et jamais pour les moins de 13 ans. Les écoles locales décident d’elles-mêmes si elles souhaitent le port du masque et, dans la plupart des établissements locaux, le masque est porté hors de la classe et non pendant les cours. Le décalage est donc important… Marie Cordonnier indique ainsi que les collégiens (deux classes seulement sur le site) doivent porter le masque toute la journée dans un pays ou ni la distanciation sociale, ni le port du masque, ni le test de la Covid-19 ne sont préconisés pour les moins de 13 ans. Selon elle, les questionnements portent sur la cohérence : lors des repas les élèves enlèvent les masques, durant le sport aussi, mais en revanche pas à la recréation, ni lors des cours…
Interrogé à ce sujet, le proviseur a réaffirmé sa volonté d’un protocole exigeant quitte à aller plus loin que le protocole national afin de protéger au mieux l’établissement, les élèves et les personnels.
Jérémy Michel affirme que le triangle indispensable de la prévention est le masque, le gel et la distanciation physique. Il note un réel sérieux et même une conviction forte dans l’application de ces mesures, seuls moyens d’éviter la propagation du virus. Il note avec satisfaction la grande responsabilisation des élèves vis-à-vis d’eux-mêmes mais aussi et surtout vis-à-vis des autres. L’élu souligne l’excellent travail fait par la direction et les enseignants. Il remarque, sur les trois sites que compte la Belgique, un véritable souhait pour que tout se passe au mieux, de façon pragmatique et dans un climat apaisé. Il ajoute que le contact avec les autorités sanitaires du pays pour l’adaptation des mesures est régulier.
En Italie, tous les cours ont lieu en présentiel avec le port du masque obligatoire pour les enfants, sauf pour les maternelles. La distanciation sociale est maintenue dans les classes et la mobilité des élèves au sein des établissements est assurée par la mise en place d’un parcours bien défini pour éviter que les classes se croisent entre elles.
Communication
Les mois de pandémie ont été éprouvants pour les familles et enseignants en Europe. Le besoin de communication fluide et clair était énorme après des mois où les angoisses et incertitudes furent nombreuses.
Jeremy souligne que la meilleure source d’info est naturellement l’élève qui se trouve quotidiennement au cœur de l’école. Lorsque l’établissement a dû fermer des classes de terminales, la communication directe avec les personnes concernées et la communication par courriel de la direction pour expliquer la situation aux familles ont été privilégiées. Les enseignants communiquent également avec les parents des enfants sur les situations scolaires, individuelles et collectives. La communication deviendra un facteur clé pour éviter les rumeurs.
Mehdi se réjouit de la communication actuelle : une infolettre hebdomadaire (où la situation sanitaire est centrale) est envoyée aux parents alors qu’une autre est expédiée aux professeurs. Il explique que cette communication est plus difficile, lorsqu’il s’agit de réagir en urgence au premier cas positif, le 24 septembre dernier, et aux 40 mises en quatorzaine qu’il a suscitées.
En Italie, les proviseurs assurent des échanges réguliers auprès des associations de parents d’élèves mais aussi directement vers les parents. A ce jour, les notes informatives sont appréciées.
Aux Pays-Bas, Marie Cordonnier indique que le contexte du tout virtuel (réunions, groupes, etc.) rend simplement un peu plus compliquée la transmission des informations et leur flux.
Une situation pédagogique disparate et parfois des lacunes à combler
Les élèves ne semblent pas sortis du confinement de manière uniforme et la situation pédagogique est disparate.
Mehdi nous informe que les premières évaluations ont révélé des lacunes rédactionnelles importantes. Il préconise un remède transversal avec un travail sur la méthodologie de la rédaction par les enseignants de plusieurs matières. Il ajoute que si un cas positif se déclare, le suivi des élèves absents et mis en quarantaine sera un vrai casse-tête compte tenu de la réforme avec des élèves qui ne sont pas libres en même temps. Il se demande si le basculement vers un tout à distance ne sera pas la solution à privilégier.
Jérémy Michel et Marie Cordonnier notent avec satisfaction la reprise des plans individuels pour les enfants ayant des besoins spécifiques. Jeremy a posé quelques questions sur le suivi pédagogique durant le confinement à l’Assemblée des Français de l’étranger et en attend les réponses.
Marie s’interroge sur le suivi pédagogique en cas d’absence. En effet un nez qui coule, une toux ou autre symptôme obligent les enfants à rester à la maison. Cela risque de faire beaucoup d’absences au cours de l’année ! Dans ces conditions, comment garantir un suivi pédagogique de qualité ? Elle rappelle que les situations particulières sont bien prises en compte. Son fils asthmatique ne sera par exemple pas tenu de rester à la maison s’il tousse beaucoup en raison de son affection (qui revient chaque année). Marie s’estime heureuse. Ses enfants n’ont pas accumulé de retard ou des lacunes. Selon elle, il n’y a pas de décrocheur à l’école, mais elle ne peut pas l’assurer à 100%
En Italie, la situation pédagogique des enfants a été parfaitement suivie durant le confinement. Dans le cas d’une nouvelle crise pandémique, les parents ont demandé que les cours en ligne soient assurés sur le même principe que le planning actuel en présentiel. En fait durant le distanciel, les horaires des cours en ligne étaient différents de ceux exercés au sein de nos établissements.
Relation avec les parents : apaiser le climat pour mieux faire face aux petits et grands défis à venir.
Avant la rentrée, nous avions vu qu’un climat de frustration et de défiance s’était parfois installé sur certaines zones. Le refus de l’AEFE d’accorder des réductions sur les frais du 3e trimestre avait parfois heurté les parents.
Alexandre Bezardin estime que, si la grogne a disparu, elle est toutefois latente et au moindre problème cela pourrait revenir sur la table. La priorité actuelle est la sécurité sanitaire des enfants. Selon lui, il est évident que si une nouvelle crise pandémique advenait, l’AEFE n’aurait pas d’autre choix que de faire un geste commercial.
Mehdi Benlahcen rappelle que l’objectif est naturellement un climat apaisé mais que cela est difficile tant les angoisses sont nombreuses et diverses. Sur l’ensemble du réseau le nombre d’élèves ne semble pas encore beaucoup baisser mais l’élu pense que cela est dû aussi aux récentes homologations. Selon lui, l’AEFE ne s’est jamais remise de la baisse des 33 millions d’euros de 2017. Certains établissements ne se redresseront pas alors que ce n’est qu’en 2021 que le choc financier aura lieu. La situation est donc anxiogène pour l’avenir du réseau.
Jeremy pense quant à lui que cette « grogne » se mesurera à l’aune des résultats des élections des représentants des parents d’élèves. Il affirme que personne n’a envie de revivre ce qui s’est passé, notamment autour de la discussion de la facturation du 3e trimestre, pour autant cet épisode reste dans les mémoires. Il invite à être constructifs et vigilants sur la base de ces expériences.
Pour Marie Cordonnier, les défis à venir seront la gestion des absences et la continuité pédagogique.
Elle rappelle les nombreux questionnements sur la communication et les outils introduits l’année scolaire précédente pour parer au confinement (espace de travail numérique et groupes).
L’école à Amsterdam est de taille modeste Marie pense que la nouvelle équipe de l’association de parents d’élèves qui se met en place sera parfaite pour être à l’écoute des parents et travailler en bons termes avec l’école.
Alexandre Bezardin souligne que la crise que nous traversons depuis plusieurs mois a montré que le suivi pédagogique des enfants à distance pouvait être assuré. Selon lui cette épreuve pourrait être une idée pour développer la possibilité, en faveur d’enfants français qui vivent dans des villes où il n’y a pas d’écoles françaises, de développer des formations de français pour tous les jeunes enfants qui le souhaiteraient via le réseau AEFE.
La rentrée 2020 s’est donc globalement bien passée pour le réseau AEFE. Les défis et questions sont divers et nombreux. Alors que l’Europe commence à affronter la seconde vague, la résilience du réseau, de ses enseignants, parents et enfants promet d’être mise à rude épreuve. Lorsqu’on lui demande de citer le plus grand défi de ces prochains mois, Jeremy Michel, toujours avec humour, déclara « Que chacun garde le sourire derrière son masque ».
Lesfrançais.press ira naturellement vérifier cela prochainement !
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Bonjour,
je lis avec surprise que selon Mr Alexandre Bezardin (conseiller des Français de l’étranger en Italie) « la rentrée s’est parfaitement bien passée dans le nord et le sud de l’Italie où l’on n’enregistre pas de réel souci à l’heure actuelle. Pour preuve, il n’a pas été sollicité dernièrement, ce qui témoigne du bon état d’esprit des parents et du corps enseignant. ». Visiblement Mr Bezardin n’est pas au courant de la rentrée catastrophique du Lycée Chateaubriand de Rome. Plus de 260 familles, représentants plus de 400 élèves, ont signé une pétition contre les conditions fortement dégradées d’enseignement mises en place par le Proviseur Mr Devin. Plusieurs familles ont retiré leurs enfants du lycée. Cette crise majeure est remontée jusqu’à Mr l’Ambassadeur de France en Italie. Plusieurs rencontres ont eu lieu à l’Ambassade avec le Proviseur Devin, des représentants des parents d’élèves. Au regard de la gestion calamiteuse de la rentrée et de l’impact très négatif sur l’image du lycée, Mr Devin a été remercié la semaine dernière et son remplaçant qui vient du lycée français de Beyrouth prendra ses fonctions lundi 5 septembre. J’invite Mr Bezardin à prendre contact avec l’Ambassade de France à Rome, pour se mettre au courant.