Femme d’expatrié au lieu de femme expatriée ! Une nomination bien étrange qui vient pointer une appartenance plutôt qu’une individualité !
Cette nomination m’était méconnue dans ce qu’elle tente de ne pas révéler à la pensé commune. La femme d’expatrié est souvent, disons-le, le conjoint « suiveur » dans le couple. Le mari, de par sa fonction, doit mener une mission à l’étranger sur un temps plus ou moins défini et ce, parfois dans l’urgence.
La femme au second plan ?
Il s’agit alors de se décider rapidement, avant tout pour l’intéressé sans qui cela ne serait rendu possible. Puis vient la conjointe qui, si elle en a l’opportunité, devra répondre de sa capacité à se lancer pour suivre celui qu’elle aime.
Mes rencontres avec « La femme d’expatrié » m’ont questionnées sur le rapport contenant/ contenu dans le lien ou le manque de lien qu’ils entretiennent.
La fonction de contenance ou d’enveloppe psychique nécessaire à la survie et le sentiment de sécurité, peut être mis à mal chez ces femmes qui présentent des fragilités et une symptomatologie liées à leur statut, ou manque de statut dirai-je.
Différents psychanalystes tels que Bion, Winnicott, D.Anzieu ont montré que l’expérience première provient d’un vécu corporel en relation avec un environnement. Tout comme au contact de la face interne de l’utérus de sa mère, le nouveau-né va devoir être porté et tenu, afin qu’il puisse être contenu et sécurisé. La dimension relationnelle au travers de la parole, du regard, va venir l’aider à lier les sensations corporelles contenantes à la sensation de sécurité psychique.
Un environnement à se réapproprier.
Il y a une corrélation entre le dedans et le dehors, le corps et l’environnement mais surtout l’enveloppe psychique et l’enveloppe corporelle. Ces notions ne sont absolument pas à opposer mais à lier car si chacune d’elles possède ses propriétés, elles interagissent et constituent la cohérence du sujet dans son environnement. Si cette cohérence est menacée, l’enveloppe psychique peut être troublée, et la fonction contenante entaillée.
La fonction contenante en chacun de nous plus ou moins développée, peut être fragilisée au cours d’événements et il est alors nécessaire de la restaurer !
Les femmes d’expatriés présentent souvent des similitudes quant à leur rapport à l’environnement. Quelques exemples :
– Diplômée ou non, elles sont souvent sans emploi dans un pays qui ne pourrait reconnaitre administrativement leurs qualifications ou dans lequel il serait indispensable de parler la langue.
Elles sont peu à pouvoir proposer leurs compétences et la dépendance financière au conjoint s’installe. Un trait est à tirer sur l’épanouissement et l’évolution professionnelle, ce qui vient clore un première porte sur l’extérieur et la vie sociale de l’individu.
L’expatriation une prison mentale ?
Le sentiment de solitude lié à l’indisponibilité du mari dans le quotidien, les plongent dans une implication totale et focalisée autour des enfants, souvent nombreux.
La scolarité, les activités extra-scolaires, les goûters peuvent être un moyen de pallier certaines carences affectives liées au couple.
Les enfants grandissants, elles se retrouvent souvent exclues d’une dynamique dans laquelle elles n’ont aucune opportunité d’évolution .
La vie sociale leur est limitée. Si elles trouvent du réconfort auprès d’expatriés et d’associations, le tour est vite fait. Ne pouvant tisser de lien ailleurs que dans ce micro-cosmos, elles se rendent vite compte de l’adaptation forcée qu’elles devront accepter car seulement de passage.
On fréquente souvent qui on peut et non qui on veut dans ce contexte.
Une accumulation des expatriations fragilise le mode relationnel.
Quant au couple, il est difficile de trouver un équilibre et du temps ensemble.
Un fossé peut se creuser de par la vie sociale active du mari et le manque d’espace intime de la femme. S’il y a une fatigue à s’occuper de la vie familiale, celle-ci n’est pas toujours reconnue par les pairs.
Ces différents points constituent un exemple de la symptomatologie de « La femme d’expatrié ».
Concernant la cohérence du sujet, ces femmes me sollicitent car il y a un effondrement narcissique chez elles, souvent après quelques années d’expatriation ou au départ d’un des enfants.
Elles ont le sentiment « de ne servir à rien », « que ça n’a pas de sens … ça n’en a jamais eu», et sont prises « d’une angoisse sans explication et de pleurs ». Il y a une difficulté pour elles de questionner leur fonction et identité au sein d’un système qui les a dépassé et dans lequel la question de leur désir s’est bien trop souvent annulée.
On peut faire le parallèle de cet état avec une atteinte de leur enveloppe psychique. Cela entraine une perte de repères et une confusion entre leur monde interne et leur monde externe.
Elle peuvent verbaliser une perte de leur capacité à penser et à se représenter. Prise physiquement d’une fatigue, d’une lourdeur mentale, de maux de tête, d’une forte émotivité, la dimension corporelle est en jeu et le poids varie…
Fragilités psychiques
L’environnement est menaçant, elles courent et semblent ne plus pouvoir suivre le rythme effréné dans lequel elles se sont plongées. Parfois elles demandent à leur entourage de s’y plonger sans avoir le recul nécessaire pour se rendre compte qu’elles ne peuvent porter à elles seules le poids de chacun. La dimension corporelle est en jeu, et le poids varie… encore.
Il leur est difficile de s’exprimer verbalement, d’accepter qu’elles peuvent penser autrement et ne pas apprécier ce que la pensée commune envi. Alors sans un mot, elles se vident et se sentent envahies par cet extérieur qui vient ébranler leur système interne.
Parfois la limite du dedans/dehors n’est même plus bordée et il y a fusion/confusion.
Des états instables et des fragilités psychiques apparaissent. Des états de crises menacent l’identité, le maintient et la sécurité familiale, l’entente du couple… ça déborde!
Il faut retrouver du sens, une signification à ce qui entoure et qui vient border.
Calmer la souffrance psychique et désangoisser pour retrouver un état corporel soutenant et sécurisant. Le corps et l’esprit sont interdépendants et ne doivent pas être opposés. Ils sont en lien et assurent la cohérence du sujet.
Quel travail thérapeutique ?
Le travail thérapeutique aura pour objectif au-delà de calmer les angoisses et de stabiliser un état parfois critique, de permettre au sujet de retrouver une cohérence. Re-sécuriser et border ses enveloppes et y réinjecter du sens. Mettre du lien… tou cela peut être soutenu au cours du travail clinique avec un psychologue.
Il y a une réalité de terrain pour ces femmes qui trop souvent, demandent de l’aide tardivement.
karine Miquelis
Psychologue clinicienne – psychothérapeute
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