Total Energies, ExxonMobil, Shell et les autres grandes compagnies pétrolières sont les cibles parfaites des militants luttant contre le réchauffement climatique. Elles symbolisent le capitalisme de ces cent dernières années et sont accusées d’être les principaux responsables du dérèglement climatique. Elles sont les bouc-émissaires idéaux du fait de leur notoriété mondiale. Dans les faits, elles ne sont qu’un rouage de l’économie carbonée, certes important mais leur condamnation ne saurait suffire pour renverser le réchauffement climatique.
Les majors occidentales produisent moins de 20 % de la production mondiale de pétrole
Contrairement à une croyance bien établie, les majors pétrolières ne sont pas les principaux producteurs de pétrole. Les compagnies pétrolières nationales comma Saudi Aramo, QatarEnergy, Adnoc (Emirats Arabes Unies) et PDVSA (Venezuela) sont bien plus puissantes que les majors occidentales. Elles produisent les trois cinquièmes du brut mondial et la moitié du gaz naturel, contre un peu plus d’un dixième pour les grandes sociétés pétrolières internationales. Elles disposent des deux tiers des réserves de pétrole et de gaz découverts dans le monde. Elles peuvent produire encore plus de quatre décennies. Les majors occidentales produisent moins de 20 % de la production mondiale de pétrole et détiennent environ 15 % des réserves.
Dans les cinq premières compagnies intervenant dans le secteur des hydrocarbures figurent une société saoudienne, une société iranienne, une société chinoise et deux sociétés russes. Exxon arrive en 6e position, BP en 7e, Shell en 8 et Total Energies en 13e position. Avec un prix du baril à 100 dollars, les compagnies nationales enregistrent des gains records. Si ce prix se maintenait jusqu’en 2030, leurs gains supplémentaires se chiffreraient à plus de 1100 milliards de dollars. La moitié de cette prime irait aux compagnies nationales émiratis, koweïtiens, qatariens et saoudiens. Les entreprises russes telles que Rosneft, malgré les embargos occidentaux, grâce à leurs ventes en Chine et dans les autres pays asiatiques, capteraient près d’un cinquième de ce gain.
Les entreprises pétrolières d’Etat moins impliquées dans la transition énergétique
Les compagnies nationales productrices d’hydrocarbures réalisent peu d’efforts pour décarboner leurs activités. Selon le cabinet de conseil Wood Mackenzie, on estime que les géants publics consacrent moins de 5 % de leurs dépenses d’investissement à la transition énergétique, contre 15 % en moyenne pour les entreprises américaines et européennes. Entre 2005 et 2020, les entreprises nationales ont également déposé moins de demandes de brevet pour des idées vertes que leurs rivales internationales.
Les entreprises pétrolières d’Etat les moins impliquées dans la transition énergétique sont celles des pays peu ou pas démocratiques. La PDVSA vénézuélienne ne réalise aucun investissement pour la décarbonation quand, en revanche, Equinor, en Norvège s’investit dans les énergies renouvelables. Il convient de signaler qu’il en est de même pour Aramco qui est une société saoudienne mais cotée. Petronas en Malaisie et Ptt en Thaïlande, se tournent de plus en plus vers les énergies renouvelables. Ptt se lance également dans les véhicules électriques. La compagnie de Colombie, Ecopetrol, a investi dans des projets éoliens et solaires et a récemment acquis une société de transport d’électricité.
Décarboniser la production pétrolière
Le Cnooc chinois veut maintenant que ses émissions de carbone atteignent leur maximum d’ici 2028 et promet que l’énergie non fossile représentera plus de la moitié de sa production intérieure d’ici 2050, conformément à l’engagement du président Xi Jinping selon lequel les émissions chinoises commenceront à baisser avant 2030. La compagnie brésilienne Petrobras estime que la production de pétrole de ses nouveaux gisements entraîne 40 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins par baril que la moyenne mondiale.
Plutôt que de miser sur les énergies renouvelables, la société brésilienne décarbonise les opérations pétrolières en investissant dans des installations de production et des navires entièrement électriques. Elle a récemment obtenu un prêt vert de 1,3 milliard de dollars, où le taux d’intérêt baisse si l’entreprise émet moins de carbone, et a lié la rémunération des dirigeants aux objectifs d’émissions. Aramco a développé des centres de recherche pour favoriser l’essor d’énergies vertes. Les Saoudiens ont investi sur des techniques de captation des émissions de CO2. Ils ont financé, pour 5 milliards de dollars, un projet d’hydrogène vert dans une ville en plein milieu du désert, Neom, avec l’objectif de devenir le premier exportateur mondial d’hydrogène. Les entreprises algériennes et vénézuéliennes émettent trois à quatre fois plus de carbone dans la production de pétrole que les entreprises les mieux gérées sur le plan géologique telles que Adnoc et Aramco, et brûlent sept à dix fois plus de gaz par baril que QatarEnergy.
Un pouvoir économique qui devrait perdurer au minimum jusqu’au milieu du siècle
Les petites compagnies nationales ou celles qui détiennent d’importantes réserves n’entendent pas modifier leur mode de développement.
Le pétrole reste incontournable encore pour de nombreuses années tant en matière d’énergie qu’en tant que matière première. Les pays producteurs disposent d’un pouvoir économique qui devrait perdurer au minimum jusqu’au milieu du siècle. A partir des années 1960 et surtout 1970, ils ont entendu contrôler leur rente en créant de grandes compagnies nationales dont l’objectif n’était pas de restreindre la consommation de pétrole mais bien d’en retirer tous les avantages.
Les pays producteurs doivent néanmoins gérer l’épuisement des réserves et la transition énergétique qui suppose une sortie des énergies fossiles. Cette sortie sera progressive mais elle entraînera des changements dans les rapports de force entre les Etats. Si certains préparent demain et après-demain, force est de constater que d’autres tendent à espérer que la rente perdurera.
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