La Russie, 30 ans après la fin de l’URSS

La Russie, 30 ans après la fin de l’URSS

L’Union des républiques socialistes soviétique (URSS) a disparu, il y a trente ans, le 25 décembre 1991 après 69 ans d’existence. Cette union imposée par Staline et Lénine met un terme au processus d’autodétermination des peuples qui avait prévalu après la chute du tsar en 1917. La guerre, les craintes d’une contrerévolution et le risque de fragmentation du pays avec la sécession de l’Ukraine entraînent l’abandon de l’expérience fédérale pour un système centralisé autour du parti communiste. L’URSS proclamée le 30 décembre 1922, sera dotée le 31 janvier 1924 d’une constitution. L’URSS connaîtra la consécration avec la victoire contre l’Allemagne nazie en 1945 avec la création d’une zone d’influence allant jusqu’au cœur de l’Europe. Ceci donna lieu à un célèbre discours de Winston Churchill. Prononcé le 5 mars 1946 devant les étudiants de Fulton dans le Missouri, il marqua le début de la guerre froide.

« De Stettin sur la Baltique à Trieste sur l’Adriatique, un rideau de fer s’est abattu sur le continent. Derrière cette ligne se trouvent toutes les capitales des anciens États d’Europe centrale et orientale. Varsovie, Berlin, Prague, Vienne, Budapest, Belgrade, Bucarest et Sofia ; toutes ces villes célèbres et leurs populations sont désormais dans ce que j’appellerais la sphère d’influence soviétique, et sont toutes soumises, sous une forme ou une autre, non seulement à l’influence soviétique mais aussi au contrôle très étendu et dans certains cas croissant de Moscou ».

Winston Churchill

Durant une quarantaine d’années, au-delà des atteintes aux libertés individuelles, l’empire soviétique réussit, plus ou moins bien, à faire illusion. La compétition avec l’Occident servit de paravent pour masquer ses échecs économiques. La guerre en Afghanistan engagée en 1979, l’accroissement sans fin des dépenses militaires pour contrecarrer la guerre des étoiles du Président Ronald Reagan, et surtout la déliquescence du système politique provoquèrent la chute de l’URSS.

De la déliquescence de l’URSS à l’avènement de la nouvelle Russie

Après le long règne de Leonid Brejnev (1966/1982), l’URSS connaît une instabilité avec la nomination successive de deux chefs d’État en mauvaise santé, Iouri Andropov et Konstantin Tchernenko qui feront des mandats très courts.

En 1985, Mikhaïl Gorbatchev est nommé à la tête de l’URSS. Il entend rapidement réformer le régime pour combattre la stagnation économique. La perestroïka (restructuration économique) n’atteint pas les objectifs qui lui étaient assignés. Les pénuries se multiplient tout comme les inégalités sociales entraînant une montée de la contestation au sein de la population. Gorbatchev lance alors un projet de démocratisation du régime, avec la glasnost (transparence). Ce projet aboutit à une exacerbation des conflits interethniques et à la montée des nationalismes. À bout de ressources et pour sortir d’une guerre sans fin, Gorbatchev décide au mois de février 1989 le retrait des troupes russes d’Afghanistan. Ce retrait et le mouvement de libéralisation interne à l’URSS sont perçus comme une opportunité. Mais aussi comme un aveu de faiblesse de part des populations des démocraties populaires.

La dislocation de l’URSS

La Hongrie est la première à entamer un processus de libéralisation. Elle sera suivie par les autres pays d’Europe centrale avec, comme symbole, la chute du Mur de Berlin le 9 novembre 1989. En 1990, pour la première fois depuis le début de l’ère soviétique, des élections libres ont lieu. De plus, les partis politiques sont autorisés. Dans les États fédérés de l’URSS, les courants autonomistes et nationalistes l’emportent. Au mois de juin 1990, Boris Eltsine, président du Soviet suprême de la République de Russie déclare la souveraineté de cette dernière.

En août 1991, un putsch organisé par des généraux conservateurs se produit à Moscou pour mettre un terme au processus de libéralisation. Les réformistes emmenées par Boris Eltsine l’emportent en ralliant une part importante de l’armée. Cet évènement conduit les républiques constituantes de l’URSS à proclamer, au cours de l’automne 1991, l’une après l’autre, leur indépendance. Cela contraint Gorbatchev à démissionner de son poste de Président de l’URSS vidé de son pouvoir le 25 décembre 1991. Le CAEM (Conseil d’Assistance Économique Mutuelle) créé en 1949 afin de concurrencer la CEE en regroupant économiquement les pays d’Europe de l’Est, et le Pacte de Varsovie, l’alliance militaire concurrente de l’OTAN née en 1955, disparaissent dans la foulée.

Carte de la Guerre froide

Une chute du PIB de 50%, une inflation de 1000%

Avec la disparition de ses liens avec les anciennes démocraties populaires qui se tournent vers les États-Unis et l’Europe occidentale, la Russie a enregistré, au début des années 1990, une chute de son PIB de plus de 50%. L’inflation atteint alors 1 000% et le chômage plus de 15% de la population active.

La période est marquée par d’importants mouvements de populations. D’un côté, il y a l’arrivée de Russes en provenance des États devenus indépendants. De l’autre, l’émigration de Russes diplômés qui fuient leur pays en raison des difficultés économiques et de la violence.

La guerre en Tchétchénie marquée par la défaite de la Russie en 1995/1996 marque profondément l’opinion publique. En effet, elle symbolise le déclin d’une armée soviétique sacralisée depuis 1945. Les problèmes économiques s’accumulent durant les années 1990 au point d’aboutir à un défaut de paiement partiel de la dette russe le 17 août 1998. Le PIB enregistre un fort recul entraînant une nouvelle montée de la pauvreté. En 1999, la Russie doit faire face à une série d’attentats causant la mort de 293 personnes. Les autorités accusent les Tchéchènes d’en être responsables, ce qui conduit à une nouvelle guerre au sein de la république séparatiste.

De plus en plus contesté, le 31 décembre 1999, Boris Eltsine annonce son retrait du pouvoir. Il le confie à Vladimir Poutine, un ancien du KGB, maire de Saint Pétersbourg et proche du clan Berëzovski.

La Russie à la recherche de sa voie sur fond de nationalisme

En instaurant un régime présidentiel fort, Vladimir Poutine prend des mesures rapides afin de lutter contre la fraude fiscale et l’inflation. Il décide l’arrestation d’oligarques qui avaient profité des privatisations pour se construire de petits empires économiques. L’augmentation des cours des matières premières et de l’énergie permettent, par ailleurs, le retour de la croissance, la Russie entrant ainsi dans le club des pays émergents. Jusqu’à la crise financière de 2008, le taux de croissance annuelle atteignait 7% par an.

Un processus de modernisation est engagé avec à la clef l’essor du secteur tertiaire et notamment des banques. Après la crise financière, l’activité économique tend à s’étioler et les relations avec l’Occident se compliquent.

La politique étrangère menée par Poutine

La Russie tend à restaurer sa sphère d’influence au sein de plusieurs anciens États de l’URSS (Ukraine, Biélorussie, Ossétie, Tchétchénie, etc.). Vladimir Poutine mène, en effet, une politique étrangère de plus en plus active. Pour cela, il s’appuie sur la puissance renforcée de l’armée russe. La Russie est redevenue un acteur clef au Moyen Orient en s’impliquant aux côtés de la Syrie lors de la guerre civile.

L’état dispose de sa propre alliance l’Organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC). Créée en 2002, elle regroupe la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan et le Kirghizistan. La Russie multiplie des accords militaires en Asie comme en Afrique tant en réaction à l’influence croissante de la Chine qu’en opposition avec les États-Unis.

La crainte de l’encerclement avec l’adhésion éventuelle de l’Ukraine à l’OTAN et la volonté de contrôler cet État qui est considéré par les Russes comme partie intégrante de leur pays entraîne, en 2014, une crise frontale avec les États-Unis et l’Union européenne, surtout après l’annexion de la Crimée. La mise en place d’embargos et la chute des cours du pétrole en 2016 provoquent une nouvelle crise économique. Les effets sont moindres que ceux constatés en 1998 grâce aux réserves constituées dans le cadre de plusieurs fonds souverains. La Russie se tourne davantage vers la Chine et vers les États-membres de l’Union Économique Eurasiatique (UEE). Cette union fondée par la Biélorussie, le Kazakhstan et la Russie a été, depuis, rejointe par l’Arménie.

L’Union Européenne reste le premier partenaire économique de la Russie

Vladimir Poutine

L’Union européenne reste le premier partenaire de la Russie même si ses parts de marché dans les échanges extérieurs sont passées de 49 à 38 %, entre 2013 et 2020, en raison notamment des embargos. Malgré les sanctions mises en œuvre à partir de 2014 par l’Union européenne et les États-Unis, l’économie russe fait preuve de résilience. La crise sanitaire a entraîné une chute des prix du pétrole et du gaz, principales sources de recettes pour l’État et le pays. Mais celle-ci a été de courte durée. Elle a pu être compensée par les fonds souverains sans recours massif à l’endettement. La dette extérieure russe s’élevait fin avril à 459 milliards de dollars, en recul de 37 % par rapport à son niveau de 2013.

Les comptes extérieurs de la Russie restent excédentaires de plus de 2 % du PIB. Avec la hausse du cours du pétrole depuis la fin de l’été, celui-ci devrait s’accroître. Les comptes publics sont relativement sains même si la dépendance au pétrole reste forte. Après un déficit de 3,9 % du PIB en 2020, le solde public devrait être à nouveau positif en 2021. La dette publique demeure faible à 18 % du PIB. Après avoir atteint des sommets à la fin des années 1990, le taux de chômage demeure faible en Russie, aidé par la baisse de la population active. En juin 2021, il s’élevait à 4,7%.

Chute démographique

Au-delà des chocs conjoncturels, la croissance potentielle de la Russie est faible. En raison, notamment, de son déclin démographique et de la faiblesse de l’investissement. De 1991 à 2020, la population russe est passée de 149 à 145 millions d’habitants, après avoir connu un point bas à 143 millions dans les années 2000. L’épidémie de covid a entraîné une diminution de la population de plus de 500 000 personnes. La Russie se caractérise par une faible natalité qui s’accompagne d’une mortalité précoce, l’espérance de vie étant de 72 ans. Pour contrecarrer la diminution de la population active, les autorités ont décidé en 2018 de reculer l’âge de la retraite.

Malgré la succession des plans de modernisation, la Russie reste dépendante de la rente pétrolière. La transition énergétique l’oblige à revoir son modèle. Le gouvernement a comme atouts d’importantes réserves de terres rares nécessaires pour l’essor des énergies renouvelables. Le gaz qui est moins émetteur de gaz à effet de serre que le pétrole, permettrait de palier également au déclin programmé de ce dernier.

A la recherche d’un modèle de croissance

La place de la Russie dans le commerce international est amplement discutée au sein du pouvoir. Certains souhaiteraient réduire l’influence des échanges en optant pour un isolationnisme quand d’autres souhaitent les maintenir tout en développant des outils pour s’affranchir des États-Unis, en particulier en ce qui concerne les moyens de paiements.

De l’époque des tsars à celle d’aujourd’hui en passant par le régime soviétique, les problématiques russes sont constantes : la crainte de l’encerclement, l’isolationnisme ou la tentation de l’immersion soit à l’ouest soit à l’est dans le commerce international, ainsi que la réflexion autour de la constitution d’une grande zone d’influence. Le plus grand pays du monde en termes de superficie, doté, en quantité, d’importantes réserves de matières premières et soutenu par une histoire millénaire est toujours à la recherche, quels que soient les régimes en place, d’un modèle de croissance viable.

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