La lassitude, l’expression de la répétition.

La lassitude, l’expression de la répétition.

« On en a marre ». 
Cette énonciation au sens commun doit être la plus exprimée ces derniers temps par les expatrié(e)s et plus globalement par les français. Le « on » impersonnel vient désigner le rouage dans lequel ils sont pris sans pour autant y voir la fin. 

Moralement fatigué

le sentiment de lassitude majoritairement ressenti fait référence à deux choses : 
1- l’état dans lequel se trouve un individu sur le plan moral, psychique 
2- ce qui se joue en amont pour créer cet état, qui lui, a trait au situationnel. 

Si on est lassé, c’est qu’on est fatigué moralement, un ras-le-bol se ressent et un découragement voire un épuisement s’exprime. Ce n’est pas anodin, il y a une notion centrale à cet effet qu’est la répétition. 
Sur un plan clinique, on pourrait comparer la situation politico-sanitaire actuelle à un processus addictif dans lequel le procédé est sans fin. C’est ce qu’on appellerait la compulsion de répétition. 
La compulsion de répétition, selon Freud, est le refoulé « qui, demeuré incompris, fait retour. Et na pas de repos jusqu’à ce que soient trouvées résolution et délivrance. [1] »

Cette répétition se trouve au cœur même du symptôme. La compulsion de répétition est repérable chez le sujet alcoolique via son engagement dans diverses cures ; dans sa tentative de se sevrer indéfiniment. Tout comme la situation actuelle qui tente de nous plonger de manière répétitive et incertaine dans un climat psycho-socio-éducatif où il est question d’adopter un protocole, très souvent changeant. Où il est question de venir ajouter, stabiliser et enlever du rythme sur le plan professionnel et ce pris dans un rouage incessant. Où il est encore question d’expliquer aux individus ce qui doit être pensé, repérable mais qui s’annule trop souvent par ce qui en découle.

La répétition ne se joue pas essentiellement dans les thématiques abordées, ni même dans la boucle qu’elle emprunte. La théâtralité avec laquelle tout cela s’exprime en est également un exemple. C’est-à-dire que la répétition serait dans ce qui est entendu, et dans la façon dont cela se perçoit au travers du flux linguistique. 
Nous pouvons aussi repérer une répétition dans les caractéristiques vocales de celui ou ceux qui énoncent, via le journal télévisé par exemple. C’est ce qui explique que l’on peut reconnaitre une personne qui s’exprime sans la percevoir, en fonction des mots utilisés, du son de la voix, de la tonalité. 
Tout comme le clinicien avec son patient, nous sommes en tant qu’individus imprégnés de cette subjectivité vocale de chacun.

La répétition, on ne la connait que trop bien dans la dimension psycho-sociale qui se joue au sein de notre pays et dans le monde entier depuis plus d’un an. 

Il y a une réalité externe qui est la situation sanitaire, économique, professionnelle et ce qui en est de sa réalité. 

L’impuissance ressentie face aux décisions qui nous échappent, face à la façon dont tourne le monde et aux risques psycho-sociaux que cela génère, ne doit pas venir pour autant prendre une place majeure dans ce qui est de son système de pensée. 

Allez au delà de la répétition

Cela semble compliqué allez-vous me dire, comment puis-je penser un au-delà de ce qui se joue sans même avoir de repères précis, pensables, moi qui suis face à une inconnue d’ordre spatio-temporelle ?

C’est là que rentre en compte le système interne d’un individu.
Sachez qu’il n’y a pas de système unique et si en tant que sujet je n’ai pas suffisamment d’espace à l’extérieur, je peux en créer à l’intérieur. 
Il va falloir alors procéder à un lâcher prise et rendre de l’importance à ce que je peux acter, actionner. La pensée est indissociable à ce procédé car je vais devoir opérer des changements mentaux qui viendront moduler ma capacité d’adaptation à l’environnement afin de m’ouvrir sur des champs impensables jusqu’alors. 

La répétition c’est ce qui fait retour et à laquelle je suis confronté(e), sans cesse. S’il n’y a pas de tentative de pas de côté, on retourne dans la boucle construite et modulée qui fait défaut. 
Attention à ce que la lassitude ne fasse pas de vous des « êtres lacés », ce qui viendrait alourdir votre capacité d’action.

Karine Miquelis
psychologue clinicienne – psychothérapeute
www.seancedepsy.com


[1]S. Freud,  Analyse de la Phobie d’un garçon de cinq ans. 1909. Fr., p. 180.

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Auteur/Autrice

  • Où que vous résidiez et quelque soit votre statut social; expatrié, personne isolée, à mobilité réduite ou adolescent; Karine Miquelis prend en compte votre situation personnelle de vie. Spécialisée dans l'accompagnement des expatriés, elle est la Psy du site Lesfrancais.press

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