Biden président !

Biden président !

Le mandat présidentiel de Donald Trump a pris fin comme prévu par le 20e amendement de la constitution américaine, le 20e jour de janvier, à midi. Donald John Trump s’en est allé, puis Joseph Robinette Biden Jr. fut assermenté par le président de la Cours suprême des Etats-Unis, depuis les marches du Capitole, devant un immense champ de drapeaux et une petite foule d’élus et leurs proches. Trump aura profité de ses dernières heures au pouvoir pour exercer son droit de grâce pour plus de 140 condamnés dont le fameux et sulfureux Steve Bannon. 

Un président assermenté sans public

L’assermentation d’un nouveau président est généralement tenue devant une marée immense dont le nombre avoisine souvent le million d’âmes. Lors de la dernière cérémonie, celle de Trump, la foule fut plus anémique que d’habitude, constituant l’origine de la toute première « fake news » officielle proférée par le porte-parole de la Maison Blanche, un certain Sean Spicer. Avec le narcissique Trump, l’audience, le nombre, la taille, la popularité ou l’apparente richesse, sont l’alpha et l’oméga de sa raison d’être, gare à la critique ! Quand la presse se mit à comparer les foules venues pour Trump contre celles d’Obama, le 45eprésident des Etats-Unis mobilisa ses communicants pour dire le contraire, premier nuage d’un ouragan de mensonges et contrevérités à venir.

Drapeaux américains devant le Capitole le 20 janvier 2021 © Adobe premium

Quatre ans plus tard, jour pour jour, l’assermentation de Biden, s’est faite sans la traditionnelle foule. Avec un centre-ville quadrillé par des troupes, une épidémie incontrôlée, un risque réel d’attentat, les conséquences de la tentative du coup d’état du 6 janvier se sont fait ressentir au cœur même de la ville fédérale. 

Au delà du 6 janvier 2021

Alors que les médias français ont fait la part belle aux événements du 6 janvier, ils ont été beaucoup moins prolixes sur ce que les américains ont appris au cours des quinze jours suivants.

Pour cette raison, certains politiques et commentateurs français ont appliqué une grille de lecture hexagonale pour dédouaner Trump, s’arrêter à la question de la fermeture du compte twitter ou relativiser l’importance de la horde séditieuse qui s’est emparée du Capitole. Au-delà du cornu aux fourrures, qui a fasciné par son maquillage, il faut creuser un peu pour en savoir plus sur la horde trumpiste qui a déferlé au sein du parlement américain.

Leader de l’extreme-droite américaine dans le Capitole le 6 janvier 2021 ©AFP

Le biscornu masqué n’est qu’un aspect folklorique de la horde hétéroclite, il ne faut surtout pas le mettre en exergue et passer outre, d’autres étaient armés et prêts à passer à l’acte. Soyons clairs, avec le recul et les enquêtes en cours, nous savons que nous sommes passés à deux doigts d’un véritable massacre et d’exécutions publiques. Cette horde était un véritable bestiaire de ce que compte l’extrême droite américaine : milices armées, complotistes, racialistes, suprémacistes, et en leur sein, quelques abrutis convaincus qu’ils agissaient avec l’aval de Donald Trump, Ted Cruz ou Rudy Giuliani. Chaque jour amène son flot de révélations, notamment sur l’identité des principaux acteurs de cette émeute. Souvenez-vous, ce sont les mêmes qui avaient tenté de kidnapper le gouverneur du Michigan, Gretchen Whitmer, en octobre dernier. 

Trump, complice ?

Les émeutiers ont-ils bénéficié de complicités ? Si la police du Capitole était complètement dépassée, et malgré des actes très courageux, d’autres agents se sont montrés sympathiques, pour ne pas dire complices. Encore plus grave, certains émeutiers auraient profité de récentes visites guidées par des équipes de congressistes pour faire un état des lieux. Il est clair qu’une commission d’enquête se penchera sur toutes ces allégations afin de déterminer les liens entre ces militants et certains politiques. Ce qui est évident, c’est que nombreux élus, surtout au sénat, ont eu la peur au ventre. Avec la gueule de bois de l’ère Trump en sus d’avoir failli trépasser aux mains d’une horde incontrôlée, plusieurs sénateurs républicains, envisageraient désormais de condamner l’accusé Trump lors d’un procès sénatorial à venir. 

Police du Capitole lors des émeutes du 6 janvier 2021 ©Reuters

Le vrai deep state quant à lui s’est réveillé. Non pas celui des élucubrations de forums extrémistes, mais celui que constitue l’appareil d’état avec son bras armé, formé à l’antiterrorisme international, et qui doit composer désormais avec ce qu’ils appellent pudiquement le terrorisme de terroir, ou domestic terrorism. Pas d’accent particulier, pas de religion méconnue, voilà que le FBI et autres services, doivent écumer plus de 200 000 images, vidéos, posts sociaux, ainsi que des renseignements de citoyens américains qui leur ressemblent : ce n’est pas dans leurs habitudes. 

Biden va déployer son programme

De quoi sera fait demain ? Pour le nouveau président des Etats-Unis, c’est une véritable pluie de décrets qui est prévue en sus d’un programme législatif ambitieux. Avec la majorité à la chambre des représentants et au Sénat, l’administration Biden aura les moyens de ses ambitions. Cerise sur le gâteau, la nouvelle vice-présidente aura un rôle extraordinaire à jouer : étant donné que cette chambre est désormais exæquo. Avec 50 sénateurs républicains et autant de démocrates, Kamala Harris est la clef de la majorité démocrate de la haute chambre. 

Kamala Harris prêtant serment ©AFP

Pour le parti républicain, une scission en deux blocs est plus que possible, entre d’une part les constitutionnalistes avec à leur tête Mitch McConnell, ancien leader de la majorité sénatoriale républicaine, et d’autre part les trumpistes et radicaux associés qui se sont opposés au résultat du collège électoral, même dans les heures qui sont suivi l’attaque du Capitole. 

Un après au gout amer pour Trump

Et Trump ? Celui-ci sera désormais confronté à une dure réalité : un procès pour Impeachment au sénat, des procès en rafale pour fraude, abus de biens sociaux, des enquêtes par les autorités fiscales. Il a beau annoncer qu’il souhaite fonder un nouveau parti politique, qu’il va créer un nouveau empire médiatique ou un réseau social sur mesure, aux tréfonds des milieux conspirationnistes et extrémistes, un début de doute traverse leurs rangs : ce qu’on appelle en psychologie, la dissonance cognitive. 

Marc Albert Cormier – Elu consulaire à Toronto

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