Avraham Benhaim : "Evacuations d’urgence : quasi tout reste à améliorer”

Avraham Benhaim : "Evacuations d’urgence : quasi tout reste à améliorer”

Alors que les opérations d’évacuation du Soudan s’achèvent, nous avons reçu le 27 avril 2023 en fin de journée, Avraham Benhaim, élu local pour l’Angola, Conseiller à l’Assemblée des Français de l’étranger pour la circonscription incluant entre autres son pays de résidence et le Soudan, mais aussi Président de la commission de la sécurité et des risques sanitaires de l’AFE. Ensemble, nous faisons le bilan de ces « évacuations d’urgence », qui comme en Ukraine ou en Afghanistan, ont semblé surprendre nos autorités entraînant une longue période de flottement alors que des vies sont en danger.

Ecoutez le podcast avec Avraham Benhaim

Un démarrage poussif

Avec Avraham Benhaim, on revient sur cette semaine marquée par des opérations d’évacuations d’urgence qui furent complexes à mettre en place. Au point que certains ont pris la route pour rejoindre l’Ethiopie par leurs propres moyens.

En effet, les 3 premiers jours, du samedi 22 au lundi 24 avril, les autorités françaises ne sont pas arrivées à mettre en place les dispositifs de sécurité nécessaires pour permettre l’évacuation de ses ressortissants. Tandis que l’Arabie Saoudite, elle, comme les Américains, mettait en place une évacuation par voies maritimes.

Des dysfonctionnements relevés par les citoyens

Une fois le pont aérien vers Djibouti mis en place, les difficultés étaient toujours présentes comme les remontées de terrain qu’Avraham Benhaim partage avec nous dans le podcast nous le révèlent.

« Nous sommes à Djibouti, on va essayer de se reposer, on morfle depuis 9 jours, on a tout abandonné sur place, nos biens et surtout nos souvenirs, certains ont même dû laisser leur animaux. Personne n’est pas préparé à ça surtout pour les familles. Bir Hakeim à côté de ce qu’on vécu c’est de la rigolade. La vraie réalité c’est celle du terrain. Vous aurez des retours d’expériences à ne pas en douter. Beaucoup de dysfonctionnements ont été constatés. Dire que nos familles ont été lamentablement gérées est un euphémisme »

Témoignage reçu par Avraham Benhaim via Whatsapp d’un Français arrivé à Djibouti

Le manque d’anticipation du ministère des Affaires étrangères est montré du doigt tant par les expatriés que les responsables politiques locaux. Un constat qui ne date pas d’aujourd’hui, lors de l’audition de l’ambassadeur de France en Afghanistan, David Martinon, suite à l’évacuation de Kaboul en 2021, déjà les élus de l’Assemblée des Français déploraient que les signes avant-coureurs n’étaient pas pris en compte et que des évacuations préventives ne soient pas mises en place.

En 2023, Avraham Benhaim, s’il reconnaît que la crise en elle-même fut bien gérée par la cellule du Quai d’Orsay, bien rodée et organisée, déplore que les familles n’ont pas été alertées en amont et que les opérations ne furent mises en place qu’au dernier moment.

Avraham Benhaim

Les îlotiers

En commission, les élus de l’Assemblée des Français de l’étranger ont d’ailleurs transmis au Sénat une analyse des dispositifs qui encadrent les procédures d’évacuation. A ce jour, le système est basé sur un maillage par des îlotiers, des Français résidant sur place et bénévoles.

Ces derniers ont la charge de contacter et regrouper nos compatriotes présents dans leur secteur en cas de crise. Mais de nombreux problèmes liés à leur statut semi-officiel sont souvent à l’origine de dysfonctionnements et de perte de temps.

Ainsi, ils ne sont pas tenus de transmettre leurs disponibilités, si un îlotier part en vacances, son secteur se retrouve, sans qu’en soit forcément informé le poste diplomatique, sans relais vers l’ambassade. En sus, la liste des personnes qui constituent ce quadrillage des territoires est tenue secrète pour des raisons de sécurité, ainsi les Français sur place ne connaissent pas, à l’avance, leur personne de référence lors d’une crise. Par ailleurs, Avraham Benhaim regrette que les élus ne soient pas intégrés au dispositif d’encadrement des îlots et que les îlotiers ne disposent pas d’un suivi spécifique au-delà d’un léger exercice mensuel. Il revient longuement sur ces procédures dans le podcast.

Les crises se renforçant, la population des Français de l’étranger étant de plus en plus importante, Avraham Benhaim, comme les conseillers des Français de l’étranger, réclame une refonte de ce dispositif.

Des Français toujours bloqués

Via le réseau des élus consulaires de la zone, Avraham Benhaim nous révèle que des Français de l’étranger sont encore bloqués, comme 5 médecins bénévoles au Sud du Soudan.

Des informations de terrain que les élus locaux ont du mal à faire remonter à Paris. Une situation qu’Avraham Benhaim déplore alors que la mise en place d’un canal de communication direct entre les autorités de tutelle et les conseillers des Français de l’étranger permettrait une couverture plus exhaustive des points de crispations sur le terrain. Au Soudan, comme les autres fois, les élus de terrain sont exclus des « boucles » réunissant ministère, politiques nationaux et administration locale.

Un retour en France mal anticipé

Enfin, on conclut le podcast en faisant un point sur la gestion du retour de nos compatriotes, déjà meurtris par cette évacuation soudaine et périlleuse, en France. Dans l’hexagone, c’est l’association « France Horizon » qui est à la manoeuvre quant aux opérations de prise en charge des expatriés de retour en France suite à une crise.

Un dispositif bien maîtrisé pour les « expatriés » mais beaucoup moins pour les Français qui sont installés depuis des décennies voire des générations dans leur pays de résidence.

« Il y a des trous dans la raquette de France Horizon. Une mère et ses enfants se sont retrouvés à la rue. Sans l’intervention d’un élu consulaire, on n’aurait pas pu récupérer cette famille »

Avraham Benhaim

En effet, si pour certains il est aisé de pouvoir rejoindre sa résidence (d’attache), retrouver sa famille ou recevoir l’aide d’amis, pour d’autres, la France est, finalement, un nouveau pays où il va falloir tout construire. Et là, Avraham Benhaim regrette qu’aucune solution ne soit imaginée pour accompagner nos compatriotes qui doivent reconstruire leur vie, trouver un logement, un emploi.

« On est les représentants de ces Français dispersés à travers le monde »

Avraham Benhaim

Des sujets déjà évoqués lors des commissions et sessions plénières de l’Assemblée des Français de l’étranger, car l’AFE, pour Avraham Benhaim, c’est là que les autorités nationales peuvent accéder à une retranscription de ce que vivent nos compatriotes sur le terrain, et cette assemblée doit être attendue.

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