Le 11 mai dernier, une nouvelle convention fiscale entre la France et la Grèce a été signée. Celle-ci vise à stopper la double imposition dont sont victimes de nombreux fonctionnaires français installés en Grèce, tels que les professeurs. Elle doit encore être ratifiée par les parlements nationaux pour une application au premier janvier 2023 ou 2024.
“Nous sommes soulagés mais nous n’avons toujours pas le texte ! Nous attendons avec impatience de le lire” confie une professeur au lycée français Eugène Delacroix à Athènes. Depuis bientôt deux ans, les enseignants de cet établissement vivent l’enfer.
Athènes. 20 décembre 2020. Les fonctionnaires de l’Éducation nationale reçoivent un curieux “cadeau de Noël” du fisc grec, à savoir un redressement fiscal d’un montant exorbitant, sur leurs revenus de l’année 2014. Serait-ce une erreur du fisc ? Il semble que non.
Car si les professeurs français sont détachés par leur État et donc soumis à son imposition, ils sont également rattachés à la Convention fiscale bilatérale entre leur pays d’origine et leur pays de résidence, à savoir la Grèce. Or dans cette convention, qui date de 1963, plusieurs points prêtent à l’interprétation. D’un côté, il est déclaré que les revenus des fonctionnaires français sont imposables en France, mais pas “exclusivement”. D’un autre, l’article 21 du texte est différent entre la version française et hellénique car assujetti au droit local, et stipule que le pays méditerannéen peut imposer les Français sous réserve de retirer la somme déjà payée dans l’hexagone. Durant des années, la Grèce n’a pas imposé les résidents français en Grèce car elle avait la possibilité de ne pas le faire, et ne demandait pas à la France de lui transmettre leur fiche fiscale. Mais en 2014 tout s’est accéléré.
L’échange automatique des données fiscales
Le 15 juillet 2014, le Conseil de l’OCDE signe la Norme commune de déclaration (NCD/CRS) suite aux demandes des dirigeants du G20. Celle-ci tend à limiter les évasions
fiscales, grâce à l’échange automatique des données financières et fiscales entre les juridictions. De fait, Paris a donc envoyé les informations concernant ses citoyens résidents à l’étranger aux pays d’accueil, dont la Grèce. Néanmoins, dans les documents fiscaux, l’administration française n’a pas inscrit les enseignants dans la case “source publique” comme cela aurait dû l’être, mais dans “autres revenus”. Or, d’après la convention bilatérale, il s’agit de ressources imposables en Grèce.
Nous revoici en décembre 2020, au moment où les professeurs du lycée Eugène Delacroix découvrent cette erreur de la part de Bercy. Alors pourquoi leur terre d’accueil est-elle revenue à l’année 2014 précisément ? Car, le délai de prescription pour faire la demande est de six ans. Par ailleurs, entre les pénalités de retard et les taux de taxation importants en Grèce, les enseignants ont eu des relèvements élevés de 8000 à 20 000€ pour certains… Cerise sur le gâteau, ils avaient jusqu’au 31 décembre de la même année pour s’acquitter de leur redevance avant de voir leurs biens se faire saisir, comme l’avait révélé le journal Marianne en janvier 2021.
Face à cette situation, les instituteurs ont tenté de saisir les autorités françaises et grecques, mais leurs cris d’alerte sont longtemps restés vains. Ils ont donc monté leur propre dossier, et sont “devenus de véritables experts en questions fiscales” a plaisanté avec amertume l’enseignante à Athènes, en février dernier. A cette date, la nouvelle convention fiscale bilatérale était censée être ratifiée par les deux pays. Mais c’est finalement trois mois plus tard, le 11 mai 2022 exactement, que les signatures libératrices ont été apposées. Si pour l’heure, le texte n’est pas encore disponible sur le site impots.gouv.fr, et n’a pas encore été validé par le Parlement français, nous pouvons nous attendre à ce qu’il le soit prochainement.
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