Un ministre des Français de l’étranger pour quoi faire ?

Un ministre des Français de l’étranger pour quoi faire ?

Longtemps, l’avis général était que le poste de Ministre des Français à l’étranger est une fonction inutile. À son époque, sous jacques Chirac, David Douillet, lui-même, en poste, laissait entrevoir dans ses propos à la presse que ses activités étaient très limitées lorsqu’il était ministre des Français à l’étranger. Mais alors quel est l’objectif de ce ministère ?

Une population qui a muté

En poste en 2011, David Douillet était en charge d’une population assez homogène et dont le nombre était bien moins grand. Si sur le papier, ils ne sont que près d’un 1 700 00 à être inscrits au registre consulaire en 2023 contre 1 500 000 en 2011, les expatriés sont bien plus nombreux avec une population totale de 3 millions de personnes.

Mais surtout leur profil a grandement évolué. En effet, longtemps l’expatriation était l’apanage de quelques cadres, de personnalités qui tentaient d’échapper aux impôts sur le capital ainsi que quelques baroudeurs, aujourd’hui, les expatriés ressemblent aux Français de métropole.

Entre 2011 et 2024, la France et le monde a changé. Tout d’abord les générations nées après 1975 sont plus à l’aise avec les langues étrangères et ont surtout une appétence plus forte pour les cultures extérieures. Leurs membres ont donc facilement pris le chemin de l’expatriation, aidé en cela par l’Union européenne et le cadre légal ayant donné la liberté de s’installer à tous les citoyens européens dans tous les États membres de l’espace Schengen.

Autre changement, les Français intégrés, issus de la 3ème ou 4ème génération, ne restent plus en France à attendre qu’on leur laisse une chance, ils partent, riches de leur bagage universitaire, de leur double culture et entament des carrières dans le pays de leurs parents, à Ryad ou à Dubaï.

Dernier phénomène qui amplifie le nombre d’expatriés, le développement du télétravail, le fameux nomadisme digital qui séduit de plus en plus de jeunes et de cadres.

Une population qui a besoin de l’État

Plus qu’un changement de sociologie, cette évolution du profil des expatriés a eu des conséquences que l’administration consulaire n’avait pas anticipées. Et c’est là l’intérêt d’une direction politique qui anticipe, projette les besoins de ses compatriotes.

Car si les cadres pouvaient compter sur le « portefeuille » de l’entreprise qui les a détachés pour pallier à la disparition des allocations, assurer la prise en charge des coûts d’écolage comme celle de la santé, les Français qui ont rejoint des entreprises locales sont eux bien démunis. Enveloppe des bourses scolaires excluant une large majorité des Français de l’étranger, personnel dans les consulats en sous-effectif, parcours du combattant pour obtenir des papiers d’identité, les écueils se sont multipliés tout au long des 2 décennies qui se sont écoulées.

Il aura fallu attendre la nomination d’Hélène Conway sous François Hollande puis Jean-Baptiste Lemoyne sous le premier mandat d’Emmanuel Macron pour voir l’État et des administrations prendre ce dossier au sérieux. Le crash administratif lors de la Covid a, aussi, été un accélérateur de la prise de conscience.. Il était temps, pendant plusieurs mois, malgré les condamnations du Conseil d’État, les Français de l’étranger étaient à la porte de leur propre pays.

Un ministre, chargé de campagne ou de l’action civique

L’autre objectif, que les différents gouvernements avaient et ont toujours aussi en tête lors de chaque nomination, c’est de mobiliser les 1 400 000 électeurs inscrits sur la liste électorale des Français de l’étranger.

Et c’est là que l’interprétation change selon que le parti qui s’exprime soit au pouvoir ou non. Car les actions menées auprès des Français de l’étranger peuvent avoir un effet multiplicateur. En effet, les expatriés sont, par essence, moins informés des mouvements politiques qui irriguent notre nation. Ainsi, une action simple, pas forcément coûteuse, mais efficace, peut facilement faire adhérer les expatriés au gouvernement en place.

Le score d’Emmanuel Macron en 2022 s’explique, ainsi, assez facilement. Après 2 ans de pandémie, la réouverture des frontières, l’intervention du ministre Jean-Baptiste Lemoyne pour réorienter les fonds prévus pour le soutien associatif des administrations vers les associations en urgence en mai 2022 et la promesse d’une éventuelle résidence de replis ont suffi à apporter 600 000 vois au Président de la République.

Un ministère à confier au Premier ministre ?

À l’instar de l’écologie que certains voudraient voir, une nouvelle fois, rattachée au Premier ministre, les élus locaux ou nationaux rêvent d’un ministre délégué auprès de Gabriel Attal pour les Français de l’étranger.

Gabriel Attal
Gabriel Attal ©AFP

L’intérêt ? Une meilleure remontée des informations au sommet de l’État. En filigrane, on devine que les conseillers, députés et sénateurs, semblent embarrassés par le filtrage qu’impose l’administration consulaire comme diplomatique aux remontées que tentent de faire nos élus.

Seront-ils plus entendus à Matignon, qui est, souvent, pris par les urgences du quotidien ? Pas si sûr…

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