Quand des Belges escroquent des Français en Thaïlande

Quand des Belges escroquent des Français en Thaïlande

On surnomme ce couple de Belges « Bonnie & Clyde ». Sophie V., ex-femme de Bertrand Crasson, et Xavier F., ex-époux de Sandrine Corman, sont sous le coup de mandats d’arrêt en Thaïlande, accusés de vols et d’escroqueries à répétition. Une (longue) histoire à faire pâlir les gros thrillers de Netflix. Et ici, ce n’est pas de la fiction… Sophie et Xavier sont toujours en liberté, on ne sait où.

Une escroquerie spécialisée sur les francophones 

L’escroquerie, c’est le mot employé aujourd’hui par plusieurs personnes, souvent des francophones et en particulier des Français installés en Thaïlande, pour évoquer Sophie (45 ans). Le puzzle s’est reconstitué il y a quelques semaines après que la gérante d’une boutique de Phuket a publié sur les réseaux sociaux une vidéo d’une jeune femme vidant le portefeuille d’une autre cliente. Les témoignages se sont alors recoupés.


En Thaïlande, un conseiller juridique a été chargé de réunir toutes les informations concernant cette « voleuse » et son époux, Xavier, accusé d’être son complice dans différentes affaires. Une fois le dossier constitué, c’est la police belge qui devrait servir. Car Sophie et Xavier ne sont plus sur le territoire thaïlandais depuis plusieurs semaines, et sont désormais introuvables…

Fuite de Thailande

Ils ont fui – d’abord elle, en mai, puis lui, à la fin de cet été – après un premier dépôt de plainte faisant suite au vol, le 26 mai dernier, dans la boutique Endless Summer Shop de Phuket. « Mais deux jours plus tard, Sophie V, disparaissait, juste avant que la police ne vienne l’interpeler à son domicile », explique Jean. « En Thaïlande, le vol relève du pénal, elle risquait la prison ».


Un avis de recherche  est alors émis à son encontre. La police la suspecte, indique le document, d’avoir commis un vol avec délit de fuite. Une plainte a en effet été déposée (nous en publions également un extrait ci-contre) : la victime témoigne qu’elle se trouvait au Endless Summer Shop de Phuket « pour boire un café et faire un peu de shopping ». Elle avait « laissé traîner son sac à main et lorsqu’elle l’a récupéré, elle s’est rendu compte qu’on lui avait volé une somme de 13.000 bahts » (soit environ 300 euros). « Sophie se trouvait également dans le magasin à ce moment-là et le vol aurait été capturé par les caméras », renseigne le document. Mais Sophie V. n’est déjà plus à son domicile thaï quand la police s’y rend. Et elle se retrouve sous le coup d’un mandat d’arrêt pour non présentation à la convocation de la police. Trop tard, au début de l’été, elle aurait déjà regagné la Belgique.

Beautiful view of Phi Phi island from viewpoint

Stratagèmes machiavéliques

Xavier lui, est resté, sous le soleil thaïlandais. Mais l’étau se resserre après la divulgation, sur Facebook, de la vidéo du vol. Et les différentes victimes du couple déroulent le fil. Sophie et Xavier ont pas mal déménagé, ont volé des « amis » et laissé des ardoises un peu partout. Ils seraient cette fois allés trop loin. Et une autre plainte est émise à l’encontre du couple qui aurait endommagé sa dernière location à hauteur de dizaines de milliers d’euros, se servant au passage. Xavier F. fuit à son tour la Thaïlande, juste avant la délivrance d’un autre mandat d’arrêt pour « non-paiement de loyers et dégâts matériels ». Retour en Belgique, on ne sait où.

Bonnie & Clyde

« On les a surnommés Bonnie & Clyde. Ils avaient mis en place un stratagème depuis des années. Xavier, lui, se présentait, à travers sa société SKDV Films, comme un ‘filmaker’. Il tournait des vidéos, muni de drones parfois, pour des grands hôtels, des villas. C’est dans ces lieux un peu chics que le couple, qui vit la grande vie, trouvait ses victimes, se créait un nouveau cercle d’‘amis pigeons », résume Jean. « Sophie, elle, paraissait tellement gentille que personne ne se doutait de rien », confesse Gonzague Z., une des victimes. « Mais en fait, c’est une pro du vol, avec un culot énorme ! Le couple se faisait inviter à dîner par exemple chez les gens et, pendant son passage aux toilettes, Sophie en profitait pour voler ce qu’elle trouvait. Les propriétaires, sur le coup, ne pensaient absolument pas à les accuser ». Et ce plan a fonctionné à plusieurs reprises. 

Gonzague Z., lui, n’a pas rencontré Sophie et Xavier par un cercle d’amis. Il est joallier, français, et installé à Bangkok depuis une dizaine d’années où il a pignon sur rue. « En 2019 », nous raconte-t-il, « j’avais posté une annonce sur Facebook car je cherchais une vendeuse pour un de mes magasins aux Maldives. C’est là que Sophie m’a proposé ses services. Elle se disait même prête à m’aider gratuitement ». La lucidité de Gonzague lui fait dire que c’est un peu louche. « Si je l’avais engagée, au bout de quelques jours elle se serait cassée avec tous les bijoux du magasin ! ». Mais Sophie V. ne lâche pas l’affaire. « On est resté en contact. Elle était sympa et j’ai fini tout de même par accepter une collaboration avec elle. Elle m’a proposé que je l’aide à fabriquer des petits bracelets qu’elle allait placer dans des boutiques et hôtels – là où Xavier filmait. On devait faire 50/50 ». Ce sera plutôt 100 et rien ! Gonzague ne verra jamais la couleur d’un baht (monnaie locale). 

« Je savais que les bijoux fantaisies fabriqués se vendaient mais elle trouvait toujours une excuse pour ne pas en apporter la preuve. Elle disait que son ordi avait été volé, que son sac avait disparu… Elle ne faisait qu’embrouiller et elle prenait les devants pour que je ne contacte pas moi-même les gens auxquels elle vendait les bijoux. » 

Gonzague Z.

Sophie agit alors sous le nom de la société de Xavier. Gonzague, ne voyant aucune liquidité arriver au bout de plusieurs semaines, comprend qu’il s’est fait avoir. Il reste poli, gentil, « pour ne pas perdre le contact avec elle ». Mais c’était déjà trop tard. 

« Elle avait préparé sa sortie. Je lui ai dit que je ne lui enverrai plus la marchandise à vendre dans ces conditions et, là, elle a retourné la situation en disant que je profitais d’elle et que, dans ce cas, elle ne me devait plus rien ». 

Gonzague Z.

Fin de l’histoire, mais Gonzague reste traumatisé. L’abus moral, dit-il, est bien plus grave que les milliers d’euros qu’il a perdus.

Des manipulateurs 

Gonzague n’était pourtant pas au bout de ses surprises. Il sait que Sophie « est une manipulatrice professionnelle, dangereuse même car elle utilise les gens. Mais j’ai toujours pensé qu’elle manipulait aussi Xavier, qu’il n’était pas au courant de ses agissements. Mais c’est tout le contraire ! C’est pire : il gratte, il profite des vols et il la protège ! ». Gonzague fait donc innocemment la démarche d’avertir Xavier des agissements de sa femme. Il lui envoie des preuves. Mais silence radio. 

Entre temps, par l’intermédiaire de Gonzague, une autre jeune femme avait été en « business » avec Sophie. Qui a fini par lui voler des robes. Mais Sophie se défend par sms quand la jeune femme lui demande des explications, avant d’aller porter plainte à la police : « Je ne te connais pas, je n’ai pas fait d’affaires avec toi ». Xavier, interpelé à son tour par les accusateurs, répondra : « Ce n’est pas mes affaires. Je ne comprends pas que je sois au milieu de ça ».

Gonzague, lui aussi, a porté plainte, après un parcours sinueux. « En Thaïlande c’est compliqué, il faut trouver le bon flic ». Sur le rapport de police, que nous avons pu nous procurer, il y a même une grossière erreur : le nom de famille de Xavier est remplacé par « belge ». Aujourd’hui, plus personne n’a de nouvelles du couple, injoignable et introuvable sur les réseaux sociaux après être repassé par la Belgique. « Ils sont dangereux. D’autant plus qu’ils ont des enfants », s’inquiète une victime.

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