Personnes âgées : comment font nos voisins? 

Personnes âgées : comment font nos voisins? 

Le scandale Orpea, du nom du groupe qui gère nombre d’Ehpad en France et dans lesquels, selon le livre Les Fossoyeurs, du journaliste Victor Castanet, sévit une maltraitance indigne, a provoqué beaucoup d’émotion en France. Si le groupe rejette les accusations, sans convaincre, chacun s’étonne que de tels scandales puissent avoir lieu malgré les contrôles et les inspections. On peut comprendre que les résidents se taisent, on comprend moins qu’il y ait si peu de plaintes de la part des familles. Mais que dire des médecins, et des contrôleurs ? Souvent les résidents n’ont personne, et la question de la dépendance se double de celle de la solitude. Le vieillissement est un des défis structurels de nos sociétés. Une conséquence de l’allongement de la durée de vie, et de la durée en bonne santé. Les gouvernements n’ont commencé à s’en préoccuper que dans les années 90. Et partout, les difficultés surgissent, avec les besoins, les manques, les scandales.

20% de la population de l’UE a plus de 65 ans 

La France est l’un des pays où la proportion de personnes âgées en Ehpad est la plus élevée (8,8 % des 75 ans et plus). Les établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad) privés représentent 20 % des quelques 610 000 places recensées. Est-ce une situation originale ? Comment font les pays voisins dans l’Union européenne ? La Commission a publié un « livre vert » sur le sujet dans laquelle elle estime que le nombre de personnes ayant besoin de soins de longue durée devrait passer de 20 à 23 millions en 2030, plus de 30 millions en 2050. Déjà 20% de la population de l’UE a plus de 65 ans. 

En Allemagne, 80% des personnes dépendantes à domicile. 

Allemagne : 4,1 millions de personnes sont actuellement en situation de dépendance. 80 % sont soignées à domicile : 56% des personnes âgées dépendantes sont prises en charge par leur famille et 24% bénéficient de personnels à domicile. 20% seulement sont placées dans les 15 400 établissements spécialisés. 

La moitié d’entre eux est gérée par des associations sans but lucratif, la plupart du temps des associations religieuses. Les établissements privés représentent l’autre moitié, avec au premier rang des groupes français : Korian, premier, Orpea quatrième. La loi allemande prévoit des contrôles inopinés et une autoévaluation. Fréquemment, la presse fait état de scandales.

En Italie, l’immigration au secours du vieillissement 

L’Italie compterait plus de 3,5 millions de personnes dépendantes, dont 81 % ont plus de 65 ans. Un chiffre en hausse de 25 % au cours de la dernière décennie. Le nombre de places et de résidences est très insuffisant : avec 18,6 lits pour 1 000 habitants de plus de 65 ans, l’Italie est très en dessous de la France (51 pour 1 000) ou de l’Allemagne (54,4) : il manque 360 000 lits à l’Italie pour atteindre la moyenne des pays de l’OCDE. 

Les RSA (Residenze Sanitarie Assistenziali) ne se sont développées qu’à partir des années 90. Leur nombre a doublé en quinze ans pour s’établir à 4629 en 2020, seulement 14 % des RSA sont gérées par l’administration publique. Les Italiens s’appuient donc sur un système d’aide à domicile, souvent assuré par des immigrées, venant d’Europe de l’est, d’Amérique du sud ou des Philippines. Il y en aurait plus de 400 000. 

Espagne, une responsabilité locale et des listes d’attente

En Espagne, ce sont les administrations locales et régionales qui sont responsables en matière d’affaires sociales. Il existe 372 985 places, réparties en 5 417 résidences. 72,8 % des places disponibles en Espagne sont gérées par le secteur privé et 27,2 % par le public. 

L’aide à domicile est également gérée par les administrations locales, mais le système officiel est encombré : près de 360 000 personnes se trouvent sur liste d’attente. Le temps moyen d’attente est de 421 jours.

Au Royaume-Uni, des établissements privés mais pas de grands groupes. 

Au Royaume-Uni, la dépendance est de la responsabilité des collectivités locales qui délèguent la gestion des 11 300 maisons de retraite, pour 410 000 résidents. Le secteur privé représente 83 % des lits, contre 13 % pour le secteur associatif et 4 % pour le secteur public. 80 % des acteurs ne possèdent qu’un seul établissement. Les établissements sont supervisés par des commissions indépendantes qui publient les évaluations. 

Au Danemark, tout public

Au Danemark, les maisons de retraite sont quasiment toutes publiques. Le financement est assuré par le résident au prorata de sa retraite, le reste étant payé par la commune qui décide aussi du placement en Maison de retraite. Les rapports d’inspection sont publics. 

Derrière tous ces chiffres, des situations contrastées : telle résidence, même dans un même groupe, n’est pas comparable à une autre, d’autant que la situation de chaque personne est différente. Ce qui frappe, c’est à la fois que les besoins sont partout  supérieurs aux efforts et que la part de l’aide à domicile et surtout de la famille est considérable. Enfin, les études ne révèlent pas l’ampleur de la solitude des personnes âgées. 

La France compterait 530 000 personnes âgées isolées (selon une étude  des Petits frères des pauvres). 720 000 personnes âgées n’auraient eu aucun contact avec leur famille durant le confinement. En Belgique, l’isolement toucherait  23 % des 65 ans et plus, soit 512 700 aînés isolés. En Irlande, sur 80 000 personnes de plus de 75 ans, 36 000 d’entre elles souffriraient de solitude et d’isolement, soit 45 % de cette tranche d’âge. La situation est certainement comparable dans les autres pays. Les scandales risquent de ne pas être derrière nous mais devant nous.

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