Medtech : l’Europe pourrait bientôt être doublée par les Chinois et les Indiens

Medtech : l’Europe pourrait bientôt être doublée par les Chinois et les Indiens

Alors que l’entreprise Carmat vient d’annoncer la reprise de ses implantations de cœurs artificiels, notre partenaire EURACTIV France s’est entretenu avec son PDG Stéphane Plat, qui alerte sur le futur de la Medtech en Europe.

C’est officiel. L’entreprise française Carmat va pouvoir reprendre les implantations de son cœur artificiel Aeson, a annoncé le groupe mardi (25 octobre) dans un communiqué de presse.

Depuis leur commercialisation en juillet 2021, sept cœurs ont été implantés en Europe : cinq en Allemagne et deux en Italie.

Mais en décembre 2021, Carmat avait volontairement suspendu ses implantations, à cause de problèmes de qualité sur les prothèses de ses cœurs.

Désormais, Carmat a le feu vert de l’organisme certificateur indépendant Derka, et peut donc reprendre ses activités.

Si le groupe se réjouit de cette nouvelle, l’avenir de la Medtech en France et en Europe ne semble pourtant pas aussi prometteur.

La Medtech, pour « medical technology », désigne les fabricants de technologie de dispositifs médicaux destinés à améliorer la vie des patients. Aujourd’hui, le marché européen est le deuxième au monde après celui des Etats-Unis. En 2020, il était estimé à environ 140 milliards d’euros.

Mais cela pourrait ne pas durer. Innover coûte cher et « l’argent se trouve difficilement en Europe », estime le PDG de Carmat Stéphane Plat, lors d’un entretien avec EURACTIV France.

« C’est une question qui va se poser pour toutes les startups qui vont naître en Europe d’ici trois ans : où faut-il aller ? », s’interroge M. Plat.

D’autant que la concurrence est rude. « Les Américains dorment sur leurs lauriers en tant que leaders, et il y a une forte poussée des Indiens qui sont bons en technologie, avec des coûts de production très bas », relève le PDG.

En parallèle, « les Chinois commencent à racheter beaucoup de startups », ajoute M. Plat qui se dit « extrêmement inquiet ».

Avec à la clé le risque que les thérapies coûtent plus cher en Europe « s’il n’y a pas d’innovation » et si « tout est acheté à l’extérieur ».

medtech en europe

Tendre vers le risque zéro

En France, comme en Europe, comment expliquer le déclin de la Medtech ? « Il y a de moins en moins de tolérance au risque en santé », estime M. Plat.

Avant d’ajouter : « les autorités compétentes préfèrent que des patients meurent sans être impliqués dans la décision, plutôt que de donner une chance au patient de survivre et d’être impliqué dans un risque de produit ».

Au risque de freiner l’innovation en santé ? « Les autorités compétentes répondent à la pression du public qui s’est emparé du sujet. Cette société va être une barrière à l’innovation », alerte le PDG.

Côté industrie, le rapport au risque est différent. « Notre leitmotiv, c’est d’apporter des solutions. Et le risque, on est obligés de l’affronter », rappelle M. Plat.

En juin 2022, la Commission européenne s’est fait épingler par les ministres de la Santé lors du Conseil européen « Emploi, politique sociale, santé et consommateurs », à propos de deux nouveaux règlements relatifs aux dispositifs médicaux (MDR).

La lenteur de leur mise en œuvre a fait craindre une pénurie de dispositifs médicaux en Europe.

La Commission s’est alors empressée de prononcer une série de mesures visant à faciliter la transition vers les nouveaux règlements.

400 millions d’euros en France pour la Medtech

En France, la situation n’est pas au beau fixe non plus. « Beaucoup de Chinois financent les sociétés françaises », regrette M. Plat.

La France est le deuxième pays en Europe pour les dispositifs médicaux, juste après l’Allemagne, avec un marché estimé à 30,7 milliards de dollars en 2021, selon l’association French Healthcare.

En début d’année 2022, le gouvernement a attribué un budget de 400 millions d’euros au secteur de la Medtech dans le cadre du plan France Relance. Cela sera-t-il suffisant ?

Si pour le moment, Carmat fait presque tout en France, le futur est incertain

« Malgré les maintes demandes au gouvernement, il ne faut pas se leurrer, il n’y a aucune volonté politique d’aider le secteur », conclut M. Plat.

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