Après plusieurs semaines de négociations interminables, bloquées pour la plupart par la Hongrie, les dirigeants européens sont parvenus, lundi (30 mai), à un compromis politique visant à interdire les importations de pétrole russe par voie maritime d’ici la fin de l’année, sans toutefois parvenir à un embargo total.
Dans le cadre du compromis adopté par les dirigeants européens, l’embargo partiel portera sur le pétrole et les produits pétroliers, mais permettra une exemption temporaire pour le pétrole brut livré par oléoduc.
« Cela couvre immédiatement plus des 2/3 des importations de pétrole en provenance de Russie, amputant ainsi [Moscou] d’une énorme source de financement de sa machine de guerre. Une pression maximale sur la Russie pour qu’elle mette fin à la guerre », a déclaré le président du Conseil européen, Charles Michel.
Les ambassadeurs de l’UE devraient prendre la décision juridique mercredi (1er juin) d’approuver l’embargo pétrolier et le 6e paquet de sanctions contre la Russie, a indiqué M. Michel devant la presse après les discussions de lundi.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que cette mesure « réduira effectivement d’environ 90 % les importations de pétrole de la Russie vers l’UE d’ici la fin de l’année », l’Allemagne et la Pologne s’étant engagées à renoncer aux livraisons transitant par oléoduc sur leur territoire.
Depuis le début de la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine, l’UE a envoyé un total de 56,5 milliards d’euros à la Russie en échange de livraisons de combustibles fossiles, les paiements pour le pétrole atteignant près de 30 milliards d’euros de livraisons de pétrole brut — des fonds qui ont servi à financer l’invasion de Moscou.
Néanmoins, l’accord reste en deçà de la proposition initiale de l’exécutif européen, qui envisageait d’interdire toute importation de pétrole.
Cette proposition n’a pas été acceptée en raison de l’opposition farouche de plusieurs États membres de l’UE, qui dépendent fortement de l’approvisionnement en pétrole russe transporté par oléoducs.
Garder les oléoducs hors de tout embargo pétrolier russe a été une demande clé de la Hongrie, qui craignait qu’une interdiction mette son économie en difficulté étant donné sa dépendance au pétrole livré par l’oléoduc Druzhba depuis la Russie.
La Hongrie, qui est un pays enclavé, qui importe 65 % de son pétrole de Russie par l’oléoduc Druzhba, a continué à s’opposer à une telle mesure jusqu’à lundi, et a demandé, tout comme la Slovaquie et la République tchèque, une dérogation à l’interdiction d’importation.
Le blocage de la Hongrie a suscité de nombreuses critiques de la part d’autres États membres de l’UE, notamment la Pologne, les pays nordiques et les États baltes.
Les dirigeants européens ne se sont pas mis d’accord sur la durée des dérogations concernant le pétrole fourni par oléoduc, le communiqué final du sommet indiquant qu’ils « reviendraient dès que possible sur la question de l’exception temporaire pour le pétrole brut livré par oléoduc ».
On s’attend maintenant à ce qu’ils chargent les diplomates et les ministres de l’UE de trouver une solution qui garantirait également une concurrence équitable entre ceux qui continuent à recevoir du pétrole russe et ceux qui en sont privés.
En outre, le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, avait confié aux journalistes en arrivant au sommet de Bruxelles qu’il chercherait également à obtenir des garanties lui permettant d’acheter du pétrole par voie maritime si les livraisons de pétrole russe devaient cesser via l’oléoduc Druzhba, principale source d’importation de pétrole brut du pays.
« En cas d’interruption soudaine de l’approvisionnement, des mesures d’urgence seront mises en place pour garantir la sécurité de l’approvisionnement », ont déclaré les dirigeants européens, un clin d’œil aux préoccupations de Budapest.
L’Allemagne et la Pologne, qui pourraient bénéficier de la dérogation relative aux oléoducs, se sont engagées à fermer de facto l’oléoduc nord de Druzhba d’ici la fin de l’année, ont rapporté des diplomates européens.
Un fonctionnaire européen a déclaré que la République tchèque avait obtenu une dérogation de 18 mois à l’interdiction de revendre des produits pétroliers.
Parmi les autres mesures proposées dans le cadre du sixième paquet de sanctions figurent l’exclusion de la plus grande banque russe, la Sberbank, du système de paiement international SWIFT, l’interdiction de trois autres radiodiffuseurs publics russes et l’établissement d’une liste de personnes ayant commis des crimes de guerre en Ukraine.
L’accord final sur le sixième paquet de sanctions devra à présent être approuvé par les 27 États membres du bloc.
Peu avant l’annonce, lorsqu’il était apparu que les dirigeants ne parviendraient pas à un accord sur l’interdiction du pétrole, le président ukrainien Volodymyr Zelensky avait estimé que l’Union européenne se montrait trop indulgente envers Moscou.
« Pourquoi dépendez-vous de la Russie, de ses pressions, et non l’inverse ? La Russie doit être dépendante de vous. Pourquoi la Russie peut-elle encore gagner près d’un milliard d’euros par jour en vendant de l’énergie ? », avait demandé M. Zelensky aux dirigeants européens lors de son intervention.
« Pourquoi les banques terroristes travaillent-elles encore avec l’Europe et le système financier mondial ? [Ce sont] des questions sérieuses », a-t-il ajouté.
Plusieurs diplomates européens ont laissé entendre que le septième paquet de sanctions de l’UE pourrait inclure les prochaines étapes vers une interdiction totale du pétrole et inclure le pétrole russe transporté par oléoduc.
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