L’heure des choix a-t-elle déjà sonné ?

L’heure des choix a-t-elle déjà sonné ?

Après avoir connu la plus forte baisse de son PIB depuis la Seconde Guerre mondiale, en 2020, la France devrait enregistrer, cette année, un taux de croissance sans précédent depuis cinquante ans. Ces données statistiques influencées par le contexte sanitaire et les spécificités économiques françaises, ne permettent guère d’extrapoler la suite de l’histoire.

La France dont l’économie dépend des activités de tourisme et de loisirs, a, comme l’Italie ou l’Espagne, été durement touchée par les confinements et tout particulièrement le premier. La réouverture des frontières, des bars, des restaurants et de tous les lieux ou presque de loisirs a permis le rebond de la croissance d’autant plus que le soutien total de l’État a préservé le pouvoir d’achat des ménages et les entreprises. Faiblement industrialisée, la France souffre, en 2021, moins que l’Allemagne des multiples pénuries de biens intermédiaires. En matière économique et sanitaire, cette crise appelle, encore plus que les autres à la modestie et au relativisme, qui ne sont pas les qualités premières de la société d’hyper-communication émotionnelle dans laquelle nous évoluons. Près de deux ans après le début de la crise, il est très difficile de désigner les gagnants et les perdants. Montrée comme exemple lors de la première vague, l’Allemagne est à la peine depuis la troisième vague tant sur le plan sanitaire qu’économique. L’Italie et la France fortement touchées dès le printemps 2020 bénéficient d’un rebond plus marqué en 2021 grâce à une meilleure résilience face à l’épidémie et à une large diffusion des vaccins. Le centralisme du système institutionnel français a été pointé du doigt à plusieurs reprises, or le fédéralisme allemand a été considéré comme un frein à la mise en œuvre des politiques sanitaires. En cette fin d’année 2021, le nombre de décès dus à la Covid en Allemagne se rapproche de celui de la France. De leur côté, les États-Unis, de structure purement fédérale, se classent malheureusement en tête en la matière. Le bilan des États autoritaires comme la Russie apparaît bien plus sombre que celui des démocraties souvent vilipendées pour leur inaction. Contrairement à quelques idées reçues, la défiance des populations est plus importante dans les premiers que dans les seconds. Les États ayant opté pour la stratégie du zéro covid sont contraints de l’abandonner car elle s’est révélée intenable sur la durée. Les gouvernements comme celui du Brésil ou celui du Royaume-Uni qui ont nié la réalité de l’épidémie ou qui ont parié sur l’immunité collective au début de la crise ont perdu. Ce rapide tour du monde semble faire du pragmatisme le seul et unique gagnant de cette pandémie.

plan de relance
« Next generation » le plan de relance européen

Sur le terrain de l’économie, les acteurs publics expérimentent au fil des vagues, tout en ayant en rémanence les précédentes crises et notamment la grande récession de 2008. La mise en place à l’échelle mondiale du « quoi qu’il en coûte » doublée de l’adoption de gargantuesques plans de relance, a abouti à un rebond de l’inflation qui, en raison de sa disparition depuis une quarantaine d’années, apparaît comme une surprise. Après de longs mois de frustrations économiques, la demande dopée de manière keynésienne s’emballe quand l’offre demeure contrainte. La mise entre parenthèse du principe de rareté de la ressource financière donne lieu à une prodigalité à l’efficience incertaine. Le financement de la réfection des fortifications de Provins ou la remise en état de la Piscine Pontoise à Paris par le Plan européen « Next generation » est-il justifié ? Ces opérations préparent-elles réellement l’avenir ? Le secteur du bâtiment dont les carnets de commandes sont pleins a-t-il besoin d’un appui public ? Les États pris par l’urgence ont tendance à surréagir à tous les signaux sans avoir une réelle vision de moyen et long terme. Les plans de soutien permettent essentiellement aux collectivités publiques de financer des investissements qui étaient en instance de réalisation. Cet effet d’aubaine, une fois comptabilisé, pourrait provoquer, dans un second temps, un réel affadissement de la croissance faute de pouvoir initier un cycle de gains de productivité. L’appréciation réelle de la situation économique interviendra en 2023 quand les politiques exceptionnelles des banques centrales et les plans de relance prendront fin. Les perdants et les gagnants apparaîtront au grand jour. Il sera alors possible de déterminer si l’accroissement de la dette publique aura été ou non productif et s’il sera possible de la rembourser sans mettre en danger l’activité. La transition énergétique et le vieillissement de la population seront, d’ici le milieu de la décennie, deux autres données à prendre en compte pour déterminer l’avenir des différents États. Ces deux facteurs jouant structurellement contre la croissance en augmentant les coûts des structures publiques comme privées. Si depuis le début de la pandémie, l’argent facile joue tout à la fois les rôles d’anesthésiques et de dopants, à compter de la fin de l’année 2022 et surtout en 2023, le retour des pratiques budgétaires et monétaires plus orthodoxes révèlera les véritables gagnants et perdants.

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