Les 19 et 24 mai derniers, des grèves importantes ont fusé à travers les réseaux d’établissements français à l’étranger. Les décisions politiques pernicieuses prises sous le premier mandat d’Emmanuel Macron en sont à l’origine.
Deux grèves dans l’ensemble des établissements français à l’étranger ont eu lieu à cinq jours d’intervalle, ce qui pourrait bien représenter un record. Si la mobilisation du 19 mai a touché le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), celle du 24 mai a concerné la Mission laïque française (MLF). Chacune a été initiée par les syndicats de professeurs mais pour des motifs différents, chaque fois liés aux prises de décisions délétères des élus de la République.
De même que dans l’hexagone, le personnel éducatif augure de grandes difficultés pour la rentrée 2022. Or, il n’y a pas besoin d’être Madame Irma ou d’être un spécialiste des politiques publiques pour se joindre aux inquiétudes.
La grève dans le tissu AEFE
Contrairement à la grève du 13 janvier, le personnel s’est largement mobilisé le 19 mai selon les chiffres de l’union intersyndicale. A titre d’exemple, le Brésil a recensé 80% à 100% de grévistes dans les premiers et seconds degrés, 75% à 100% à Bangkok, ou encore 70% à Madrid dans le primaire.
A l’origine de ce mouvement de contestation, il y a une inquiétude. Celle de ne pas réussir à envisager la rentrée de manière sereine et organisée. Celle de se dire que tous les élèves n’auront peut-être pas un enseignant devant eux en classe.
Pour l’heure, il reste environ 350 postes à pourvoir, soit environ la moitié des postes vacants à la rentrée 2022. Comme nous le rappelions dans un précédent article, la fin des contrats de résidents à recrutement différé (RRD), plus communément nommés « faux-résidents », a chamboulé la période de recrutement. Effectivement, lorsque celle-ci a débuté en décembre 2021, les professeurs pouvaient postuler pour un poste de RRD. Seulement, en janvier l’AEFE a décidé de mettre un terme à cet accord pour des raisons judiciaires. Or, il s’agissait du contrat le plus signé car il permettait de contourner la règles des trois mois d’installation dans le pays pour devenir résident.
Ainsi, s’il ne peut plus y avoir de personnel détaché de l’Éducation nationale, hormis les « vrais-résidents », les directeurs d’école n’ont plus d’autre choix que de recruter localement. Seulement, le contrat de droit local précarise la profession. Mais plus problématique encore, de nombreuses régions du monde présentent peu ou prou de viviers de professeurs. Tel est le cas en Amérique centrale et latine.
L’éternel souci du décret
Par ailleurs, à trois mois de la rentrée des classes, le nouveau décret réglementant les statuts des professeurs n’a toujours pas vu le jour. Depuis plusieurs semaines, les syndicats, l’AEFE et les ministères de l’Éducation nationale et des Affaires étrangères tentent d’en trouver un, en vain. Ou devrions-nous plutôt dire que les membres de l’ancien gouvernement ont tenter de sucrer les acquis sociaux du personnel éducatif. Face à la situation, le FSU, la Sgen-CFDT et l’UNSA éducation se sont unis pour voter unanimement contre le décret, et appeler à la grève le 19 mai dernier, c’est-à-dire le jour du dernier comité technique.
Finalement, la grève a été largement suivie et le SNES-FSU appellera à de nouvelles mobilisations si le décret est publié en l’état.
La grève surprise à la MLF
« On attend 100% de grévistes dans certains établissements de la Mission laïque, direction comprise, du jamais vu » s’est exprimé le conseiller des Français d’Espagne François Ralle Andreoli, sur Facebook le 24 mai au matin.
Effectivement, l’ensemble des missions étaient vent debout, avec un pic de participation de 100% dans des établissements espagnols et marocains, selon Jean-Marc Merriaux, le directeur général de la MLF. En cause, l’augmentation de seize points de la cotisation à la retraite pour les fonctionnaires détachés, autrement dit, 500 professeurs de la MLF. Or, non seulement la part de la cotisation passe ainsi à 27% ; mais en plus le décret a été rédigé et publié (très) discrètement. Pour sa part la direction de la MLF en a pris connaissance par voie de presse.
Outre le fait de précariser d’autant plus les fonctionnaires (ce qui a semblé être le mot d’ordre d’Emmanuel Macron pendant cinq ans), Jean-Marc Merriaux estime que le texte pourrait avoir d’importantes retombées. Au même titre que dans le réseau de l’AEFE, la période de recrutement pour la rentrée des classes s’apprête à se terminer pour la MLF. Seulement, si les futurs enseignants ont décidé de s’exiler à l’étranger, ils l’ont fait en prenant en compte plusieurs facteurs dont la cotisation retraite. Toutefois, avec une telle augmentation, nombreux pourraient revoir leurs plans selon le directeur général. « Ce qui serait d’ailleurs légitime ».
Par ailleurs, il nous explique que le réseau devra compenser cette perte d’argent afin de pousser les enseignants à rejoindre les missions. Mais cela entraînerait par conséquent une augmentation des frais de scolarité – d’ores et déjà onéreux – pour les parents. Nous pourrions donc nous attendre à une baisse du nombre d’inscriptions dans les lycées français. Finalement, ce texte se place en parfaite contradiction avec l’objectif présidentiel de doubler les objectifs à l’horizon 2030.
Jean-Marc Merriaux et l’ensemble de son personnel demandent l’abrogation directe du décret, ou du moins son ajournement afin de préparer une étude d’impact. Ils ont été suivi dans leur démarche par les syndicats et les parlementaires. Une réunion s’est d’ailleurs tenue le même jour à Paris. Selon un proche collaborateur du député des Français de l’étranger Pieyre-Alexandre Anglade, « un décret correctif devrait paraître sous 48h. »
Nous suivrons de près la publication de ce nouveau décret, si elle a bel et bien lieu. Mais également la progression des évènements au sein de l’AEFE et de la MLF. Car si nous avons un tout nouveau gouvernement, nous ne pouvons savoir la direction qu’il prendra en termes de politique éducative.
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