Le 12 février était publiée la tribune “AEFE le coup de tonnerre !”. Rédigée conjointement par les professeurs syndiqués Annie Delporte et Jérôme Nassoy, elle questionne la quasi suppression des personnels résidents pour la rentrée 2022.
“Il ne sera plus possible d’obtenir un poste dans le réseau depuis la France ou un autre pays”. Lorsque les syndicalistes du SNES-FSU, Annie Delporte et Jérôme Nassoy, publient leur tribune conjointe le 12 février, c’est “le coup de tonnerre” dans le monde de l’enseignement français à l’étranger.
La fin des “faux-résidents” dès la rentrée
L’Agence française pour l’enseignement à l’étranger (AEFE) met ainsi un terme aux contrats dits de résidents au recrutement différés (RRD), autrement appelés “les faux-résidents”. Il s’agit de professeurs détachés de l’Éducation nationale, qui, contrairement aux résidents “classiques”, sont soumis à un contrat de droit local durant leurs trois premiers mois en poste à l’étranger. Pourquoi ? Car, pour être assigné résident, il est nécessaire de justifier d’un rapprochement de conjoint sur place ou d’habiter le pays concerné depuis plus de trois mois. Or, les “faux-résidents” ne répondent pas à ces critères. De plus, il fallait pouvoir les différencier clairement des professeurs dits expatriés. La règle des trois mois a alors été trouvée.
Effectivement, les “expatriés” sont des professeurs mandatés par le gouvernement pour former de futurs enseignants localement. Ils sont sur place le temps de leur mission et perçoivent, entre autres, des aides au déménagement au départ et à l’arrivée.
Le procès qui a tout chamboulé
Ce système des RRD fonctionne depuis plus d’une vingtaine d’années, et s’il mettait dans une certaine précarité les professeurs y étant soumis – non cotisation pour la retraite, salaire revu à la baisse au moment des trois mois sous contrat local – personne n’a véritablement essayé de changer la règle. Non seulement car il permettait à l’AEFE de recruter du personnel, mais aussi car les professeurs avaient la possibilité de s’exiler sans justifier d’un rapprochement de conjoint ou d’une vie sur place depuis plus de trois mois. Ils pouvaient donc arriver directement de France et de l’étranger et avoir une plus large flexibilité de déplacement.
Toutefois, tout a basculé lorsqu’une enseignante a saisi la Cour administrative d’appel de Nantes pour ses trois mois passés sous contrat local. L’AEFE a, par conséquent, été condamnée pour “détournement de pouvoir et de procédure” le 15 mai 2020. Des procédures juridiques et deux ans plus tard, le Conseil d’administration de l’Agence a annoncé mettre un terme aux RRD, dès septembre 2022.
Pour le syndicaliste du SNES-FSU Patrick Soldat, “la situation était bancale et il fallait qu’elle explose”. Alors qu’il se demande quelle va être la suite, il révèle que l’Agence travaille actuellement sur un nouveau décret par rapport aux RDD, conjointement avec les ministres concernés et les organisations syndicales. Un point que l’AEFE a confirmé, en ajoutant que l’Agence souhaite continuer à recruter du personnel détaché “dans un cadre renouvelé tenant compte des besoins de mobilité”.
Un nouveau décret
Si les parties prenantes travaillent donc actuellement à l’élaboration d’un nouveau décret, aucune date de sortie n’est annoncée pour l’instant. D’après le professeur syndiqué, il réside un problème de calendrier, car si l’AEFE aimerait pouvoir le coucher le plus tôt possible pour relancer la campagne de recrutement du personnel détaché, les syndicats souhaitent une négociation longue afin de revoir le texte dans son ensemble.
“Dans tous les cas, un problème de calendrier se présente. Soit le texte est modifié et il y a une deuxième phase de recrutement mais faite dans la précipitation. Soit il ne l’est pas et là la rentrée se présage mal”.
Patrick Soldat, professeur syndiqué du SNES-FSU
“Une bombe à retardement”
“Nous sommes assis sur une bombe à retardement” souffle Mehdi Benlahcen, professeur au collège installé depuis quinze ans au Portugal. Si lui peut rester indéfiniment sur place, c’est parce qu’il dépend de l’ancienne réglementation, ne limitant pas la durée des contrats de résidents à l’étranger. Or, depuis la rentrée 2019-2020, les professeurs sont restreints à des contrats de trois ans, renouvelables une fois. Une norme ayant entraîné une baisse du nombre de postulants détachés d’après l’instituteur. Effectivement, selon les chiffres des rapports d’activités de l’AEFE publiés sur leur site internet, le réseau a enregistré 21 964 candidatures pour les postes de résidents lors de la campagne 2018, contre 17 892 en 2019 et 16 191 en 2020. Un nombre en baisse constante.
Si la crise sanitaire a dû jouer un rôle dans cette diminution, pour Mehdi Benlahcen, elle n’est pas l’unique raison. Selon lui, s’installer à l’étranger nécessite un certain budget, comme pour le déménagement. Pour sa part, il avait contracté un emprunt à la banque pour couvrir les frais d’installation dans le pays lusophone. Mais il savait qu’il allait pouvoir y construire une vie et y rester indéfiniment, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Effectivement, le problème est tout autre lorsque les fonctionnaires savent que leur implantation a une date de péremption. Par conséquent, investir une forte somme tous les trois ou six ans, peut en réfréner certains.
“Nous sommes à la veille de frais de scolarité sans précédent. Si on n’a plus de résidents, nous allons recruter des gens en contrat local, ça veut dire 100% à la charge des établissements”.
Mehdi Benlahcen, professeur au Portugal
Effectivement, les professeurs sous contrat de droit local sont directement gérés et donc payés par leur établissement. Leurs salaires sont couverts grâce aux frais de scolarité déboursés par les parents d’élèves. Ainsi, si nous pouvons nous attendre à une baisse du nombre de professeurs résidents, nous pouvons également prédire une augmentation des professeurs sous droit local et donc un accroissement des frais de scolarité, déjà très onéreux.
Promotion des IRF
“Arrive maintenant le temps du développement” appuie Samantha Cazebonne dans un entretien accordé à Lesfrancais.press. Elle symbolise ce temps de l’avancement par sa dernière proposition de loi en date, qui vise à “faire évoluer la gouvernance de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) et à créer les instituts régionaux de formation”. Le premier de ces instituts a été officialisé le 4 janvier dernier à Dakar et a, comme les prochains, vocation à former le personnel de l’AEFE. Pour la sénatrice LREM, de nouveaux professeurs pourront être formés de manière continue, certifiante et également en formation initiale. Pour l’Agence, les IRF veilleront à former du personnel et par conséquent des professeurs qui pourront prétendre à tous les contrats différents.
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