La voiture, c’est fini ?

La voiture, c’est fini ?

Sur fond de transition énergétique, un autre combat fait rage, celui de la place de la voiture au sein des grandes agglomérations. De nombreux élus ont pris position pour réduire la place dévolue à l’automobile dans leur cité. À Paris, la maire a décidé, avec son équipe municipale, de diminuer le nombre des places de stationnement et la vitesse. Elle a également limité les voies de circulation ouvertes aux voitures. Cette politique n’est pas spécifique à Paris.

Réduire les embouteillages et la pollution

À Londres, à Milan ou à Berlin, les élus prennent des dispositions semblables ou ayant les mêmes effets. Même aux États-Unis, la voiture particulière est de plus en plus contestée. À Madison, la capitale du Wisconsin, le maire met en avant un nombre croissant d’habitants sans voiture qui recourent aux transports en commun ou au vélo pour se déplacer, rejoignant ainsi Paris où moins d’un habitant sur deux possède une voiture. À Cleveland, le maire prévoit de transformer les voies de circulation routière en voies cyclables protégées. Des villes comme Buffalo ou Minneapolis abandonnent les règles de « stationnement minimum », qui obligent les promoteurs immobiliers à réaliser des parkings dans les nouveaux bâtiments. À New York, un péage urbain pourrait être mis en œuvre pour se rendre à Manhattan. Chicago a prévu de construire 160 kilomètres supplémentaires de pistes cyclables séparées dans les trois prochaines années. À Boston, plusieurs lignes de transports publics pourraient devenir gratuites prochainement.

L’objectif des élus est de réduire les embouteillages et la pollution. Les habitants des grandes villes sont partagés. Ils sont favorables à une limitation des flux en provenance de l’extérieur mais estiment être également contraints dans leur liberté de déplacement. Les élus souhaitent également privilégier le développement par le tourisme et les loisirs.

Les habitants des banlieues se sentent ostracisés

En Europe, Londres a été en pointe dans la lutte contre les voitures en établissant un péage dès 2003. En France, un des symboles de cette politique a été l’interdiction des voitures sur les rives gauche puis droite de la Seine décidée en 2013 et 2017. Cette mesure constitue une réelle rupture par rapport au projet qui avait abouti, rive droite, à la réalisation de la voie express Georges Pompidou. Inaugurée en 1967, elle visait à permettre l’arrivée de la voiture au cœur de la capitale grâce à une autoroute. À Lyon, la reconquête des quais a été effectuée en supprimant l’autoroute urbaine des années 1960/1970. À Marseille, l’arrivée de l’autoroute A7 au cœur de la ville a été reculée afin d’aménager les quartiers de la Joliette. À Paris, le nombre de cyclistes aurait, selon la mairie, progressé depuis le 1er confinement de plus de 60 % grâce à la réalisation de plus de 50 kilomètres de voies cyclables. À Londres, les élus ont interdit dans plusieurs quartiers toute circulation routière.

Dans tous les pays, ces politiques de restriction de la circulation routière génèrent des oppositions. Les habitants des banlieues se sentent ostracisés que ce soit par les péages urbains que par l’impossibilité d’utiliser des véhicules ne répondant pas aux normes environnementales en vigueur ou par la diminution du nombre de places de stationnement. À Londres, l’instauration de quartiers sans voiture et d’une redevance prélevée sur les voitures anciennes polluantes ont entraîné des manifestations et des heurts avec les forces de l’ordre.

La voiture redevient un produit de luxe

Si jusque dans les années 2000, le coût d’usage d’une voiture avait tendance à diminuer, depuis une dizaine d’années, une inversion s’est produite. Le prix des voitures augmente du fait notamment du durcissement des normes environnementales. La voiture redevient un produit de luxe. En dix ans, le prix à l’achat des voitures neuves a augmenté (+35 % en France selon le journal l’Argus) de telle façon qu’un nombre croissant de ménages n’y a plus accès. L’âge moyen d’achat d’un véhicule neuf est en hausse constante. En France, en moyenne, une voiture neuve coûte 26 000 euros, ce qui correspondait, en 2004 au prix d’entrée dans le haut de gamme chez Renault. Le taux de ménages ayant acquis une voiture neuve dans l’année est tombé à 2,3 % contre 7 % au milieu des années 1990. La proportion de particuliers dans les immatriculations n’atteint pas plus de 45 % des ventes, contre 50 % il y a cinq ans et 72 % il y a vingt-cinq ans.

Les constructeurs estiment que les normes et l’électrification des voitures conduisent à une augmentation des prix. Cette dernière est également la conséquence d’une montée en gamme assumée par de nombreuses firmes automobiles. Les pouvoirs publics, en imposant la possession de pneus neige dans de nombreux départements, contribuent à la hausse du prix d’utilisation des voitures.

Evening traffic jam on embankment of the Moskva River near the Moscow Kremlin

Crispations populaires sur le prix de l’essence

Cette augmentation touche, en premier lieu, les ménages le plus modestes. Ainsi, aux États-Unis, le budget « transports » absorbe 30 % du budget pour le ménages appartenant au premier vingtile dans la distribution des revenus quand ce taux est de 10 % pour les ménages appartenant au dernier décile. Le prix du carburant est dans tous les pays occidentaux un sujet de tension. Le gouvernement britannique a ainsi reporté les augmentations prévues des taxes sur l’essence depuis dix ans. La taxe sur l’essence du gouvernement fédéral aux États-Unis a été relevée pour la dernière fois en 1993. Le 23 novembre dernier, face au mécontentement des conducteurs, Joe Biden a décidé de puiser dans les stocks stratégiques de pétrole afin d’en faire baisser les prix, ces derniers ayant augmenté en un an de 55 %.

En France, en 2018, avec les manifestations des Gilets jaunes, le gouvernement a abandonné son plan de hausse du prix des taxes sur le gazole. En Allemagne, le quotidien Bild, fustige une culture « contre la voiture ». Au Royaume-Uni, le Daily Mail a mené une longue campagne contre les quartiers sans voiture et les pistes cyclables, arguant qu’elles provoquent des embouteillages et augmentent la pollution.

Par choix ou manque de moyens, les jeunes conduisent moins

Les partisans des voitures sont surreprésentés chez les périurbains, les ruraux et les plus de 50 ans. Les jeunes ont une propension à conduire beaucoup plus faible que leurs aînés. Aux États-Unis, en 1983, 92 % des 20-24 ans avaient un permis de conduire. En 2017, ce chiffre était tombé à 79 %. Les jeunes sont plus susceptibles de vivre en ville, et préfèrent les transports en commun. Ce choix est également contraint. Le prix des logements ayant également fortement augmenté, leur pouvoir d’achat ne leur permet plus de faire face aux dépenses associées à la possession d’un véhicule.

En France, alors que 90 % des moins de 25 ans détenaient leur permis en 1980, ils n’étaient, en 2018, plus que 80 %, selon les chiffres publiés par le ministère de l’Intérieur. En Allemagne, l’âge médian d’un acheteur de voiture neuve est de 53 ans, en France de plus de 55 ans quand en 2010, il était inférieur à 50 ans. En Allemagne, entre 1998 et 2013, les taux de possession d’une voiture ont baissé pour tous les moins de 40 ans, mais continuent d’augmenter chez les plus de 65 ans.

La crise sanitaire pourrait modifier à la marge les tendances en cours. Par crainte du virus, des usagers habituels des transports en commun préfèrent utiliser désormais leur véhicule. Par ailleurs, l’engouement pour les villes de taille plus petite et pour les maisons avec jardin impose la possession d’une voiture qui était devenue inutile au sein des grandes agglomérations bien desservies en transports publics.

L’augmentation de l’âge moyen des voitures, 10,8 ans en France en 2021, contre 8 ans en 2014 n’est pas sans limite. Plus de 40 % du parc automobile français, est susceptible d’être bloqué en cas de pic de pollution, ce qui pourrait inciter, à plus ou moins long terme, les ménages d’opter pour des voitures moins polluantes.

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