La guerre de Chine n’aura pas lieu (comme on le croit).

La guerre de Chine n’aura pas lieu (comme on le croit).

Les containers s’entassent dans les ports américains. Avec la distribution de dollars des plans Trump multiplié par Biden, (entre 15  et 20% du PIB), l’Amérique consomme, achète, importe. Et n’exporte rien. Comme les containers ne repartent pas à vide, le monde en manque. L’économie chinoise, elle, est repartie de plus belle. La guerre commerciale déclenchée par Trump n’a pas pénalisé la Chine, au contraire. Pourtant, les commentateurs expliquent que Biden restera sur la voie tracée par son prédécesseur : la rivalité sino-américaine prend le chemin d’une nouvelle guerre froide.

Biden, contrairement à Trump, utilise l’arme idéologique, réanimant le combat des démocraties contre les régimes autocratiques.  Est-ce pour autant qu’une guerre, même froide, est programmée ?

L’arme monétaire

Si les Chinois maitrisent la production de bien, les Etats-Unis règnent sur la monnaie. Les autorités chinoises aspirent à contrecarrer depuis des années le dollar, et avaient même  signé des accords, par exemple en Amérique latine, pour favoriser l’émergence du yuan comme monnaie d’échange. Sans succès : Le dollar représente 62% des réserves mondiales, le Yuan 2%. Pour les échanges commerciaux, c’est pareil : 40% des échanges mondiaux sont en dollar, 1.9% en Yuan.

Tant que le Yuan sera sous contrôle politique, il n’inspirera pas confiance aux financiers, y compris chinois… La mise au pas des Géants de la tech chinoise par le pouvoir en est un signe éclairant. 900 millions de Chinois utilisent Wechat et Alipay la plateforme de paiement en ligne d’Alibaba. Le marché chinois de paiement en ligne est le premier du monde. Les autorités chinoises  veulent reprendre le contrôle de ce marché intérieur (et accéder aux informations des consommateurs-citoyens) et s’appuyer sur celui-ci pour conforter le Yuan, ou plutôt le Yuan digital.

La Chine est en effet le premier pays au monde à avoir créé sa monnaie digitale, une monnaie digitale de banque centrale. Ce qui devrait lui permettre de mieux contrôler les plateformes de paiement, de contrer les cryptomonnaies, et de prendre de l’avance sur les autres projets de Monnaie digitale de banque centrale, celle des Américains ou des Européens.

Mais les autorités chinoises sont confrontées à deux difficultés : La première est que le renforcement du contrôle sur la monnaie fait fuir les investisseurs. Tout comme l’opacité du marché bancaire et financier intérieur. Le deuxième, est que le contrôle, toujours par les autorités politiques, du taux de change du yuan. Le Yuan a progressé de 10% en un an. Or les autorités ne veulent pas qu’il monte trop haut, au risque de pénaliser les exportations.  Le contrôle du taux de change ne permet pas d’en faire une monnaie internationale. Deux problèmes qui sont liés à la nature du régime chinois : le politique prime sur l’économie.

On a rarement vu durant la guerre froide, tant d’amours et d’intérêts mêlés

Alors qu’aux Etats-Unis, c’est moins sûr : Goldman  Sachs vient de créer une joint venture avec la banque chinoise ICBC, avec la bénédiction du gouvernement chinois, pour la gestion du patrimoine. L’épargne chinoise représentera 70.000 milliards en 2030 de dollars. De quoi réfléchir avant de se fâcher trop fort.

On a rarement vu durant la guerre froide, tant d’amours et d’intérêts mêlés. D’un coté, les grandes entreprises, chinoises et américaines, qui rappellent que la guerre, même froide, nuit aux intérêts. De l’autre, les antagonismes « naturels », des nationalismes, des systèmes, des puissances nouvelles. 

S’il y a guerre elle ne sera pas froide, ni chaude.

Les fronts sont divers : idéologiques, avec le drapeau des droits de l’homme d’un coté, celui de l’anti-impérialisme de l’autre. Militaire aussi, avec les revendications chinoises en mer de chien, les pressions sur Hong Kong, les menaces sur Taïwan. sans parler de la poupée chinoise qu’est Kim Jong-un. Plus encore : la rivalité dans l’espace, et celle, déjà, dans ce nouveau champ de bataille qu’est le cyberespace, avec ces robots d’influence que sont les sociétés de télécom.

S’il y a guerre elle ne sera pas froide, ni chaude. Sans mur. Sans char. Elle sera chaleureuse, par placements financiers et containers bloqués. Elle sera de manipulation, de trucage  et sabotages, elle sera d’influence, un coup d’Iran, un autre d’Algérie, de Serbie, de Grèce. Un autre d’Inde, de Corée, du Viêt-Nam. 

En fait, rien que du classique, avec des outils nouveaux, complètement nouveaux. Le risque ? Etre défait sans même s’en apercevoir. « Soumettre l’ennemi sans combattre » disent les Chinois, est le sommet de l’art de la guerre. Il n’y aura pas de guerre froide, mais il y aura des batailles. Et pour les non spectateurs, les non acteurs que nous sommes, quel est le risque ? Ne pas être dans le jeu, c’est servir de marionnettes, à moins d’être l’enjeu. Ce que sont déjà maints pays d’Afrique ou des routes de la soie. Et l’Europe, premier marché mondial, acteur ou enjeu ? A la découpe, on connait le résultat. Le plus étrange est de voir les mêmes pays jouer les taupes des Chinois et des Américains en Europe. Quatre ministres des Affaires étrangères sont en visite en Chine (Hongrie, Irlande, Pologne et Serbie) pour jouer les bons élèves face aux critiques européennes. Ceux qui se croient malins sont bien naïfs. Etre un enjeu, c’est avoir déjà perdu.

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