Haro sur l’Allemagne, vive l’Allemagne.

Ils sont agaçants ces Allemands. Virus en deçà du Rhin, déconfinement au-delà. A Mulhouse, le virus a durement frappé. A Fribourg, à peine. Ici on cherche des lits, là on en propose. Pareil pour les tests, les masques. Les Allemands, qui n’ont jamais complètement mis le pays à l’arrêt, envisagent déjà le retour à la normale.

Le choc du virus

C’est déjà désagréable de subir le choc du virus, les décomptes morbides, le confinement, les informations inutiles, les séries américaines, s’il faut en plus admirer les voisins se pavaner en bonne santé dans des rues propres, il y a de quoi porter atteinte à l’amitié franco-allemande. Ils mériteraient qu’on les envahisse. Avec un peu de chance, ils nous régleraient le conflit en six jours et la crise du virus en deux mois.

On a même vu des Allemands insulter des Français, les accusant d’apporter le virus. Une honte. Puisqu’on vous dit qu’il est chinois ! Heureusement, le Président allemand y a mis bon ordre et s’est excusé pour eux. Il sait, lui, qu’à la fin, les Français sont les plus malins, qu’ils finissent toujours parmi les gagnants. C’est cela avoir le sens de l’histoire.

Comment ne pas se rappeler le célèbre « l’Allemagne paiera », de l’Entre-deux-guerres ? Soit, l’Allemagne n’a jamais payé. Ni ses indemnités de guerre, ni ses dettes. Ce que rappellent insolemment les Grecs. Elle n’en avait pas les moyens. Voilà la ruse de l’histoire : Maintenant, elle va payer. Elle paie déjà.

Europe molle face à Europe riche

D’un coté, des pays endettés, à la croissance molle, et au chômage élevé : Italie, Espagne, France, pays les plus fortement touchés par le coronavirus. De l’autre, des pays avec un excédent budgétaire, vertueux, et une croissance régulière qui fait d’eux les Européens plus riches par habitant : Néerlandais, Finlandais, Danois, Allemands. Arrive la crise sanitaire. Grâce à l’Euro, Espagne et Italie peuvent toujours emprunter. La France aussi. Mais çà ne suffit pas. Il faut être sûr et certain qu’ils pourront continuer à le faire. C’est pourquoi ils demandent une sorte de garantie mutuelle, sans condition, sans limite. Evidemment, c’est contre toutes les traditions, toutes les règles, contre tout bon sens. Ce serait donner sa carte bleue à un cousin accro au jeu (là, en l’occurrence, la dépense publique). Mais dans un tremblement de terre à -8% de croissance, emprunte-t-on l’itinéraire recommandé ?

On négocie pendant trois jours et trois nuits, personne n’est d’accord, mais la Banque Centrale Européenne a ouvert les vannes. Comment faire autrement ? Si l’Italie coule, -et elle coule- si la France coule, l’Allemagne aussi coulera. On ne parle même pas des petits, Finlandais et Néerlandais qui jouent les riches :   Toute l’Europe coulera. L’Allemagne fait de la résistance, -un peu- parce que la Chancelière a vu naître une opposition antieuropéenne: l’AFD. Il faut bien qu’elle montre aux retraités allemands, qu’elle défend leur épargne, rognée par des taux d’intérêt négatifs. Mais sur le fond, elle sait : elle est d’accord. L’Allemagne ne peut pas rester riche toute seule. D’ailleurs elle ne le sera pas, son PIB aussi plonge. Donc, d’une façon ou l’autre, l’Allemagne paiera. Autant le faire volontairement. Et utilement. Parce qu’une crise générale serait vite irrattrapable.

L’Europe doit protéger

Voici la revanche, comme une politesse rendue, de l’art de vivre du sud, latin, catholique, pauvre et dépensier, face au rigorisme des pays du nord, protestants, riches et économes. La France, était jusqu’à présent au point d’équilibre. Avec un sens de la justice digne du roi Salomon, conformément à sa tradition de générosité universelle et à l’état de ses finances publiques, elle a pris la tête du mouvement du crédit mutualisé qui n’est que le sens de l’histoire.  Donnez des Euros aux Européens qui en manquent, dit elle. Emmanuel Macron l’a expliqué dans le Financial Times, pour que le monde de la finance internationale comprenne bien les enjeux de l’avenir. Il a dit : si vous ne voulez pas des populistes antieuropéens, il faut montrer que l’Europe protège. Et paie. Sinon ce sera plus cher. L’argent ou le chaos.

Les pays d’Europe centrale peuvent en prendre de la graine, eux qui croient toujours que les Américains les protégeront des Russes. La Bulgarie a compris le message : ils veulent vite adhérer à l’Euro. Tant pis pour les Britanniques, ils peuvent aller se rhabiller, si les Indiens leur prêtent une chemise. L’Europe, c’est l’Allemagne et la France : mariés pour le meilleur et pour le pire, « quoiqu’il en coûte ». Et l’Allemagne est solide, la France généreuse. Un beau couple. On accepte les excuses, mais il ne faudrait pas que les vexations se renouvellent, sinon on pourrait sévir : on dépensera encore plus. L’Allemagne paiera, n’est ce pas ?

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