Douce menace de Léa Simone Allegria

Douce menace de Léa Simone Allegria

D’abord le titre. Douce menace, oxymore qui nous met sur le qui-vive, mais ne dit rien de l’obsession de Léa Simone Allegria pour l’art (notons que son dernier ouvrage était intitulé Le grand art), ce qui est doublement dommageable : déjà parce que l’art, pour emprunter à Malraux, « c’est le plus court chemin de l’homme à l’homme »; et puis parce que l’obsession, quelle qu’elle soit, détermine l’écrivain du simple auteur : à savoir, comme le soulignait Jean Paulhan, mythique patron de la NRF, que l’écrivain, porté par son obsession, n’écrit jamais qu’un seul et même livre au lieu que l’auteur se soumet au coq à l’âne de ses trouvailles. Du reste cette obsession pour l’art se manifeste dès la première phrase : « Nino sort de la salle de bains dans cette nudité que les Grecs appelaient héroïque ». (C’est important une bonne première phrase). Mais alors le roman nous installe à Rome, ville éternelle des artistes, qui révéla le sulfureux génie du clair-obscur que fut Michelangelo Merisi, alias le Caravage (du nom lombard de son enfance).

Adultère et prose

Au commencement, donc, est le rendez-vous adultère de Nino et Alba tous deux écrivains. Et Rome, à la fois un lieu où l’on aime et un objet d’amour. Le « Bad boy » de la peinture, star géniale et ténébreuse du baroque, s’immisce dans leur intimité dès la page 21. Page 27 (chapitre 4) Caravage prend toute sa dimension de quatrième personnage. S’en suivra un va-et-vient entre le XVIIe et le XXIe siècle qui ne cessera de donner de l’épaisseur à des amours clandestines prédestinées à atteindre leur vérité sous le regard d’un Bacchus accablé par la maladie. Rien ne sert de déflorer l’intrigue, a fortiori d’éventer la chute de ce roman qui comme tout roman reste le récit d’une modification. Un roman ce n’est pas de la sociologie, ni de l’histoire, ni de l’histoire des arts ; un roman nous promet des personnages vivants. Douce violence tient donc sa promesse, l’art s’imposant comme le « miroir des âmes et du temps » par la grâce d’un livre écrit.

Léa Simone Allegria - Douce menace
Léa Simone Allegria - Douce menace

Résumé

Dans un hôtel de Rome, Nino vit les affres de l’attente d’Alba, avec laquelle il a rendez-vous, sans savoir si elle viendra. Suspendu à son arrivée, il se désespère d’une absence qui se prolonge, tout en commençant à s’y résigner ! Retardée par la pluie, Alba finit par arriver, pourvue d’un tableau ancien qu’elle a chiné en s’abritant dans une galerie proche de la gare. C’est le début d’un récit trépidant qui mêle l’histoire d’une passion amoureuse adultère et celle de l’art.

Douce menace
Léa Simone Allegria
Éditions Albin Michel, 256 pages, 20, 90 €

Auteur/Autrice

  • Journaliste, il débute à FR3 Corse puis dirige la rédaction du Figaro-Méditerranée. Il est actuellement rédacteur en chef du mensuel généraliste Corsica et anime une émission politique hebdomadaire sur Corsica Radio.

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