Les délais pour obtenir de nouveaux papiers d’identité depuis l’étranger ne cessent de s’allonger. Le résultat d’un manque de personnel et d’une chute des moyens octroyés depuis une décennie. Elus et personnalités de la communauté des expatriés ont interrogé le gouvernement et les responsables de l’administration. On fait le point avec les Français de l’étranger sur la situation rencontrée dans les services consulaires aux quatre coins du monde.
Les conséquences de la pandémie ?
Depuis l’amorce de la sortie de la crise Covid en 2021, les administrations françaises dans l’hexagone ou à l’étranger sont assaillies par les demandes de création ou de renouvellement des titres d’identité. Mais pas sur les mêmes plans. Effectivement, comme l’a relaté Le Monde, le 20 juillet dernier, les dépôts de dossiers de fabrication de papiers d’identité ont augmenté de 30% en mai et juin par rapport à l’année 2019. Cette hausse, expliquée par le retour de la possibilité de voyager à l’étranger, a donc accentué la période de délivrance desdits titres dans l’hexagone. Pour y faire face, le gouvernement a promis de débloquer une aide de 10 milliards d’euros au bénéfice des mairies. Une aide qui ne concerne cependant pas les administrations françaises à l’étranger qui rencontrent une autre difficulté. Effectivement, ce n’est pas le temps de remise des titres d’identité qui crée un blocage, mais celui pour prendre rendez-vous dans les postes consulaires afin de constituer son dossier. Le sénateur des Français de l’étranger Jean-Yves Leconte concède donc que “ne pas prendre en compte les consulats dans cette aide spéciale est une négation de la réalité”.
“Le problème que vous abordez est réel et ne date pas d’aujourd’hui. […] Des informations dont nous disposons, la situation tend à s’améliorer depuis l’année 2021. Je ne dis pas que tout va bien, ce que je dis c’est que factuellement le délai de traitement [des passeports] a diminué entre les années 2020 et 2021”, répondait le ministre Gabriel Attal, à la demande du sénateur Jean-Yves Leconte qui l’interrogeait sur une possible augmentation du budget alloué aux services consulaires français, lors du débat parlementaire du 2 août dernier. Un amendement rejeté par le gouvernement et la commission, bien que le ministre ait “bien conscience du problème”. Mais est-ce véritablement le cas ? Effectivement, ce dernier évoque une longueur des délais de délivrance des papiers d’identité pour les Français de l’étranger. Or, comme nous le disions et d’après les représentants de ces derniers, le problème réside davantage dans la durée afin d’obtenir un rendez-vous dans les postes consulaires que dans celle du traitement des dossiers. Selon les maints élus des Français de l’étranger contactés, cette situation est dûe à plusieurs facteurs.
Des baisses toujours plus importantes des moyens et du personnel consulaire
Au même titre que Jean-Yves Leconte, les élus consulaires Gaëlle Barré (PS – Italie) et Bertrand Dupont (LR- Amérique Latine), ou encore le vice-président de Français du monde à l’AFE, Mehdi Ben Lahcen, accusent une insuffisance de moyens et donc de personnel dans les administrations à l’étranger. En effet, étant tous en place depuis un certain nombre d’années, ils font part des réductions d’effectifs dans les postes consulaires alors même que la communauté française hors de France ne cesse de croître au fil des ans. Un point que nous pouvons constater avec, par exemple, la suppression de certains postes de consuls honoraires, comme celui de Cancún au Mexique. Bien que cette ville réponde à de nombreux critères demandés afin d’ouvrir une agence consulaire, à savoir avoir une importante communauté française résidant sur place, un flux de touristes français non négligeable, et une distance importante avec l’autre administration la plus proche – ici Mexicó située à 1 300 km de la ville balnéaire – ce poste a été supprimé en 2021, mettant nos compatriotes dans l’embarras.
Une baisse de personnel qui ne date pas d’aujourd’hui
L’amoindrissement du nombre de fonctionnaires à l’étranger ne date pas d’aujourd’hui. Comme nous pouvons le constater dans un article signé Les Échos en 2018, Gérald Darmanin, à l’époque ministre de l’Action et des Comptes publics, annonçait la suppression de 10% de ces effectifs. Alors même qu’il y avait déjà eu des coupes de 11% entre 2007 et 2012, et de 6% entre 2012 et 2017.
Aux yeux de Mehdi Ben Lahcen, “les problèmes observés dans l’administration s’accentuent année après année, à chaque baisse de moyens lui étant octroyés”. Face à ces chiffres, il est donc logique de constater un accroissement des délais de traitement des dossiers de nos compatriotes.
De plus, cela a un impact sur le nombre de tournées consulaires effectuées chaque année. Celles-ci visent à aller à la rencontre des Français qui résident loin des postes consulaires, afin de leur éviter de faire plusieurs longs et onéreux déplacements jusque dans leur consulat. Seulement, avec moins d’effectifs et de budget, les tournées consulaires se font plus rares, comme le constatent Gaëlle Barré en Italie et Bertrand Dupont en Amérique Latine.
Des rendez-vous difficiles à prendre
Lorsqu’un Français de l’étranger souhaite renouveler son passeport ou sa carte d’identité, il doit prendre rendez-vous dans son consulat. Seulement, les sites Internet de ces administrations permettent seulement de regarder les créneaux disponibles sur l’ensemble du mois. Pas sur les suivants. Or, entre la réduction des effectifs et la hausse des demandes évoquées précédemment, la majorité des plages horaires sont réservées rapidement. En réserver une devient donc un casse-tête pour les Français hors de France.
De plus, depuis l’année 2021, l’une des deux sessions de rattrapage par semaine a été supprimée, comme le rappelle Mehdi Ben Lahcen. Celles-ci permettent aux citoyens de vérifier si un créneau s’est libéré suite à l’annulation du rendez-vous par l’un de leurs compatriotes. Les Français de l’étranger ont donc de moins en moins de visibilité.
Des solutions apportées par les Français de l’étranger
Des Français de l’étranger prennent donc le relais pour tenter de pallier certaines difficultés. Effectivement, depuis quelques temps nous voyons fleurir sur Internet et les réseaux sociaux des pages créées par des volontaires afin d’apporter de la visibilité sur les créneaux disponibles sur le long terme.
Le 28 juillet dernier est, par exemple, apparue la page rdv-consulat.fr, à l’initiative de Julien Descamps, un jeune Français installé à Boston et d’après l’idée de l’élu consulaire aux Etats-Unis, Loïc Le Gland. Un dispositif “simple comme bonjour à mettre en place” selon l’étudiant. Si au lancement du site, Julien Descamps pensait ne recevoir qu’un petit nombre d’inscriptions, ce sont plus de 400 utilisateurs qui se sont enregistrés la première nuit. Ce nombre s’est élevé à 3 000 aujourd’hui et comprend toutes les régions du monde. Comme quoi le problème est global, bien qu’il se concentre principalement sur les consulats de Madrid (près de 400 inscrits), Lisbonne (plus de 200) et Barcelone.
Malgré le fait que nous ne puissions que saluer cette initiative, ce dispositif n’apporte pas de solutions concrètes aux manques de personnel et de moyens. De plus, son créateur confie que le dispositif “a vocation à disparaître » le jour où le service public améliorera les sites des consulats.
“Un certain nombre de défis à relever”
Malgré les maints obstacles évoqués, nous pouvons noter quelques améliorations, comme l’envoi des titres d’identité des Français de l’étranger par la Poste (la liste des pays éligibles à l’envoi par pli sécurisé). En effet, jusqu’en 2017, les personnes devaient se déplacer dans leur administration afin de retirer leur passeport et autres papiers. Mais depuis peu elles peuvent demander à les recevoir directement chez elles, par courrier sécurisé. Pour cela, elles doivent être inscrits au registre des Français de l’étranger, demander expressément de bénéficier de ce service dès le début de la procédure, et disposer d’un accès à Internet. Si l’ensemble des élus contactés ont assuré que le dispositif fonctionnait correctement, ils regrettent qu’il entraîne un coût parfois élevé et qu’il ne soit pas étendu à l’ensemble des régions du monde.
Ainsi, à l’instar de France Consulaire, des améliorations restent à être apportées. A ce propos, dans son message adressé aux Français de l’étranger le 26 juillet dernier, le nouveau ministre les représentant, Olivier Becht, a reconnu qu’il y a “un certain nombre de défis à relever”. Il aborde d’ailleurs en premier lieu l’amélioration du service consulaire. L’élu au gouvernement évoque l’objectif de déployer la plateforme France Consulaire à l’ensemble des pays du monde, celle-ci étant actuellement présente dans uniquement treize pays.
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