Comptes publics, compte à rebours 

Comptes publics, compte à rebours 

En 2023, la France, connaît sa cinquantième année consécutive de déficit public. Sa dette publique qui était inférieure à 25 % du PIB en 1981, dépasse désormais les 112 % du PIB. Le pays bat des records en matière de dépenses publiques (plus de 58 % du PIB) et de prélèvements obligatoires (plus de 45 % du PIB). Avant d’être source à débats, les chiffres des comptes publics sont de plus en plus rangés dans la catégorie des fatalités.

Une augmentation sans précédent des dépenses 

Après 2015, l’argent rendu facile par la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne a été perçu comme une aubaine pour l’État qui en a pleinement profité. Avec son fameux slogan du « quoi qu’il en coûte », l’épidémie de covid a conduit à une augmentation sans précédent des dépenses. Les mesures de soutien au pouvoir d’achat instituées après le déclenchement de la guerre en Ukraine ont poursuivi le mouvement. Le retour à la normale est constamment annoncé par le ministre de l’Économie tout en étant reporté à une date ultérieure. 

La crise financière de 2008, celle des dettes souveraines en 2011, l’épidémie de covid comme la guerre en Ukraine, ont relégitimé l’État en tant que maître des horloges de la vie économique et sociale. Les mesures de compensation sont devenues la norme pour limiter les effets de ces crises. La transition énergétique tout comme le vieillissement démographique constituent des motifs d’augmentation des dépenses publiques. La décarbonation de l’économie impose la réalisation d’importantes infrastructures quand la progression du nombre de seniors amène celle des dépenses de retraite, de santé et de dépendance. Sans action correctrice, le déficit public qui est actuellement d’un peu moins de 5 % du PIB pourrait dépasser 7 % du PIB avant la fin de la décennie et engendrer un emballement de la dette publique. 

La charge de la dette passera de 41 à 72 milliards d’euros de 2023 à 2027

L’augmentation des taux d’intérêt qui sont revenus à leur niveau d’avant la crise des subprimes pèse sur les finances publiques. La charge de la dette passera de 41 à 72 milliards d’euros de 2023 à 2027, ce montant pouvant s’accroître en fonction des déficits et de l’évolution des taux. La France qui est le plus mauvais élève de la zone euro en matière de maîtrise de ses comptes publics est de plus en plus sous la pression de ses partenaires. À compter de l’année prochaine, les États membres de la zone euro devront se conformer aux règles du pacte budgétaire qui impose le retour à un déficit public inférieur à 3 % du PIB. Ce pacte n’est pas un diktat européen ; il vise à amener les États à préserver la valeur de la monnaie commune. En l’absence de cette dernière, la situation serait bien plus difficile pour la France qui serait confrontée à des dévaluations, à une forte hausse des taux d’intérêt, ainsi qu’à une crise des changes en raison de son double déficit, public et commercial.

L’euro joue depuis un quart de siècle un rôle de bouclier particulièrement efficace.

L’euro joue depuis près d’un quart de siècle un rôle de bouclier particulièrement efficace. Il offre à la France des conditions de financement de sa dette hors du commun au vu de la situation économique du pays. 

Pour ne pas entamer le crédit du pays vis-à-vis des autres États membres, un changement de cap budgétaire est donc nécessaire. À l’aube de la présentation du projet de loi de finances pour 2024, le gouvernement tend à préparer l’opinion publique à accepter ce changement. Le problème est que “économies”, “rigueur”, “assainissement des comptes publics” sont devenus des mots tabous que nul ose prononcer. La dernière tentative de réduction d’une prestation sociale avec la diminution de 5 euros de l’aide personnalisée au logement (APL), date de 2017 et a laissé un cuisant souvenir, au point que l’actuel Président de la République a considéré qu’il s’agissait d’une erreur.

La dépense facile et l’économie impossible 

La France a la dépense facile et l’économie impossible. Il est toujours plus facile de relever une taxe ou d’en créer une nouvelle que de réaliser une diminution de dépenses. L’imagination en matière fiscale n’a pas de limite. La lutte contre le réchauffement climatique offre un nouveau terrain de jeu en permettant la naissance de nouvelles taxes sur les voitures comme sur les billets d’avions. Cette augmentation incessante des impôts exige la mise en place de dispositifs d’allègement, appelés niches fiscales, source de complexités et d’inégalités.

dépenses publiques
Dépenses publiques

Au bonneteau fiscal, le joueur est toujours perdant 

Afin d’atténuer les hausses d’impôts, les gouvernements ont une prédilection pour le jeu de bonneteau dont le joueur, comme tout le monde sait, est toujours perdant à la fin de la partie. Les annonces de baisse ou de suppression d’impôts s’accompagnent toujours par des augmentations, voire par la création de nouveaux. 

Les États ayant réussi, ces dernières années, à maîtriser leurs comptes publics (le Canada, la Nouvelle Zélande ou l’Allemagne) l’ont tous fait en gérant avec parcimonie leurs dépenses. Sur le long terme, cette politique est la seule efficace. Les pays qui ont opté pour la méthode fiscale (la France ou l’Italie) sont in fine ceux dont les déficits publics perdurent dans le temps. 

La réalisation d’économies est un exercice difficile exigeant une rigueur sur plusieurs années qui se concilie difficilement avec les impératifs de la vie politique, cette dernière étant de plus en plus soumise au diktat de l’immédiateté.

Une baisse des dépenses publiques devrait s’accompagner par une baisse des prélèvements 

En comparant la France à ses partenaires, plusieurs pans de l’action publique pourraient être plus économes, des deniers publics du logement au soutien aux entreprises en passant par les collectivités locales. Une baisse des dépenses publiques qui constitue un sacrifice pour ceux qui en bénéficiaient devrait s’accompagner par une baisse des prélèvements. Ces derniers pour être plus efficaces et plus justes devraient, en outre, être réformés afin de disposer d’assiettes larges et de taux relativement faibles.

La France a besoin d’une croissance plus forte 

Pour réduire les déficits et à terme la dette, la France a besoin d’une croissance plus forte permettant une augmentation naturelle du volume d’impôts et de cotisations sociales collectées sans relèvement des taux. 

La France peut-elle se défaire de sa diabolique sympathie fiscale, source de nombreuses révoltes, de la Fronde aux Gilets jaunes en passant par la Révolution française et les « Bonnets rouges » ? Dans un contexte de majorité relative au Parlement, peut-elle s’engager sur le chemin d’un assainissement de ses comptes publics avant que le rappel à l’ordre ne provienne des marchés financiers ou de ses partenaires ? L’heure des choix se rapproche ! 

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