La guerre « lutte armée entre groupes humains ou entre États », « Situation conflictuelle entre deux ou plusieurs pays, états, groupes sociaux, individus, avec ou sans lutte armée ». Avec Karine Miquelis, notre psychologue, on décrypte les mécanismes mentaux dans lesquels sont plongés les expatriés bloqués au coeur de la guerre en Ukraine.
La guerre : un état binaire
Le réel de la guerre est intime, cet étrange qui surgit et nous questionne quant à sa valeur symbolique et sa fonction. L’état de guerre pensé comme binaire (une confrontation de 2 entités) est lié lexicalement à l’état de dispute « dissension, débat ».
La dissension est une « division profonde de sentiments, d’intérêts, de convictions ».
Le terme ‘Politique relatif à l’État’ est ce qui a rapport à la société organisée.
Être armé n’évoque pas seulement la possession d’armes à feu, mais d’armes en tant qu’outils aidant à l’expression et l’expansion de la violence.
Ce conflit est donc dirigé et organisé d’une certaine façon par des personnes ou institutions décideurs du démarrage et de l’arrêt des hostilités.
La violence, une passion humaine ?
L’expression de ce conflit est la passion des violences, qui pour prendre place dans le réel et dans le cadre temporel qui lui est voué, doit apparaître sous une forme incarnée, visible et repérable de tous. Nous en conviendrons, cela ne laisse d’autre choix au peuple que de se saisir de cette fonction, de ces corps à corps qui ne font plus qu’un.
D’ailleurs la passion de la violence est comme une onde qui se propage au-delà du terrain de guerre, au-delà des frontières de cette scène macabre pour venir vibrer dans les coeurs et les corps des spectateurs impuissants et pourtant, chargés émotionnellement d’une conviction qu’un acte de leur part pourrait changer la donne.
C’est ce que les grands dirigeants ont compris, charger le peuple de la ‘croyance’ qu’ils sont acteurs de ce qui se jouait déjà en coulisse. Cette illusion aura pour effet la création du sentiment de culpabilité. S’en vouloir de son positionnement, ou pire, pointer du doigt, dans un élan de violence pulsionnelle, cet autre qui ne serait pas pleinement impliqué dans ce jeu théâtral dont le scénario lui restera énigmatique.
Il n’empêche que l’arrivée sur scène, ressentie déjà en coulisse, nourrit l’état de stress.
Pourtant le stress se voudra cohérent à celui qui vit le conflit, dont la survie du corps est menacé ou bien celle d’un être aimé qu’il porte en son coeur.
D’un point de vue extérieur et ne faisant incontestablement partie du ‘corpus’, il est difficile d’en saisir tous les enjeux. Nous ne vivons donc pas de la même façon le réel de la guerre en tant que spectateur et en tant qu’acteur sur le terrain.
Le stress de celui qui ne peut qu’observer est fondamentalement relié à l’individu qu’il est. Son intime est engagé dans cette pensée qui se pourrait chaotique et sérieuse de conséquences. Mais ne nous y trompons pas, tant qu’il s’agit de sa projection subjective, il ne s’agit que d’un possible parmi tant d’autres incluant son appareil imaginatif et fantasmatique.
Le stress est bien réel pour et dans la réalité de celui qui le ressent.
Ils sera un stress qui sous couvert d’un événement de plus, viendra appuyer une fragilité concernant sa capacité à entendre et concevoir un réel mortifère que la caméra aura décidé de dévoiler.
C’est à partir de ce moment, qu’il existe. Son existence est assimilé au jour de la rencontre, et non au jour de sa création.
Faire sienne la guerre d’un autre
Elle est là la difficulté. Faire avec une réalité non intégrée jusqu’alors, encore étrangère tant elle était évitable. C’est tout un panel de réalités possible qu’un conflit porté à la connaissance de tous engendre.
La réaction de stress quant aux personnes sur le terrain, est essentielle car elle génère des effets sur le corps et les facultés mentales. Elle sera un ensemble de réponses de notre organisme face à une situation de performance ou d’adaptation nécessaire.
L’adaptation comporte 3 phases :
– Phase d’alarme : c’est une mobilisation d’énergie physique et psychique.
– Phase de résistance : de l’organisme face à ce qu’il a pu mettre en place.
– Phase d’épuisement : relâchement évident de par la mobilisation d’énergie.
Le stress provient de votre personne, c’est une réaction en réponse à un danger provenant de l’extérieur et qui peut vous atteindre. Si la réaction au stress est adaptée alors cela permettra :
- Une focalisation de l’attention : suspension des pensées et rêveries en cours, une vigilance, une perception et une localisation du danger.
- Mobilisation des capacités : clarté de l’esprit, sens de la réalité.
Evaluation du danger, inventaire des moyens d’y faire face, rappel en mémoire des défenses apprises. - Incitation à l’action :
Sortir de l’indécision, être décidé à agir, avoir confiance en soi ou ressentir le besoin d’agir rapidement.
« Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde.
Albert Camus, discours de réception du prix Nobel de la littérature
La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas.
Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde se défasse. »
Karine Miquelis
Psychologue clinicienne – psychothérapeute
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