Vive l’Algérie libre !

Vive l’Algérie libre !

Plusieurs manifestants ont été arrêtés lors de manifestations le 20 avril. Ils sont accusés, entre autres, d’avoir été financées par « l’étranger ».

Deux ans après le début du Hirak, le pouvoir algérien apparait toujours aussi illégitime. L’élection du Président actuel, puis sa réforme constitutionnelle, ont été boudées par les Algériens : 60 puis 80% d’abstention. La crise du Coronavirus a permis d’interrompre la régularité des manifestations, mais la crise économique, elle, menace le fragile équilibre du « système », qui repose sur la corruption d’un coté, les subventions de l’autre, alimentées par la rente gazière. 

Assoiffé, divisé, le pouvoir se raidit. Il arrête et emprisonne, notamment les journalistes. Puis désigne des boucs émissaires : l’étranger ou tel et tel clan, selon les accords et le partage des prébendes.

Un des pires classements du continent africain pour la liberté de la presse

L’Algérie est classée 146èmesur 179 pays dans le monde pour la liberté de la presse, un des pires classements du Continent africain selon Reporters sans frontières. Les condamnations de journalistes pour « atteinte à l’unité nationale », « atteinte à l’ordre public », ou à  « la sûreté de l’Etat » se sont multipliées. Plusieurs medias en ligne ont été bloqués. La plupart des intellectuels algériens sont désormais réfugiés en France.

La France accusée par le pouvoir en place

Autre victime de ce raidissement, justement : l’étranger, la France. Rarement les relations n’ont été aussi dégradées, au point de voir les autorités algériennes annuler la veille pour le lendemain la visite officielle du Premier ministre. Du jamais vu. Tout cela sur un fond de déclarations d’une agressivité sans pareil. Un  ministre déclare que « la France est l’ennemi traditionnel et éternel de l’Algérie » ; le chef d’Etat major Saïd Chengriha évoque les « millions de martyrs de la guerre d’indépendance », reprenant une mythologie répétée par le pouvoir algérien depuis l’indépendance. Les centaines milliers de morts étaient déjà de trop. La guerre d’Algérie fut en grande partie une guerre civile, en France comme en Algérie. Il y avait plus d’Algériens dans l’Armée française (263.000) en Algérie que dans les rangs de l’ALN (65.000). 

Ce que ne voit pas le Président Macron, lorsqu’il missionne un Benjamin Stora, pourtant proche du FLN, c’est que « la réconciliation des mémoires » est un exercice impossible avec un régime qui s’est construit sur une histoire mythique, base de son « roman national ». En ce sens les paroles du ministre sonnent comme un aveu : s’opposer à la France est le dernier fil de légitimité auquel a recours le régime actuel.

Les manifestants aussi conspuent la France 

Pour les Algériens, ceux qui sont dans la rue malgré les arrestations, ceux qui n’y sont pas mais ne croient plus au « système », le fil a déjà craqué. Ce qu’ils reprochent à la France, ce n’est pas le passé, c’est de soutenir ce pouvoir honni. Raison pour laquelle ils conspuent la France dans les manifestations.

La France est donc accusée de soutenir un régime qui s’épuise à retrouver sa légitimité perdue en ravivant la détestation de la France. Détestation pourtant bien imaginaire, puisque les Algériens connaissent bien la France, beaucoup y vivent, beaucoup en rêvent. Elle représente ce qu’ils n’ont pas en Algérie : espoir d’émancipation, de  travail et de liberté. Les dirigeants algériens ne sont d’ailleurs pas en reste : personne ne déteste vraiment l’ennemi héréditaire. C’est une posture, une hypocrisie dramatique traduite en chances et en vies perdues. 

Il est désormais difficile de comprendre pourquoi la France soutient Tebboune et ses amis, surtout pour se faire insulter régulièrement. Certes, il y a des intérêts, mais ces intérêts sont croisés, notamment dans le Sahel, où l’Algérie a autant besoin de la France que l’inverse, voire plus. Et où elle n’est pas toujours un allié fiable. 

Depuis 30 ans, la lutte contre l’islamisme et le terrorisme est la justification traditionnelle de ce soutien. On peut le comprendre, sauf qu’à force furent jetés dans les bras islamistes tous ceux qui contestent le régime, comme on le voit de l’Afrique à la Syrie. 

Rater la deuxième « indépendance algérienne »  est une faute gravissime

Pour la France, rater la deuxième « indépendance algérienne »  est une faute gravissime. Imaginer un succès du Hirak est tout à fait raisonnable. Tout dépend du prix du pétrole et de la nouvelle génération militaire. La France devrait parier sur la jeunesse et la démocratie algérienne. Ce serait la meilleure façon de dépasser les guerres de mémoire qui perpétuent artificiellement la guerre d’Algérie pour le seul intérêt de quelques prébendiers. Ce serait surtout le seul moyen de contrer les islamistes. 

Pour l’instant, la France échoue sur tous les tableaux. Elle échoue surtout à préparer un autre avenir. L’Algérie devrait devenir ce qu’elle est : un des pays les plus riches d’Afrique.

Une Algérie libre et indépendante

Si le gouvernement français avait une politique étrangère ambitieuse, avec l’appui de l’Europe, elle développerait une politique méditerranéenne qui apaiserait les tensions en Afrique du Nord, maitriserait les migrations, assurerait un codéveloppement en Méditerranée occidentale, au grand bénéfice, de l’Algérie, de la Tunisie et du Maroc. Au lieu de multiplier repentances, contorsions, business et commissions, elle devrait, espérer, avec la jeunesse et toute la société civile algérienne, une Algérie enfin « libre et indépendante ».

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