Un tiers des Ukrainiens ont voté pour un comédien qui joue le rôle d’un Président.

Un tiers des Ukrainiens ont voté pour un comédien qui joue le rôle d’un Président.

Il n’a jamais été élu. Il n’a jamais milité dans un Parti. Il aurait fréquenté le Cours Florent plutôt que Science-po  s’il avait été en France. 30% des Ukrainiens ont voté pour lui dés le Premier tour des élections présidentielles, alors que le Président actuel, Petro Porochenko n’en obtient que 17%, et l’ancienne Première ministre Iulia Timochenko 14%.

Comme si Martin Sheen (ou Kevin Spacey) avait été élu Président des Etats-Unis d’Amérique. Beaucoup d’Américains pensent que ce serait mieux que Trump, lui aussi vedette d’un Talk Show.

Il s’appelle donc Volodymyr Zelensky et a de grandes chances de devenir le 21 avril le prochain Président de l’Ukraine. Il a 41 ans, et incarne un professeur d’histoire devenu Président dans une série télévisée : « Serviteur du peuple ». Tout un programme.  Voilà son bagage. Poutine doit rêver. Car l’Ukraine est en pays en guerre plus ou moins étouffée.

Le Président Porochenko était arrivé au pouvoir à la suite à la suite de manifestations pro européennes (98 morts) qui avaient provoqué le départ de l’ancien Président Ianoukovitch, considéré comme inféodé aux Russes. Depuis, réfugié en Russie, il a été condamné à treize ans de prison pour haute trahison tandis que ses avoirs gelés dans les banques européennes, 1.4 milliards d’euros étaient restituées à l’Ukraine. Il doit conserver celles en Russie où il vit.

En réaction, Le Président Poutine avait annexé la Crimée et soutenu les indépendantistes du Donbas, où règne une trêve fragile (plus de dix mille morts). Confie-t-on le sort d’un pays fragile, terrain de jeu favori du maitre de Moscou formé aux méthodes du KGB à un comédien inexpérimenté ? Possible.

Ce qui explique le score de Zelensky, c’est moins l’histoire de l’Ukraine et sa lutte pour son indépendance que le rejet de la corruption par les électeurs. La corruption est la première des motivations électorales. On l’a vu au Brésil avec l’effondrement du parti des travailleurs, mais aussi en Afrique au Moyen-Orient en Asie, où les manifestations et « révolutions » (notamment les Printemps arabes)ont été  déclenchées par la corruption. Comme au Guatemala (ou un comédien a été élu Président, au Honduras, (où un présentateur télé reste favori), mais surtout au Brésil hier, où le Parti des Travailleurs s’est effondré, en Algérie aujourd’hui, où le régime est contesté non en raison de l’invalidité de Bouteflika mais à cause de la corruption du régime.

En Ukraine, le Président actuel, Petro Porochenko, a réussi à résister aux pressions russes, lancé des réformes économiques, rapproché son pays de l’Union européenne et de l’OTAN, renforcé son armée face aux milices indépendantistes soutenus par les Russes, mais est accusé de n’avoir rien fait contre la corruption.

Sa plus dangereuse adversaire, Ioulia Timochenko, après avoir été une héroïne de la révolution orange puis une adversaire déclarée des Russes, est apparue finalement comme étant leur candidate de compromis. Aussi avait-elle du mal à apparaître une candidate anticorruption. Elle finit troisième. Volodymyr est apparu comme nouveau et intègre. Le Président sortant Porotchenko, complètement débordée par cette candidature atypique, n’est pas le favori pour le second tour. Volodymyr parait en effet capable de rassembler tous ceux qui veulent sortir du conflit avec la Russie et qui entendent lutter contre les oligarques.

Pour d’autres, l’ancien clown (il avait commencé sa carrière de comédien comme humoriste) est plutôt une marionnette, celle de l’oligarque Igor Kolomoïski, propriétaire de la chaine de télévision qui diffuse sa série télévisée. Kolomoïski était aussi propriétaire d’une Banque nationalisée par le gouvernement à la demande du FMI. Zelensky lui-même possède des sociétés de production en Russie, via des compagnies installées à Chypre. Le champion de la lutte contre la corruption devra donc vite montrer son indépendance vis-à-vis de ses amis, s’il est élu -et s’il le peut. Personne ne sait de quoi il est capable. Ni ce qu’il veut vraiment. Ses amis disent qu’il s’est pris à son rôle.

Une certitude, avec l’élection d’un clown, Poutine doit être mort de rire. Mais l’expérience montre qu’à chaque fois qu’il a manipulé des marionnettes, elles ont été chassées et que l’influence russe a diminué. Certains comparent Zelensky le comédien à Reagan l’acteur. Voilà qui serait amusant. Mais surprenant.

 

 

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