Un rapport pour comprendre les enjeux de la binationalité en politique

Un rapport pour comprendre les enjeux de la binationalité en politique

La nationalité double ou multiple, soit détenir la citoyenneté ou la nationalité de deux ou plusieurs pays en même temps, est un principe que les expatriés connaissent bien, mais quelles en sont les conséquences quand on s’engage dans la sphère politique d’un des Etats dont on a la nationalité ? Une situation finalement assez courante chez les Français de l’étranger, même si elle est peu assumée. En effet, comment s’assurer de l’allégeance de la femme ou l’homme politique ? Comment l’élu(e) disposant de deux nationalités gère-t-il(elle) les tensions entre ses deux pays si elles se présentent ? Des questions que se sont posées Florence Baillon, docteure en littérature, spécialiste en relations internationales, Laure Pallez, élue consulaire aux USA, et Hélène Demeestere, historienne et élue binationale à Los Angeles. Elles furent accompagnées dans ce long travail de recherche par Marie-Christine Peltier Charrier, anthropologue et sans qui rien n’aurait été possible.

Afin de publier ce rapport pour le compte du think-tank, la France et le Monde en commun, elles ont mené une véritable enquête auprès des élus, de l’administration et avec une rigueur universitaire, les 3 femmes, toutes engagées auprès de nos compatriotes à l’étranger, ont publié en septembre un rapport. La rédaction l’a parcouru pour vous. Si vous désirez aller plus loin, le document est en libre téléchargement en fin d’article.

Mais qu’est-ce que la double nationalité ?

Lorsqu’on obtient la double nationalité (soit par mariage, naissance ou naturalisation), le nouveau citoyen bénéficie des mêmes droits, privilèges et responsabilités juridiques que toute autre personne dans le pays. Bien que différentes règles puissent s’appliquer, le statut comporte une dimension obligatoire fondamentale, à savoir le respect des lois des deux pays ou plus lorsqu’ils y résident. En plus, les deux pays ont le droit d’attendre la seule allégeance.

Des pays qui refusent la double nationalité ?

La liste des pays autorisant la double nationalité ne cesse de s’allonger, elle en compte plus de cinquante comme l’Espagne qui a signé un accord en 2020 avec la France. C’est donc théoriquement assez rare mais dans les faits, la plupart des pays n’ont pas de problèmes avec la double nationalité mais beaucoup ont imposé des conditions.

Israël, l’Italie, l’Irlande, insistent sur le fait que leurs ancêtres ou leur lignée soient reconnus pour jouir d’une seconde nationalité dans leur pays. Plus rigides, les Pays-Bas qui ne reconnaissent la bi-nationalité que dans des cas très spécifiques. Et ils ne sont pas les seuls. L’Estonie et l’Autriche, également membres de l’Union européenne, sont dans le même cas de figure, cette dernière ne tolérant la double nationalité qu’au cas où un citoyen autrichien ait obtenu un autre passeport dès la naissance. La législation estonienne est cependant plus souple : elle indique qu’un citoyen estonien ne peut être déchu de sa nationalité. Les doubles passeports existent donc dans les faits. Tandis que la Slovaquie n’autorise la double nationalité que pour les personnes nées dans le pays ou épousant une autre nationalité dans le pays.

A l’opposé, dans plus de cinquante pays la double nationalité a de lourdes conséquences. Ces pays ne se limitent pas à des continents spécifiques mais se trouvent à travers le monde et comprennent l’Andorre, l’Azerbaïdjan, les Bahamas, Bahreïn, la Malaisie, les Émirats arabes unis, le Venezuela et la Chine. Font également partie de cette catégorie le Congo, Djibouti, Cuba, l’Éthiopie, Haïti, l’Inde, l’Indonésie, l’Iran, le Japon, le Koweït, le Kazakhstan, Monaco, Singapour, Oman, Qatar, l’Arabie saoudite, le Népal, le Mozambique et le Zimbabwe, dont les citoyens perdent automatiquement leur nationalité lors de l’acquisition de la nationalité dans un autre pays.

L’engagement citoyen et la double nationalité

On le voit, la double nationalité n’est pas si évidente que ça, même si du côté français, on estime à plus d’1 700 000 (estimation) le nombre de citoyens nés français à l’étranger et disposant potentiellement d’une autre nationalité (selon si le droit du sol est appliqué ou non dans le pays de naissance) !

On le voit, il reste donc difficile de quantifier les binationaux qui ne résident pas en France. En effet, ils sont français pour la France et considérés comme Français de l’étranger mais s’ils vivent dans le pays de leur deuxième nationalité, ils seront également comptabilisés comme citoyens dans celui-ci.

Et c’est partant de ce constat que notre trio de femmes s’est interrogé sur l’impact de ce double ou multiple passeport lorsqu’un citoyen concerné décide de s’engager politiquement. Car comme elle nous le rappelle dans l’introduction à leur rapport, « l’éloignement du pays natal et/ou la binationalité n’entraînait pas nécessairement une diminution de l’intérêt pour la vie politique« , mais alors comment gérer cette double allégeance ?

« Quand on s’engage dans un mandat, on s’engage pour le pays qu’on sert« 

Laure Pallez

Pour y répondre, Florence Baillon, Laure Pallez et Hélène Demeestere se sont intéressées à des cas connus comme Manuel Valls, dont les allers-retours entre la France et l’Espagne ont démontré les limites de l’exercice. Mais elles se sont aussi penchées sur le cas de nos élus consulaires à travers un questionnaire spécifique à l’étude, elles ont complété évidemment leurs recherches empiriques avec une riche bibliographie, dans trois langues, actualisée sur le sujet. L’ensemble du travail permet de traiter la double nationalité sous une approche anthropologique.

8 élus pour bien comprendre les enjeux

Pour illustrer leurs recherches et nourrir leur réflexion, les 3 chercheuses ont mené des interviews avec huit élus des Français de l’étranger aux Pays-Bas, au Canada, en Belgique, en Thaïlande, au Bénin, en Espagne et deux aux États-Unis. Elles en ont tiré des points de convergences tout en soulignant les différences entre les pays ainsi que les spécificités propres à chacun. Un ensemble de facteurs qui peuvent être mis au service de notre Nation et de sa diplomatie grâce à la double culture de l’élu et à sa connaissance approfondie de son « nouveau pays ».

« L’élu ayant une double nationalité, c’est une voix supplémentaire pour notre diplomatie »

Laure Pallez

Créer un observatoire de la binationalité

La situation est bien complexe, et malgré les enjeux importants, aucune action publique n’a été engagée pour mieux connaitre, comprendre et anticiper nos compatriotes qui disposent de plusieurs nationalités. C’est pour combler ce vide, que Florence Baillon, Laure Pallez et Hélène Demeestere imaginent la création d’un observatoire de la binationalité.

« Il y a une indifférence sur les binationaux alors qu’en acquérant une nationalité, on devient plus civique« 

Hélène Demeestere

Anticipant une généralisation dans une ou deux générations chez les héritiers des Français qui se sont expatriés ces deux dernières décennies, elles veulent créer un outil qui permettra de maintenir le lien avec ces communautés éparpillées dans le monde. Une mission que la France a longtemps négligée comme en témoigne la situation des Français de Pondicherry ou du Paraguay, installés depuis de nombreuses générations et qui aujourd’hui ne maîtrisent plus notre langue et notre culture, mais qui pourtant expriment toujours un fort attachement à la France.

Pour elles, la binationalité est une chance pour la France, la francophonie, la diplomatie, la politique, etc. Un message, qui espérons-le, sera entendu par nos responsables politiques nationaux.

Téléchargez le rapport complet sur la binationalité


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