Ukraine, un défi militaire, un défi économique 

Ukraine, un défi militaire, un défi économique 

L’Ukraine doit relever deux défis majeurs : reconquérir les territoires perdus au printemps 2022 et reconstruire son économie en vue de son adhésion à l’Union européenne. Le conflit militaire a pris la forme d’une bataille de tranchées sur plus de 1 000 kilomètres. Les Russes ont fortifié leurs lignes de défense rendant la reconquête compliquée et coûteuse en hommes. Les Ukrainiens hésitent à envoyer leurs troupes par crainte des mines et d’être sous le feu de l’artillerie et des drones. La guerre peut être amenée à durer dans l’attente de l’épuisement d’un des belligérants. Le temps n’est pas à la négociation d’un traité de paix.

Contre-offensive ukrainienne

En cas d’échec de la contre-offensive ukrainienne, un conflit à faible intensité pourrait s’installer avec épisodiquement des accès de crise. En parallèle aux opérations militaires, l’Ukraine doit se reconstruire sur le plan économique sachant qu’une partie de son territoire est occupée.

Si l’Ukraine réussit à moderniser ses structures économiques, à réduire la corruption ainsi que la pauvreté, et parvient à se rapprocher des standards de l’Union européenne, elle aura remporté une belle bataille. Le défi économique est de taille car 6,2 millions d’Ukrainiens ont fui à l’étranger et un million d’Ukrainiens sont mobilisés pour faire la guerre. 100 000 Ukrainiens seraient morts sur le front. Il faut ajouter de nombreux blessés lourdement handicapés.

Dans un pays qui était, avant la guerre, en proie à la dénatalité, le manque de main-d’œuvre se fait ressentir avec acuité. La Banque mondiale a estimé que la réparation des dégâts de la première année de guerre coûtera plus de 400 milliards de dollars. L’Ukraine a donc un besoin impérieux de main-d’œuvre et de capitaux. Pour faire revenir les Ukrainiens qui ont fui leur pays et attirer des travailleurs immigrés, le gouvernement ukrainien doit garantir un minimum de sécurité, que les villes de l’Ouest du pays sont à l’abri des bombes russes.

Dépendance aux USA

En matière de capitaux, l’Ukraine est dépendante des États-Unis. Depuis le début des hostilités, elle a reçu près de 40 milliards d’aides américaines. Ces flux pourraient être remis en cause en cas d’alternance en 2024 à la tête des États-Unis. À La recherche de capitaux pour la reconstruction, les gouvernements occidentaux réfléchissent à la mobilisation des capitaux russes bloqués depuis le mois de mars 2022 dont le montant dépasse 300 milliards de dollars. Afin de rassurer les investisseurs occidentaux, privés comme publics, le gouvernement ukrainien doit écarter de nombreux oligarques et lutter contre la corruption.

Depuis un an, Volodymyr Zelensky met en avant des entrepreneurs spécialisés dans la haute technologie et a démis de leurs fonctions plusieurs responsables soupçonnées de corruption dont le chef de la Cour suprême. Le processus d’adhésion à l’Union européenne est censé éviter le retour des vieilles pratiques qui, depuis 1991, ont gangréné le pays.

L’adhésion à l’Union européenne et à l’Otan sont des moyens de protection économique et militaire. La bataille de la sécurité et donc de la reconstruction passe pour Kiev par l’adhésion à l’OTAN. Celle-ci offrirait une sécurité permanente à moindre coût. L’intégration dans l’organisation militaire est soutenue par les Pays Baltes, la Pologne et l’Allemagne. La France vient récemment de rejoindre ces pays. Pour les autorités russes, cette adhésion est un véritable chiffon rouge. Elles estiment que cela constituerait une menace à ses frontières. Une des raisons du conflit contre l’Ukraine trouve son origine dans cette éventuelle adhésion. En vertu de l’article du traité instituant l’OTAN, le risque d’un élargissement de la guerre serait réel.

Toute attaque contre l’Ukraine serait, en effet, assimilée à une attaque contre l’ensemble des États membres. L’occupation de la Crimée et du Donbass serait-elle considérée comme une attaque contre l’Ukraine ? Les États membres pourraient estimer qu’étant intervenue avant l’adhésion de l’Ukraine, l’article 5 ne s’appliquerait pas. Le prochain sommet de l’OTAN prévu à Vilnius au milieu du mois de juillet devra traiter cette épineuse question.

Il est fort probable que l’intégration de l’Ukraine soit différée dans le temps et soit conditionnée afin d’éviter une guerre générale sur le continent. L’adhésion serait un moyen de sécuriser ses frontières et d’éviter de nouvelles occupations russes. Elle faciliterait la modernisation de l’armée et constituerait un outil de dissuasion. Elle pourrait néanmoins provoquer une réaction violente de la part de la Russie avec l’usage éventuel d’armes nucléaires.

Mobilisation des associations en faveur de l’Ukraine en mai 2023 © Fabrice COFFRINI

Se relever malgré la guerre

L’Ukraine doit économiquement se relever malgré la perte d’un tiers de son territoire qui était l’un des plus riches sur le plan agricole. Malgré la guerre, elle doit également mener une moralisation de ses pratiques économique et financières. Elle compte peut-être un peu trop sur l’adhésion à l’Union européenne et à l’OTAN pour franchir un cap tant militaire qu’économique. Plus la guerre s’installe dans la durée, plus celle-ci prend la forme d’une guerre de tranchées, plus le risque de lassitude et d’oubli augmente.

Le Président ukrainien est ainsi engagé dans une bataille contre le temps qu’il doit gagner s’il entend changer en profondeur son pays.

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