Des milliers de Thaïlandais ont bravé dimanche la canicule pour assister à la parade d’hommage au roi Maha Vajiralongkorn, couronné samedi, dans un pays profondément divisé entre conservateurs ultra-royalistes et opposition réformatrice.
Plus de mille militaires en costumes traditionnels ont défilé autour du roi de 66 ans, transporté dans un palanquin doré porté à dos d’hommes.
Cette grande parade régie par une chorégraphie ancestrale a débuté en fin d’après-midi, alors qu’il faisait encore plus de 35°C. La reine Suthida, commandante-adjoint des gardes du corps du roi, marchait quant à elle en uniforme rouge juste devant le palanquin. Venait ensuite, lui aussi en uniforme et à pied, le chef de la junte, le général Prayut Chan-O-Cha.
En ces jours de couronnement, fériés en Thaïlande, conservateurs ultra-royalistes et opposants réformateurs ont enterré la hache de guerre.
« Long live the king » (« Longue vie au roi »), proclamaient notamment Thaksin et Yingluck Shinawatra, ex-Premiers ministres vivant aujourd’hui en exil après des coups d’Etat de l’armée en 2006 et 2014 contre eux. Leur parti d’opposition clame la victoire aux législatives face à celui de la junte.
Même consensus dans les journaux, qui publiaient la photo officielle du couronnement en une, dans ce pays où critiquer publiquement la monarchie est impensable — et puni de longues années de prison.
Dans l’édition de dimanche du Bangkok Post, il n’y avait quasiment pas d’articles, mais des pages entières de publicité achetées par les grands groupes du pays, affichant leur loyauté au roi et lui souhaitant « un règne long et heureux ».
– Fonctionnaires figurants –
Les militaires ont alloué plus de 26 millions d’euros pour cette cérémonie et mobilisé pour dimanche des dizaines de milliers de fonctionnaires le long de la procession de plus de six kilomètres. Au total, plus de 200.000 personnes, vêtues de jaune (la couleur de la royauté) étaient attendues par les autorités sur le parcours.
C’est pour les habitants du royaume une rare occasion d’approcher le roi, qui vit la plupart du temps à l’étranger et n’est vu habituellement que lors de cérémonies officielles à l’accès très limité, y compris pour les médias.
« C’est peut-être ma première et dernière chance de voir un couronnement », s’enthousiasme Nattriya Siripattana, une commerçante de 57 ans.
L’évènement est inédit dans le royaume depuis le sacre de Bhumibol Adulyadej en 1950. Ce dernier, qui détenait le record de longévité des monarques en exercice après avoir régné 70 ans, a légué à son fils une des plus grosses fortunes royales mondiales.
« Je suis un sujet, pas un dignitaire ou un officiel… Je ne le vois qu’à la télévision » habituellement, témoigne Kanha Kitvej, une octogénaire ayant réservé son « spot » avant l’aube pour voir passer la procession.
Monté sur le trône au décès de son père Bhumibol Adulyadej en 2016, son couronnement avait été retardé afin de pouvoir respecter une période de deuil en l’hommage du roi défunt.
Réputé imprévisible, Maha Vajiralongkorn, divorcé trois fois, a crée la surprise en se remariant juste avant le couronnement avec sa compagne de longue date, une ancienne hôtesse de l’air élevée au titre de reine Suthida.
Contrôle total sur les finances royales, purges, refonte de la Constitution: le roi de Thaïlande n’a pas attendu son couronnement pour remodeler la monarchie, prenant de court les observateurs qui le présageaient en souverain peu investi.
Il est intervenu deux fois pendant la campagne des législatives, les premières depuis le coup d’Etat de 2014, opposant une fin de non-recevoir aux aspirations de sa sœur, la princesse Ubolratana, à se piquer de politique au côté de Thaksin Shinawatra.
Et la veille du scrutin, il a exhorté les Thaïlandais à « soutenir les bonnes personnes » pour « empêcher le chaos », une déclaration perçue comme un soutien aux militaires.
Mais la tension risque de remonter dès mercredi, jour de la publication des résultats définitifs des élections législatives.
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