Technologies quantiques ? France et Pays-Bas associés

Technologies quantiques ? France et Pays-Bas associés

La France et les Pays-Bas ont signé mardi 31 août un protocole d’accord visant à intensifier les synergies pour la recherche et le développement des technologies quantiques, réaffirmant leur place dans la course à la construction de superordinateurs.

Personne ne veut rater le virage du quantique. En marge de la rencontre entre Emmanuel Macron et le Premier ministre néerlandais Mark Rutte à Paris, un protocole d’accord visant à renforcer la coopération bilatérale dans les technologies quantiques a été signé par le secrétaire d’État français au Numérique, Cédric O, et la secrétaire d’État néerlandaise en charge des affaires économiques et des politiques climatiques, Mona Keijzer.

L’objectif ? « Un écosystème européen dans le domaine du quantique qui nous procure emplois, revenus et innovation », selon Mme Keijzer qui a voulu souligner à cette occasion que « les Pays-Bas et la France sont en pointe depuis des années dans le domaine, et pour conserver cette longueur d’avance à l’échelle internationale il est nécessaire de coopérer au niveau européen ».

Même son de cloche côté français : « Entre les plans nationaux quantiques de la France, des Pays-Bas et d’autres pays européens et les programmes de la Commission Européenne, l’Europe est de loin le premier investisseur mondial dans le quantique », s’est réjoui M. O.

L’accord prévoit notamment plus de collaboration dans la recherche, plus de coopération également avec les grandes entreprises de la tech, des investissements pour développer l’écosystème, l’accélération d’initiatives européennes déjà existantes et la création d’emplois dans le domaine — avec le lancement d’un portail commun qui regroupe les opportunités d’emploi, quantumjobs.fr et quantumjobs.nl.

Avantage de premier plan

L’ordinateur quantique est une technologie qui n’en est qu’à ses débuts et dont les applications pratiques sont aujourd’hui limitées. Toutefois, à terme, son impact devrait être révolutionnaire dans de nombreux domaines : santé, mobilité, innovation, défense, etc.

Les pays qui investissent dans les ordinateurs quantiques à un stade précoce pourraient donc bénéficier d’un avantage de premier plan. Dans cette compétition, l’UE part avec une forte communauté de chercheurs.

« La recherche académique européenne dans les technologies quantiques a un très bon niveau au plan mondial, et reste bien répartie dans les pays européens »

Philippe Duluc, CTO Big data et sécurité chez Atos, un des champions français en matière de technologie.

Cette nouvelle génération de superordinateurs sera capable de surmonter les limites de l’informatique classique grâce à la mécanique quantique (le domaine de la physique qui étudie les particules atomiques et subatomiques) en effectuant un nombre bien plus élevé d’opérations, de manière simultanée.

« Cette course est un marathon et non un sprint. Je pense qu’il faudra une dizaine d’années avant que l’ordinateur quantique et les réseaux quantiques n’apportent un réel avantage aux utilisateurs finaux »

la physicienne Stéphanie Wehner, de l’organisation Quantum Internet Alliance (QIA), à EURACTIV France.

Un marché qui pourrait également rapporter gros. Dans un rapport publié par le Boston Consulting Group en juillet, le cabinet de conseil estime que le calcul quantique pourrait générer de 450 à 850 milliards de dollars dans les 15 à 30 prochaines années.

« Une plus grande coopération entre les États membres est absolument un pas dans la bonne direction », note Mme Wehner. « Nous nous félicitons de ce type d’opportunité pour favoriser l’émergence d’un écosystème quantique profond en Europe, associant universitaires, industriels, startups, financiers, tant du côté de la technologie que de celui des utilisateurs »

Christophe Jurczak, cofondateur du fonds d’investissement Quantonation et de l’association Le Lab quantique, à EURACTIV France.

Garder les talents

Mme Wehner de QIA tempère ces propos, défendant une stratégie plus globale d’incitation à innover en Europe.

« Pour que les champions européens voient le jour, une telle alliance n’est toutefois pas suffisante si elle n’est pas suivie d’un financement plus important et plus ciblé des technologies quantiques dans l’ensemble de l’EuropeLes efforts à long terme sont tout aussi importants que ceux à court terme »

Mme Wehner de QIA

Un « véritable défi » selon elle, puisque cela « dépend essentiellement d’un changement de mentalité et de la création d’une culture plus entrepreneuriale parmi les jeunes chercheurs ». Elle appelle ainsi à davantage de formations à l’entrepreneuriat dans les parcours académiques des futurs chercheurs.

Même constat pour Quantonation : « Il faut que davantage de startups soient créées au cours des prochaines années », observe M. Jurczak, ajoutant que « ces startups doivent avoir la capacité de devenir des acteurs mondiaux ». La formation des talents et la « capacité à les garder en Europe » seront également « fondamentales », d’après lui.

« La principale priorité des autorités publiques devrait être d’investir dans le développement du software et des applications quantiques », note M. Duluc d’Atos. « Maintenant que l’on voit arriver à court terme les premiers accélérateurs quantiques (dits NISQ : Noisy Intermediate Scale Quantum), il faut penser aux usages et aux applications quantiques », ajoute-t-il, craignant qu’un « manque d’utilisateurs finaux industriels » empêche l’industrie quantique de progresser.

En janvier, le gouvernement français a présenté son plan de 1,8 milliard d’euros visant à faire du pays une des premières puissances mondiales dans le domaine.

« Les plans quantiques nationaux annoncés ces dernières années (comme le plan français annoncé en janvier dernier par Emmanuel Macron) permettent de structurer l’effort public/privé et de procurer de vrais contenus concrets à ces alliances », observe M. Duluc.

Cette initiative bilatérale, signée cette semaine, s’inscrit dans un effort européen plus global autour de l’enjeu de la souveraineté numérique, ou « autonomie stratégique », face aux États-Unis et à la Chine. L’objectif défendu par Bruxelles dans sa boussole numérique pour 2030 : disposer de son premier ordinateur quantique d’ici à 2025.

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