L’annonce est brutale et inattendue. Le 16 septembre dernier, le Premier ministre australien, Scott Morrison, annonce le nouveau partenariat trilatéral avec les États-Unis et le Royaume-Uni concernant sa flotte sous-marine. Coup de tonnerre, la France affirme ne pas avoir été prévenue en amont et le « contrat du siècle » est annulé. Pour les ingénieurs qui travaillent sur le projet, c’est également un coup dur. Ils apprennent via les médias l’annulation du contrat des sous-marins en Australie et tout devient soudainement incertain. Nous avons échangé avec Maxime, ingénieur naval, installé en Australie et qui est directement touché par cette décision.
Des débuts sans ombre au tableau
Maxime, qui est arrivé en Australie en mai 2021, est encore sous le choc de l’annonce. Après un master en architecture navale obtenu en France, il avait rejoint l’Australie pour suivre un double diplôme exceptionnel. En effet, dans le cadre du contrat entre Naval Group et l’Australie, l’université d’Adélaïde avait lancé un diplôme spécialisé en design sous-marin pour pouvoir travailler ensuite en Australie sur la fabrication des sous-marins.
Alors que les frontières australiennes sont fermées depuis mars 2020, il a réussi à obtenir une exemption de l’ambassade pour venir étudier en Australie. Il a fini son master et il travaille désormais sur un projet de recherche sous-marine mené entre le gouvernement et l’université d’Adélaïde. Il est depuis plusieurs mois au cœur du projet qui devait apporter des ressources concrètes au projet entre la France et l’Australie.
Le projet sous-marins en Australie a d’ailleurs ramené beaucoup de Français à Adélaïde. Un programme bilingue avait été ouvert à Highgate pour les enfants, pour répondre à ces nouveaux expats fraîchement installés.
Il y a quelques mois, Pierre-Eric Pommellet, PDG de Naval France, est venu voir les équipes en Australie. Il affirmait alors que l’entente était parfaite et que tout était au beau fixe. Rien ne laissait présager les annonces de mi-septembre.
Bien que les tensions sur ce contrat entre la France et l’Australie étaient connues, dernièrement, les nouvelles étaient plutôt rassurantes. Le passage de Pierre-Eric Pommellet, qui avait pris le temps de venir en Australie et de faire la quarantaine, avait rassuré les troupes.
Une annonce « coup de tonnerre »
La semaine dernière, tout le monde a été pris de cours. Même Pierre-Éric Pommellet a du mal à sortir de sa torpeur. Le matin même de l’annonce, il affirme : « Nous avons reçu un courrier nous informant officiellement que le gouvernement australien avait accepté notre offre ainsi que les choix techniques qui auraient permis d’engager une nouvelle phase du programme ».
L’annulation du contrat des sous-marins en Australie a eu un impact aussi bien du côté français que du côté australien, par la brutalité et la forme de l’annonce.
Le chantier avait commencé, à Port Adélaïde, plusieurs bâtiments ont été construits. Naval Australie avait des cohortes d’ingénieurs qui étaient prêtes à quitter le pays. En effet, cette semaine, des Australiens devaient partir à Cherbourg pour 3 ans afin de se former auprès des équipes françaises. Ils avaient vendu maisons, appartements, ou mis leurs affaires dans des entrepôts. Ils étaient prêts à partir et ils ont appris, via les médias, qu’ils ne partiraient pas. Même en étant salariés chez Naval Group, ils n’ont pas été alertés.
Du jour au lendemain, tous leurs projets sont tombés à l’eau pour ces Australiens. Il n’y a eu aucun signe avant-coureur qui aurait pu laisser planer le doute.
« Peut-être que dans les hautes sphères du gouvernement, certains étaient au courant, mais côté ingénieurs, personne n’avait imaginé ça. C’est la trahison du siècle pour nous et c’est plutôt choquant. »
Ils sont 5 Français à avoir été choisis en France pour venir passer le double diplôme à Adélaïde. Il leur restait un dernier stage à réaliser avant de pouvoir complètement travailler sur le projet.
Pour Maxime, comme pour les 400 personnes qui travaillaient sur « l’Australian Future Submarine Program », tout est remis en question.
Rester ou partir ? Que faire ?
Aujourd’hui, la situation est compliquée.
« Personnellement, je ne me vois pas rester ici et travailler pour les Américains, donc je me pose beaucoup de questions. Mon avenir est complètement incertain. Je ne sais pas si je pourrai rester en Australie dans les prochains mois, alors que ma vie est désormais ici. Ma copine est installée ici et je n’avais pas prévu ce retournement de situation. »
En effet, sans contrat de travail, il ne pourra peut-être pas rester sur le sol australien. Les Américains vont sans doute vouloir recruter les personnes qui ont déjà travaillé sur le projet sous-marins en Australie. En tant qu’expert, Maxime sait qu’il sera sollicité, mais il n’est pas sûr de vouloir travailler dans ce cadre. Pour lui, certains Français qui travaillaient sur le projet vont rentrer. La tension est palpable à Adélaïde.
« Quand tu passes ta vie à te former pour un projet de cette envergure, ça fait mal. »
Maxime sait que d’autres projets navals vont arriver, mais ceux-ci auront lieu dans quelques années.
D’ici là, que faire ?
C’est toute une carrière potentielle qui s’effondre. En effet, ce n’est pas un métier courant et de telles opportunités sont rares. Pourtant, Maxime le sait, ces ingénieurs Français étaient indispensables. La France est reconnue pour son savoir-faire en terme de sous-marin mais « maintenant, tout est incertain. »
Et qu’en pensent les expats ?
D’autres Français expatriés en Australie nous ont fait part de leurs ressentis. Pour beaucoup, la décision d’arrêter le contrat sous-marins en Australie ne semble pas affecter ce qu’ils pensent du pays. En revanche, pour d’autres, c’est l’incompréhension.
« Je suis déçu de l’attitude australienne. Le contrat a été signé et rompu soudainement, ça ne se fait pas ».
Maxime et les autres employés français attendent désormais d’en savoir plus. Il a également été demandé aux Australiens qui devaient venir en France de prendre quelques jours de congés en attendant de clarifier la situation. Les prochaines semaines seront cruciales pour tous ces employés.
Merci à Maxime pour ce témoignage et aux expats qui ont pris le temps de nous donner quelques informations sur la situation sur place.
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