Ségolène Royal : « Ce qui fait toute la différence : l’égo ou la bienveillance »

Ségolène Royal : « Ce qui fait toute la différence : l’égo ou la bienveillance »

Ségolène Royal est notre invitée pour Lesfrançais.press. En déplacement en Italie, elle présente son dernier livre « Refusez la cruauté du monde ! Le temps d’aimer est venu »* à l’Institut Français à Rome, ce mardi 7 novembre. Nous sommes allés à sa rencontre. Dans l’interview qu’elle nous a accordée, l’ancienne ministre nous livre sa vision du monde actuel et son ambition pour l’avenir. 

Jeremy Michel : « Votre livre est-il un cri d’amour ou une déclaration de faillite de la politique ? » 

Ségolène Royal : « Les deux. Qu’est-ce que gouverner un peuple ? Comment construire une communauté de destins ? Ce qui domine aujourd’hui dans nos pays, c’est un fort ressentiment de déclin et la peur ne plus avoir de prise sur ses choix. Je décris dans ce livre, à travers de nombreuses années d’observation de la vie politique, depuis les sept années passées auprès du président François Mitterrand, puis dans l’exercice de mandats et responsabilités tant locales que nationales, qu’internationales, qu’il y a deux façons d’exercer le pouvoir : soit aimer le pouvoir pour le pouvoir et l’excitation qu’il produit, soit aimer les gens qui vous ont momentanément confié ce pouvoir. Ce qui fait toute la différence : l’égo ou la bienveillance. »

« Les deux dangers qui menacent l’humanité aujourd’hui sont les armes nucléaires et les désastres climatiques »

Jeremy Michel : « Les situations en Israël ou en Ukraine sont-elles la triste illustration de mauvaises décisions ? »

Ségolène Royal : « La guerre est toujours un échec terrible de la condition humaine. La Paix, un idéal et une obligation toujours répétée, mais qui se heurte au constat de la faiblesse des pouvoirs diplomatiques face au pouvoir des armes, en particulier de la dissémination nucléaire. Et du pouvoir des profiteurs de guerre. Comme je l’écris dans mon livre, les deux dangers qui menacent l’humanité aujourd’hui sont les armes nucléaires et les désastres climatiques. Comme l’écrit le Pape François : l’équilibre de la terreur conduit à des relations empoisonnées entre les peuples. »

« Les Français qui vivent à l’étranger devraient être davantage écoutés »

Jeremy Michel : « Vous présentez votre livre à l’institut Français à Rome. Quel regard portez-vous sur la communauté française vivant hors de nos frontières ? »

Ségolène Royal : « Qui ne voit pas que l’équilibre du monde se transforme ? La réunion des BRICS face à « l’occident », perçu comme s’arrogeant le monopole de la morale au nom de la démocratie malgré les effroyables conflits de ce siècle, doit nous pousser à rechercher les coopérations mondiales dans ce qu’il y a de meilleur dans chaque civilisation et en respect de chacune d’entre elles. Et les Français qui vivent à l’étranger devraient être davantage écoutés, comme capteurs de l’évolution des mentalités, des idées reçues, du potentiel et des valeurs des pays où ils vivent. »

Ségolène Royal
Ségolène Royal ©Marianne Rosenstiehl

« La question migratoire ne fera qu’empirer si le courage continue à manquer »

Jeremy Michel : « La loi sur l’immigration arrive en débat. Le gouvernement doit-il consulter l’Assemblée des Français de l’étranger sur ce texte ? »

Ségolène Royal : « Vous savez, la question migratoire ne fera qu’empirer si le courage continue à manquer, comme je le démontre dans mon livre, pour résoudre la crise écologique planétaire et ses conséquences dramatiques, surtout dans les pays les plus vulnérables, avec les déplacements massifs de population qu’elles entraînent : pollutions, inondations, sécheresses meurtrières, maladies, destruction de la biodiversité, effondrement des agricultures vivrières… Se pose la question vitale des choix de développement et de la lenteur du renoncement aux énergies fossiles, cause de cette crise. La Cop28 se déroule à la fin du mois aux Emirats arabes unis. Le bilan de l’application de la Cop21 que j’ai présidée, et de l’accord de Paris sur le climat, est inscrit à l’ordre du jour. On parle de finance verte, mais on sait que la frénésie du système financier mondialisé ralentit les mutations et repousse toutes les règlementations. Y aura-t-il un sursaut ? Les initiatives pour la paix et celles pour le climat sont liées. »

« S’indigner c’est résister »

Jeremy Michel : « Ségolène Royal, êtes-vous confiante en l’avenir ? »

Ségolène Royal : « Je crois, comme Stéphane Hessel, grand résistant revenu de captivité, pour avoir aussi écrit ce livre comme une promesse que je lui avais faite, que s’indigner c’est résister. Et résister, c’est surmonter le pire des dangers : l’indifférence et le découragement. Il avait bâti le programme du CNR, Conseil National de la Résistance. Avec cette incroyable audace d’invention de la sécurité sociale, à une époque où l’on n’avait plus rien car tout était à reconstruire. Et il écrit dans son petit livre «Indignez-vous» quelque chose qui reste furieusement d’actualité : le pouvoir de l’argent, tellement combattu par la Résistance, n’a jamais été aussi grand, insolent, égoïste. L’écart entre les plus pauvres et les plus riches n’a jamais été aussi grand et la spéculation financière par définition détruit toutes les solidarités humaines et toutes les ressources naturelles, puisque sa loi consiste à détruire tout ce qui n’est pas immédiatement rentable.

Oui, il y a d’autres solutions, c’est le rôle de la politique de les faire émerger et de les construire avec une juste autorité. Donc je crois que donner un désir d’avenir aux nouvelles générations est non seulement un possible, mais c’est aussi un devoir. Je leur fais confiance, car elles sont plus exigeantes et plus volontaires, en ce sens qu’elles ont le sens de l’urgence de l’essentiel. »

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