La reprise économique est réelle. Elle surprend même par sa vigueur. Le maintien du pouvoir d’achat des ménages, le niveau élevé des trésoreries des entreprises et le déploiement des plans de relance favorisent le retour de la croissance. Si le contexte en cette fin d’année est porteur, plusieurs facteurs pourraient cependant provoquer un déraillement de la croissance en 2022 ou en 2023.
Une croissance vive jusqu’en 2022
Les différents instituts de conjoncture économique parient sur le maintien à un haut niveau de l’activité jusqu’en 2022, permettant aux différents États membres de l’OCDE d’effacer la contraction du deuxième trimestre 2020. Les indices économiques sont à des niveaux très élevés, signe que les dirigeants d’entreprises croient en une forte reprise. Cet optimisme est fondé sur une restauration rapide des profits. Après avoir baissé de plus de 10 % au sein de l’OCDE au cours de l’année 2020, ils ont retrouvé au premier semestre 2021 leur niveau d’avant crise.
Le maintien de taux d’intérêt extrêmement faibles contribue à la profitabilité des entreprises. Le taux d’intérêt des obligations d’État de l’OCDE ne dépassait pas 0,5 % à la fin du mois de juin dernier. Les plans de relance qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars conduisent à une hausse de la demande. La croissance pourrait être soutenue dans les prochains mois par le déblocage d’une partie de l’épargne « covid » dont le montant au niveau de l’OCDE dépasserait 1 000 milliards de dollars.
Quatre facteurs pourraient contrarier ce mouvement de croissance :
– La hausse des prix des matières premières et des coûts des consommations intermédiaires ;
– Les difficultés de recrutement des entreprises ;
– Le ralentissement de la croissance chinoise ;
– La réduction des déficits publics.
La hausse des matières premières, de l’énergie et des biens intermédiaires
Alimentée par les plans de relance, la reprise économique mondiale a conduit à une forte hausse des prix des matières premières et de l’énergie, des prix des semi-conducteurs ainsi que du coût du transport maritime. Le prix des métaux précieux et des matières premières agricoles était, au mois de juillet 2021, à un niveau inconnu depuis dix ans. L’indice du coût du fret a été multiplié par plus de deux par rapport à la fin 2019, celui des semi-conducteurs par trois.
Les entreprises sont confrontées à la fois à des hausses de prix et à des difficultés d’approvisionnement (semi-conducteurs, matériaux de construction, etc.). Si cela peut provoquer des fermetures temporaires d’usines et reporter certains travaux, ces difficultés n’ont pas eu, pour le moment, d’effet majeur sur l’activité et ne remettent pas en cause les perspectives de croissance et les profits des entreprises.
L’augmentation des difficultés de recrutement des entreprises
Les entreprises aux États-Unis comme en Europe rencontrent des difficultés croissantes de recrutement. Plus de la moitié des entreprises américaines sont dans cette situation.
En France, le taux atteint 15 % avec une pointe à 40 % pour le bâtiment. Les difficultés de recrutement sont liées à une inadéquation croissante de l’offre et de la demande sur le marché de l’emploi. Les compétences de la population active sont de plus en plus décalées par rapport aux besoins des entreprises. Les salariés rejettent de plus en plus les emplois pénibles, notamment ceux aux horaires atypiques, ainsi que les emplois mal payés dans les services. Par ailleurs, le nombre d’ingénieurs et d’informaticiens est insuffisant pour répondre à la demande.
Si les créations d’emploi sont importantes depuis le deuxième trimestre 2020, elles sont loin d’avoir permis de retrouver le taux d’emploi d’avant-crise. Il y a toujours un important déficit d’emplois aux États-Unis comme en Europe.
Le ralentissement de la croissance chinoise
Après avoir bénéficié de l’arrêt du monde en 2020, la Chine pourrait connaître une phase de ralentissement de son activité. Celui-ci serait occasionné par des facteurs conjoncturels et structurels. Le niveau d’endettement des collectivités locales chinoises pourrait peser sur la commande publique. Le secteur immobilier pourrait subir un net refroidissement du fait des pratiques de financement. En outre, la Chine est confrontée à un rapide vieillissement démographique. La faiblesse de la couverture retraite conduit les actifs à épargner de manière de plus en plus importante, ce qui pèse sur la consommation.
La population active en Chine décroit depuis 2018, ce qui nécessite la réalisation d’importants gains de productivité avec une robotisation des chaînes de production. Les dépenses publiques de retraite sont inférieures à 8 % du PIB, contre 14 % en France. Les gains de productivité tendent à s’amoindrir en Chine avec la fin du rattrapage économique, ce qui induit automatiquement une baisse de la croissance. Le Président Xi Jinping entend renforcer le contrôle de l’État sur les grandes entreprises chinoises, notamment celles intervenant dans le domaine de la haute technologie et dans le secteur de l’information. Cette politique pourrait ralentir les investissements et l’innovation.
La réduction des déficits publics.
La demande mondiale devrait connaître une moindre croissance à compter de 2022 en raison de la diminution des déficits publics. Aux États-Unis, le déficit public est censé passer de 15 à 8 % du PIB de 2021 à 2022. Pour la France, les ratios respectifs sont 9 et 6 %. Pour l’ensemble des pays de l’OCDE, le déficit public devrait se réduire de moitié. En l’absence de gains de productivité, la croissance de l’économie mondiale pourrait trouver ses limites en 2023.
La transition énergétique si elle favorise l’investissement, génère des surcoûts immédiats. La substitution des énergies renouvelables aux énergies carbonées ne s’effectue pas au nom d’une rentabilité immédiate mais au nom d’impératifs environnementaux de moyen et long terme. Le défi réside donc dans la nécessité de trouver des solutions techniques pour améliorer l’efficience économique de l’économie décarbonée.
L’économie mondiale reste soutenue par des politiques monétaires expansionnistes qui doivent logiquement arriver à leur terme entre 2022 et 2023. La hausse des taux d’intérêt, que l’arrêt des rachats des obligations pourrait provoquer, pèsera sur la croissance. Néanmoins, ces politiques ont pour conséquence la hausse de la valeur des actifs (immobilier et actions), hausse en partie déconnectée de la création de richesses.
En douze ans, le prix des logements a augmenté de plus de 60 % au sein de l’OCDE et les indices boursiers de plus de 200 %.
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