Quand l'émotion prend le pouvoir

Quand l'émotion prend le pouvoir

Dans une de ses éditions de la fin du mois d’août, un grand hebdomadaire a titré à la une « Y aura-t-il de l’électricité à Noël ?» et évoque, dans ses pages intérieures, le risque d’un « Waterloo électrique ». Passer Noël à la bougie ne manquerait pas de charme mais avant d’en arriver à cette situation extrême, il faudrait une série d’évènements et de malchances qui frapperait le réseau d’électricité européen, l’un des plus interconnecté du monde.

Toujours au mois d’août, la moitié des prêts immobiliers auraient été rejetés, sachant que, dans le même temps, la Banque de France indique qu’au mois de juillet, l’encours des prêts a augmenté de 6 % pour les ménages. Si un prêt sur deux était refusé, ce serait un tsunami, un choc économique de grande ampleur.

Toute information est amplifiée, voire déformée

L’émotion, le sensationnalisme sont de mauvais conseillers en règle générale et tout particulièrement en économie. Avec les chaînes d’information en continu, avec les réseaux sociaux, toute information est amplifiée, voire déformée. Le raisonnement cède à la passion, à la recherche de coupables. Le temps est à la simplification et au jugement définitif. La prise de recul ou de hauteur n’a plus cours tout comme les enseignements tirés de l’expérience et du passé.

Tout évènement exige une réponse immédiate de la part des pouvoirs publics, sans attendre de connaître la réalité de la situation. Depuis des mois, la question du pouvoir d’achat est au cœur de l’actualité. Les Français seraient au bord du gouffre. Ils ne pourraient plus faire face aux dépenses du quotidien. Dans le même temps, la SNCF a vendu un nombre sans précédent de billets durant l’été 2022, 10 % au-dessus du précédent record qui datait de 2019. Les compagnies aériennes ont également quasiment retrouvé leur niveau de fréquentation d’avant la crise sanitaire quand des experts prédisaient en 2021 qu’elles n’y arriveraient pas avant 2026. Même si les professionnels du tourisme sont toujours prompts à se plaindre de la saison, le taux d’occupation des hôtels et des campings est également supérieur cette année à celle de 2019.

Dichotomie entre ressenti individuel et collectif

Les ménages confrontés à la hausse des prix n’en réduisent pas pour autant leur effort d’épargne. Certains mettent de l’argent de côté par peur ; d’autres affirment que c’est pour faire face aux futures augmentations de prix ou d’impôts. Dans tous les cas, ils disposent encore de marges financières pour épargner. Certes, cela ne concerne pas tous les ménages, il n’en demeure pas moins que l’encours des comptes courants, des livrets d’épargne réglementée comme le Livret A, ou des contrats d’assurance n’a jamais été aussi élevé. L’enquête de l’INSEE sur le moral des Français mentionne une progression du nombre de Français qui considèrent que leur niveau de vie a augmenté ces douze derniers mois et qu’il continuera à augmenter dans l’année qui vient. En France, la dichotomie entre le ressenti individuel et le ressenti collectif est une constante.

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Les gouvernements ont l’obligation de compenser les crises

Les Français sont pessimistes concernant l’avenir de leur pays mais plus confiants en ce qui les concerne. Ce grand écart n’est pas sans conséquence sur le cours de la vie du pays. Le sentiment de défiance face aux pouvoirs publics rend toute réforme difficile car susceptible de modifier la zone de confort sacralisée de tout un chacun.

Il rend difficile le retour à la normale en matière de gestion publique. Les gouvernements ont désormais l’obligation de compenser tous les stigmates des crises. Ils peuvent même être accusés de ne pas intervenir avant même leur survenue. Les mesures de soutien durant l’épidémie de Covid et depuis la guerre en Ukraine apparaissent comme des évidences. L’État doit payer car il est supposé pouvoir le faire sans limite.

La demande en dépenses publiques suit le rythme des émotions collectives

Une déconnexion entre le citoyen attributaire des aides et celui qui paie les prélèvements obligatoires s’est opérée. La demande en dépenses publiques suit désormais le rythme des émotions collectives ; quelques images, quelques témoignages l’emportent sur l’analyse. Les risques sont évidemment une dérive des comptes publics propice à une banqueroute et à une mauvaise utilisation des dépenses publiques. Au moment où la transition énergétique impose la réalisation d’investissements colossaux, le retour de la raison en matière de gestion publique est donc plus que nécessaire.

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