Près de trente ans après sa mort, Romain Gary fera partie en mai 2019 de la prestigieuse bibliothèque de la Pléiade. L’occasion de tester vos connaissances sur cette figure majeure de la seconde moitié du XXème siècle.
Racines du ciel, Clair de femme, Les Cerfs-Volants, La vie devant soi, etc., mais ils apportent quelques détails et retouches au portrait d’un aventurier, né Romain Kacew, à Moscou, le 8 mai 1914. Il a changé quatre fois de culture (russe, polonaise, américaine, française). De ce millefeuille de langues, de cultures et d’expériences de toutes sortes, il a tiré une œuvre qui tient le coup. Romain Gary entrera dans la Pléiade dans deux ou trois ans.
Le Sens de ma vie est la transcription d’un long entretien accordé à Radio-Canada quelques mois avant son suicide, le 2 décembre 1980. C’est une autobiographie parlée qu’il faut conseiller à ceux qui ne connaissent pas encore l’écrivain. Elle les incitera à le lire. Ils découvriront sa mère juive en lévitation devant ce fils viril, impétueux, surdoué. Il n’avait que 8 ans quand elle disait à ses voisins polonais : « Mon fils sera ambassadeur de France, mon fils sera un grand écrivain français. » Il est devenu les deux. Francophile jusqu’à lui cacher que la France avait perdu la guerre de 1870 contre l’Allemagne, elle est morte avant de pouvoir s’enorgueillir du titre de compagnon de la Libération que l’aviateur Romain Gary avait gagné dans les batailles de la France libre. Son gaullisme n’était pas politique, mais charnel. « Le Général, c’était le seul homme au sein de l’humanité, avec ma mère, pour lequel jusqu’à ce jour j’ai gardé un attachement total et profond. » Il vouait aussi beaucoup d’admiration et de reconnaissance à André Malraux, qui l’avait aidé pendant des années difficiles.
Contrairement à une légende qui fait de tous les Slaves des buveurs de vodka, il détestait l’alcool. Sur la fin de sa vie, l’ex-mari de Jean Seberg se défendait d’avoir été un séducteur de femmes – « une image totalement bidon » –, mais il faisait volontiers l’éloge de la féminité. Il considérait que le sujet principal de ses livres, leur force intérieure, était « l’amour de la féminité ». Agnostique, il admirait le personnage de Jésus parce que dans sa voix il reconnaissait toutes les valeurs d’une féminité « tombée entre les mains sanglantes » des hommes.
Romain Gary avait 19 ans quand il a écrit son premier roman, Le Vin des morts,refusé par l’éditeur Robert Denoël. Il est publié pour la première fois par Gallimard. C’est une fiction baroque, déjantée, une sorte de danse macabre, loufoque, dans un cimetière peuplé de squelettes bavards et provocateurs. « Un roman de jeunesse drôle et explosif », écrit son présentateur Philippe Brenot, dans lequel il voit pour le futur Émile Ajar « le réservoir d’une colère intérieure, retenue, désinvolte, en latence. » Roger Martin du Gard, qui avait lu le manuscrit, en avait conclu ceci : « C’est ou bien le livre d’un fou ou bien d’un mouton enragé. »
Dans Une petite femme, recueil de nouvelles écrites pour la presse, certaines dans les années 1930 on peut lire les ébauches de deux romans inachevés, À bout de souffle et Le Grec, l’action de celui-ci se situant pendant la dictature des colonels. L’une et l’autre avaient été écrites en anglais.
Beaucoup plus intéressant nous paraît être Un soir avec Kennedy, recueil d’articles et d’interviews publiés dans des revues et magazines. On y voit fonctionner avec vigueur un esprit original, percutant, qui ne craint pas de choquer ou d’être incompris. Romain Gary considère que son humour est « typiquement juif, en partie slave aussi ». Exemple : il accuse les écrivains américains du Sud (Faulkner, Carson McCullers, Tennessee Williams, etc.) de continuer d’exploiter dans leurs romans les pauvres nègres. L’esclavage continue. « La corde de vos pendus commence à ressembler singulièrement à une ficelle. »
Sur les cinéastes de la Nouvelle Vague (Truffaut, Godard, Chabrol, etc.), il ironise. Leur nouveauté n’est qu’un retour à une tradition oubliée. Ils sont tous venus au cinéma par la littérature, et il leur en reste quelque chose, car « ils sont toujours plus inventifs avec leur plume qu’avec leurs films. » Écrivant cela Romain Gary se souvenait du temps où, à bord d’un avion de l’escadrille Lorraine, il mitraillait en rase-mottes…
De Romain Gary :
Le Sens de ma vie, préface de Roger Grenier, Gallimard, 106 p., 12,50 euros
Le Vin des morts, Gallimard, 240 p., 17,90 euros
Une petite femme, L’Herne, 222 p., 15 euros
Un soir avec Kennedy, L’Herne, 264 p., 15 euros
La rédaction
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