Marine Le Pen veut faire de l’Europe une « association des Nations libres »

Marine Le Pen veut faire de l’Europe une « association des Nations libres »

Après la défaite à l’élection présidentielle de 2017, le Rassemblement national a renouvelé son discours sur l’Europe, faisant notamment le choix d’abandonner son projet de sortie de l’euro, à la veille des élections européennes de 2019.

Cette nouvelle approche semble calibrée pour l’élection présidentielle de 2022 et conçue pour convaincre un électorat plus large, en rassurant ceux que les positions plus eurosceptiques inquiètent.

La question de savoir si ce changement de cap peut influer sur le résultat de l’élection et permettre à Marine Le Pen de conquérir l’Élysée demeure entière. Une certitude : son éventuelle élection pourrait changer durablement les relations entre France et Europe.

Dans les mots de Marine Le Pen, une « Europe des Nations libres » 

Dans une récente interview, Mme Le Pen a déclaré que son premier déplacement officiel à l’étranger, si elle est élue en avril 2022, aurait lieu à Bruxelles. Le but est de notifier son intention de se battre contre des institutions qui œuvreraient « sans les peuples, et même contre les peuples »afin de transformer l’Europe en « une association des Nations libres ».

En d’autres termes, son objectif est de convertir l’Europe en « un espace de partenariat entre des visions libres et indépendantes », selon le porte-parole du RN Julien Odoul, contacté par EURACTIV France.

Un avant-goût de ce projet a été donné lors d’une visite au premier ministre hongrois Viktor Orban en octobre 2021, quand Mme Le Pen a affirmé que chaque droit national devait être considéré comme supérieur au droit européen. Un revirement important dans la manière de concevoir l’articulation entre les deux.

Les changements institutionnels ? « Pas une priorité »

Première coupable du dogmatisme dénoncé par Mme Le Pen : la Commission européenne. Alors qu’elle projetait de la supprimer dans la campagne de 2019, la candidate RN souhaite désormais simplement déposséder la Commission de certains de ses pouvoirs « inconstitutionnels », qu’elle se serait attribués, afin d’en faire « un secrétariat du Conseil », pour rétablir la souveraineté des nations qu’elle appelle de ses vœux.

Interrogé sur la difficulté pour Marine Le Pen de procéder à des réformes institutionnelles au niveau européen, M. Odoul veut croire que les institutions seront « remodelées de facto » au lendemain de l’élection de sa candidate. Il plaide pour une « réorientation » et davantage de « bon sens » dans le fonctionnement de l’Union européenne. La prépondérance de la France en Europe devrait permettre ces évolutions, selon l’élu.

Les priorités du RN au niveau européen 

Si la candidate est élue, une priorité sera la réindustrialisation de l’Europe, en s’appuyant sur deux axes, développe M. Odoul.

D’une part, « une préférence au profit des Français en matière de prestations sociales et de formation » – sauf blocage par le Conseil constitutionnel, qui n’est pas impossible. Et d’autre part, elle souhaite associer entre eux « les grands champions européens » de l’industrie, afin d’en rendre effective la relance.

Mais le principal risque à contrer aux yeux de Julien Odoul est « la submersion de l’Europe d’ici 2050 ». C’est pourquoi la lutte contre l’immigration, à travers la refonte de Frontex et de l’espace Schengen « devenu une passoire » devront être inscrits à l’agenda européen en cas de victoire de Marine Le Pen. Une ambition partagée par le président Macron, qui souhaite s’emparer du sujet au cours de la présidence française de l’UE.

Les instruments réformés devraient alors permettre « d’éviter le remplacement de la population européenne » à terme ; la référence à la théorie du « grand remplacement » reprise par Éric Zemmour est à peine voilée.

Marine Le Pen et Vikto Orban, le premier ministre hongrois

Exit le Frexit 

Malgré des constats sans concession, sortie de l’euro et Frexit sortent du programme lepéniste. Toutefois, pas de « changement de doctrine » selon Julien Odoul, mais simplement « un contexte différent par rapport à 2017 ». Le FN (devenu RN) aurait été trop isolé sur le plan européen s’il avait pris le pouvoir à l’époque, rendant impossible toute réforme de l’intérieur.

Et d’ajouter qu’en 2022, une fois Mme Le Pen élue, elle disposera « d’alliés puissants », à l’instar des gouvernements polonais et hongrois, mais également du gouvernement socio-démocrate danois – du moins sur la lutte contre l’immigration – qui la soutiendront dans ses ambitions pour cette Europe nouvelle, fait-on valoir au RN.

Une Europe au service de la France

C’est la realpolitik qui a impulsé l’évolution du projet de Marine Le Pen. Elle témoigne en effet d’une volonté de crédibiliser son discours en matière européenne, laissant la place à des propositions moins disruptives mais plus réalistes et rassurantes pour une partie de l’opinion publique.

Le Rassemblement national affiche depuis longtemps sa volonté d’exploiter les ressources européennes – institutionnelles, économiques, géopolitiques – au profit de la France en priorité, à l’opposé d’un projet de construction européenne d’intérêt commun à proprement parler, malgré le discours récurrent du parti sur les racines chrétiennes de l’Europe.

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