Les jeux vidéo, des drogues dures ?

Les jeux vidéo, des drogues dures ?

Le monde devient un grand jeu vidéo. Du monde physique au monde virtuel des métaverses, la logique du « gaming » a envahi l’ensemble des sphères de l’activité humaine. Les voitures avec leur écran de plus en plus grand, les smartphones et leurs applications, le commerce, l’éducation, les loisirs sont de plus en plus influencés par les jeux vidéo. Le e-sport est devenu une activité sportive reconnue au niveau international au point que certains souhaitent créer des Jeux Olympiques qui leur seraient dédiés.

38 millions de joueurs en France, une majorité de joueuses.

Selon les chiffres communiqués par le Syndicat des Éditeurs de logiciels et de Loisirs (SELL), près de 73 % des Français, soit environ 38 millions de personnes ont joué, au moins, occasionnellement, aux jeux vidéo en 2021, soit deux millions de plus qu’en 2020, une année qui avait pourtant été marquée par une forte progression du nombre de joueurs en raison de la pandémie et des confinements qui en a résulté. Les jeux vidéo ne sont plus le pré carré des jeunes. 77 % des parents jouent avec leurs enfants. Les femmes sont désormais majoritaires dans les adeptes des jeux vidéo. Parmi les joueurs plus réguliers, les hommes restent, en revanche, majoritaires. Les femmes jouent avant tout sur leur smartphone (deux tiers).

En parallèle à la diffusion croissante des jeux vidéo dans la vie quotidienne, des voix se font entendre pour souligner les dangers de la surconsommation des jeux vidéo qui génèrent des dépendances. L’Organisation Mondiale de la Santé a reconnu comme affection « le trouble du jeu », trouble provoqué par une utilisation de manière compulsive des jeux, occasionnant des dommages sur la santé.

Traitement contre l’addiction

La Chine, le plus grand marché du jeu au monde, a annoncé de nouvelles règles limitant les enfants à une seule heure de jeu par jour les vendredi, samedi et dimanche. En Corée du Sud, les autorités ont également réglementé l’usage des jeux à l’école. Au sein des pays occidentaux, des centres de traitement contre l’addiction aux jeux vidéo ont ouvert.

Les jeux sont-ils vraiment addictifs ? Les psychologues sont divisés. Dans le passé, des jugements comparables avaient été émis à l’encontre des romans, des bandes dessinées, de la télévision, du jazz ou du rock’n roll. Les critères utilisés pour diagnostiquer la dépendance au jeu demeurent vagues. Un usage obsessionnel des jeux vidéo cache, en règle générale, d’autres pathologies comme la dépression. Il serait plus une résultante qu’une cause, même s’il aboutit à plonger l’utilisateur dans un cercle vicieux.

Si pour certains les jeux vidéo isolent, pour d’autres ils permettraient de nouvelles formes de socialisation. 61 % des joueurs considèrent qu’ils créent des liens. Les jeux en ligne offrent la possibilité de constituer des communautés très larges. Les messageries instantanées permettent des échanges rapides entre joueurs. Elles sont également des portes d’entrée pour des trafics divers et variés (drogue, pédophilie, etc.).

L’arène du tournoi Dota 2, The international, tournoi annuel d’esport

Attirer et conserver le plus longtemps les joueurs

La dépendance aux jeux est d’autant plus forte que, contrairement aux groupes de rock ou aux romanciers, les développeurs ont à la fois la motivation et les moyens de concevoir leurs produits pour les rendre irrésistibles. Autrefois, les jeux étaient achetés pour un coût initial unique. En ligne, l’accès au jeu est illimité dans le temps. En jouant sur le principe de la récompense, les créateurs de jeux incitent les joueurs à rester sur les plateformes le plus longtemps possible. Avec la récupération des données fournies gratuitement par les joueurs, les développeurs peuvent affiner et modifier, en temps réel, leurs jeux pour les améliorer et augmenter les dépenses. Les règles en vigueur pour les jeux d’argent s’appliquent aux jeux vidéo. L’objectif est d’attirer et de conserver le plus longtemps les joueurs en les incitant à dépenser toujours plus.

Avec les confinements, le temps dévolu aux jeux vidéo a augmenté. En France, les parents tentent de réguler l’usage des jeux vidéo par leurs enfants. 49 % d’entre eux déclarent connaître et utiliser les systèmes, contre 32 % en 2019.

Les sociétés de jeux devraient mettre une plus grande partie de leur trésor de données à la disposition des chercheurs. Si, comme cela semble probable, les inquiétudes concernant la dépendance sont exagérées, il est difficile de penser à une manière plus claire de le démontrer. Dans le cas inverse, il vaudrait mieux que les entreprises reconnaissent le problème dès maintenant et fassent preuve d’initiative pour le résoudre, faute de quoi, les régulateurs pourraient les contraindre à agir. Or, comme la Chine l’a montré, une fois qu’un gouvernement est pris d’une crise de panique morale, il peut se déchaîner.

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