Loi immigration : la position des élus des Français de l’étranger

Loi immigration : la position des élus des Français de l’étranger

Après 18 mois d’un long et pénible parcours législatif, une marque de fabrique de cette mandature, le projet de loi immigration a été adopté par les deux chambres ce mardi dans la soirée. Si la loi portée par Gérald Darmanin fut votée à l’Assemblée nationale, c’est grâce au soutien du groupe Les Républicains et celui du Rassemblement national. En effet, certains élus du Palais Bourbon de la « coalition présidentielle » n’ont pas suivi la consigne de l’exécutif. Ils étaient 59 parmi ces derniers à ne pas voter pour la loi, 4 sont des députés des Français de l’étranger. En tout 10 parlementaires des Français de l’étranger n’ont pas soutenu le projet du ministre de l’Intérieur. 

Un vote sous tension

L’issue du vote était incertaine et pourtant ce mardi 19 décembre, l’Assemblée nationale a voté en faveur du projet de loi sur l’immigration. Ce texte, d’abord porté par Gérald Darmanin, a fortement été durci à l’issue d’une commission mixte paritaire (CMP) où un compromis sans ambiguïté a été trouvé avec les Républicains.

Dans la foulée de cet accord, Marine Le Pen s’était réjouie à l’Assemblée nationale « d’une avancée idéologique, d’une victoire même idéologique du Rassemblement national« , annonçant que son groupe parlementaire allait voter en faveur du texte dans la soirée.

Aux alentours de 20 heures, le Sénat a d’abord voté, à une très large majorité, pour ce projet de loi immigration. La majorité a, elle, frôlé l’implosion, poussant Emmanuel Macron à envisager pendant quelques heures une cartouche constitutionnelle, via l’article 10 de la Constitution, utilisée à seulement trois reprises depuis 65 ans.

Pour autant, depuis, l’idée a été abandonnée. La Première ministre martèle ainsi que la loi sur l’immigration « a été votée sans les voix du Rassemblement national. », éloignant donc le spectre d’une représentation du texte à l’Assemblée nationale. 

"On voulait faire voter un texte sur des mesures utiles (...) Il a été voté sans les voix du Rassemblement national. Nous ne voulons pas de ces voix"

Les élus des Français de l’étranger

Du côté des élus des Français de l’étranger, 3 députés se sont abstenus, 2 ont voté contre, les 6 autres ont approuvé le texte. Au Sénat, les 4 sénateurs classés à gauche ont voté contre, 2 élus centristes se sont abstenus comme un sénateur ASFE, les autres issus des rangs des Républicains et assimilés ont voté logiquement pour. 

Loi immigration

Pour certains, comme Eléonore Caroit, députée des Français d’Amérique centrale, du Sud et des Caraïbes, des lignes rouges ont été franchies. 

« J'ai pris acte du projet de loi pour contrôler l'immigration et améliorer l'intégration tel qu'il a été adopté cet après-midi en commission mixte paritaire (CMP). Je ne voterai pas ce texte qui contient plusieurs mesures auxquelles je suis opposée, parmi lesquelles le délit de séjour irrégulier ou encore les mesures relatives aux étudiants étrangers. »

Un avis qu’on retrouve surtout à gauche comme les nombreuses publications sur les réseaux sociaux en témoignent. Ainsi pour la sénatrice PS, Hélène Conway-Mouret, ce texte est « est une honte à notre histoire et nos valeurs ».

Un avis que partage son collègue Yan Chantrel (PS) ou Mathilde Ollivier qui appelaient tous deux les députés à faire barrage au texte.

Loi immigration

Le parti socialiste était particulièrement actif sur cette loi, revenant ainsi à ses racines historiques. Cécilia Gondard, élue à Bruxelles, mais aussi Secrétaire générale de la fédération des Français de l’étranger du Ps, n’a pas manqué d’interpeller le député Renaissance de la IVe circonscription des Français de l’étranger sur son vote.

Du côté de ceux qui ont voté pour, le discours est bien évidemment différent

Ainsi, Anne Genetet, députée Renaissance des Français du grand Est européen, d’Asie et d’Océanie souligne que « l’adoption de ce texte résulte d’abord et avant tout d’une alliance avec la majorité des Français qui la réclamaient parce qu’elle doute de notre modèle d’intégration depuis les crises économique et migratoire. Les Français considèrent majoritairement que la France n’aurait plus les moyens de bien accueillir de nombreux nouveaux arrivants et que les pouvoirs publics ne lutteraient pas efficacement contre l’immigration clandestine ».

Pour Stéphane Vojetta, député assimilé Renaissance des Français de la Péninsule ibérique et de Monaco, la gauche oublie que les Français de l’étranger sont eux soumis à plus de contraintes lors de leur retour en France, comme une carence au droit à la solidarité nationale, que les étrangers non-européens à leur arrivée sur le territoire national. 

Pour le député Pieyre-Alexandre Anglade, élu au Bénélux mais aussi en charge de la campagne européenne pour le parti présidentiel, s’exprimant sur Radio J, il serait urgent de tourner la page pour se lancer dans la campagne électorale des Européennes. Pour lui, le RN démontre par son attitude sa volonté de réaliser un Frexit. Une interprétation qui tombe un peu comme un cheveu dans la soupe. 

Les conseillers des Français de l’étranger

En dehors des parlementaires, les élus consulaires se sont aussi exprimés ! A l’instar de Daphna Poznanski-Benhamou, Conseillère des Français d’Israël et territoires palestiniens (LR) qui nous déclare : “je suis (…) pour un durcissement de la loi sur l’immigration car la France a abandonné depuis les années Chirac les moyens de l’intégration avec la fin du service militaire obligatoire (…). Il faut savoir que nos Français résidant à l’étranger sont bien moins traités que les migrants. Nos Français résidant à l’étranger doivent attendre trois mois pour obtenir une couverture médicale en France contre un jour jusqu’ici pour des migrants.

Un avis que partage partiellement, un conseiller élu sous l’étiquette de la majorité présidentielle en Europe « Ce texte aurait dû être adopté il y a une dizaine d’années. Le spectacle est bien triste. Se laisser ainsi enfermer par le RN est une aberration politique. Défendons nos convictions, et si les oppositions nous suivent c’est que le chemin est juste pour notre pays ». 

Pour autant, certains pointent les ambiguïtés de ce texte qui éloigne, peut-être, la France de ses idéaux, comme l’a publié David Franck, Conseiller des Français d’Ukraine.

« La majorité présidentielle doit réussir à répondre aux attentes des Français, sans tomber dans l’extrémisme. L’immigration doit se régler au niveau européen, se réguler au niveau des pays qui surveillent les frontières extérieures de l’union. Ce texte corrige certaines lacunes, et remet l’église au milieu du village. Il existe un seul pays des droits de l’homme, un seul qui a écrit la DUDH : la France ! Nous avons une responsabilité et un devoir d’exemple à montrer. Et surtout, il ne faut pas confondre immigration et insécurité. C’est la ligne rouge à ne pas dépasser pour continuer à combattre les extrêmes. »

Un texte révisé par le Conseil constitutionnel ?

On le voit, ce texte déchaîne les passions dans la sphère politique comme dans les foyers. Désormais voté, il sera encore pendant de longues semaines au cœur de l’actualité.  Les opposants vont désormais tenter de faire retoquer les dispositions les plus décriées par les autorités judiciaires. 

Comme Gérald Darmanin l’a, d’ailleurs, affirmé, dès ce mardi 19 décembre à la tribune du Sénat, lors de l’examen définitif de son projet de loi immigration. Pour le ministre de l’intérieur, le texte qu’il défend contient « des mesures sont manifestement et clairement contraires à la Constitution ».

"Le travail du Conseil constitutionnel fera son office, mais la politique ce n'est pas être juriste avant les juristes. La politique est d'élaborer des normes et de constater si elles sont ou pas d'après nous conforme"

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