Les systèmes de santé européens, la grande convergence

Les systèmes de santé européens, la grande convergence

En 2020, sous l’effet de la crise sanitaire, la dépense courante de santé au sens international (DCSI) augmente dans tous les pays européens ayant communiqué des données à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), à l’exception de la Belgique. Face aux dépenses, les systèmes de santé européens sont obligés de converger pour perdurer.

La variation de la DCSI entre 2019 et 2020 varie entre -3,3 % pour la Belgique et +19,5 % pour la Tchéquie. Le Royaume-Uni enregistre la troisième hausse de la DCSI la plus élevée d’Europe (+15,7 %), loin devant les Pays-Bas (+8,1 %), l’Allemagne (+6,3 %), la France (+3,9 %) et l’Italie (+2,6 %). Avec l’épidémie de Covid-19, la croissance de la DCSI entre 2019 et 2020 est, sans surprise, bien supérieure aux tendances observées avant la crise sanitaire. Ella a cru dans une majorité de pays plus rapidement que le PIB. 

Une croissance des dépenses de santé partout en Europe, sauf en Belgique

En France, en 2020, la hausse de la DCSI est 1,8 point supérieure à l’augmentation moyenne des neuf années précédentes (+3,9 % contre +2,1 % par an) ; en Allemagne, elle est 2,3 points plus élevée (+6,3 % contre +4,0 %). Au Royaume-Uni, les dépenses de santé ont augmenté de 15,7 % en 2020, une croissance spectaculaire et beaucoup plus marquée que celle enregistrée entre 2010 et 2019 (+3,7 % par an en moyenne). La Belgique est l’unique pays d’Europe où la dépense de santé régresse en 2020 (-3,3 %). Cela tient essentiellement au fait que le pays n’a pas comptabilisé dans le calcul de la DCSI les indemnisations versées aux professionnels de santé dont l’activité était limitée ou empêchée par la crise sanitaire. La Belgique a également interdit les nouvelles admissions en maison de retraite pendant la crise, diminuant ainsi le volume de soins de longue durée. 

Au Royaume-Uni, la dépense de santé a augmenté de 500 euros par habitant en 2020, de 360 euros en Allemagne et de 150 euros en France. En 2020, le Royaume-Uni consacre 2,1 points de PIB de plus qu’en 2019 à la santé. Cette hausse est largement supérieure à celle des autres pays européens. La Tchéquie, deuxième pays où l’augmentation est la plus marquée, ne consacre que 1,6 point de richesse nationale supplémentaire à la santé, davantage qu’en Allemagne (+1,1 point) et en France (+1,1 point). 

La Suisse est le pays où la dépense est la plus élevée en avec 5 450 euros par habitant à la santé, devant l’Allemagne (4 950 euros) et la Norvège (4 850 euros). La France se situe au 9e rang, avec une dépense de santé de 4 150 euros. Le Royaume-Uni se situe lui au 12e rang avec 3 800 euros.

Des milliards pour les masques. 

Une partie des augmentations des dépenses de santé exceptionnelles de 2020 provient de l’acquisition des équipements rendus indispensables par la crise sanitaire. Ainsi, la France a consacré 3,9 milliards d’euros à l’achat de masques en 2020 et 0,7 milliard aux équipements de protection individuelle, soit un total de 4,6 milliards d’euros. Le Royaume-Uni a consacré 14,8 milliards de livres (environ 16,5 milliards d’euros) à l’achat de masques et équipements de protection individuelle, stocks compris, dont une consommation effective de mars à fin octobre 2020 estimée à 10,0 milliards de livres (11,2 milliards d’euros). Selon l’administration britannique, cette dépense extrêmement élevée s’explique par des erreurs de gestion en matière de planification des achats et d’utilisation opérationnelle des équipements au-dessus des prix du marché, des achats de produits défectueux, et une demande globalement surestimée et mal calibrée. 

Des critiques ont également été émises en Allemagne vis-à-vis d’une politique d’achat de masques et d’équipements de protection jugée coûteuse (7 milliards d’euros) et mal planifiée par la Cour des comptes allemande. En Allemagne comme au Royaume-Uni, les ministères de la santé ont acheté trop de masques et les ont payés cher car les commandes ont été réalisés au printemps 2020 en pleine pénurie mondiale. En Allemagne, les achats par les Länder n’ont pas été coordonnés aboutissant à des surcoûts et à une mauvaise allocation des masques sur le territoire. L’absence de coordination est jugée par la Cour des Comptes allemandes comme génératrice d’un gaspillage des deniers publics. 

Un dépistage coûteux au Royaume-Uni

En France, la Cour des comptes a également souligné que les achats de masques ont été effectués dans des conditions difficiles et à des prix élevés, même si les tarifs sont cohérents. Après une surenchère par les collectivités locales, la coordination nationale a permis à la France de négocier progressivement les meilleurs prix et un approvisionnement régulier. 

Au Royaume-Uni, la politique de dépistage a été coûteuse Le « Test and Trace System » est évalué à environ 4,8 milliards d’euros pour l’année 2020 par l’OCDE. Ce montant est supérieur à ceux constatés en France et en Allemagne. Les tests de dépistage et le suivi des malades ont en effet coûté, sur l’ensemble de l’année 2020, 2,7 milliards d’euros en France, et 1,4 milliard d’euros en Allemagne.

Le recours aux cabinets de Conseil

Comme en France, des critiques se sont fait jour dans plusieurs pays et notamment au Royaume-Uni au sujet du recours de cabinets de conseil. Les administrations face à la situation d’urgence ont été contraintes de mettre en œuvre à l’échelle nationale des dispositifs informatiques nouveaux (applications sanitaires) et des plans de distribution de masques, des tests de dépistage et de vaccins. Elles ont fait appel à des cabinets pour élaborer rapidement des plans de déploiement rapides pour répondre aux besoins de la population. N’ayant pas en interne les compétences disponibles, elles ont fait appel à des cabinets de consultants. 

En France, un rapport de la Cour des comptes a également souligné que les tarifs accordés aux laboratoires de ville sont restés, jusqu’en juin 2021, nettement supérieurs à ceux pratiqués dans d’autres pays, notamment l’Allemagne.

Primes aux soignants en France

Les rémunérations des personnels soignants ont augmenté en 2020, en raison des recrutements d’urgence effectués pour faire face à la crise, mais aussi des primes ou des revalorisations salariales accordées aux soignants ou au personnel des maisons de retraite. Le Royaume-Uni a accordé environ 700 millions d’euros de primes. En France, 2,4 milliards d’euros de primes (hors mesures du Ségur de la santé, entrées en application en fin d’année 2020) ont été versés aux soignants en première ligne face à l’épidémie. En Allemagne, des bonus ont également été accordés, mais pour un coût bien plus faible. 100 millions d’euros de primes ont été versés par le gouvernement fédéral aux employés des hôpitaux et des cliniques. Les maisons de retraite ont bénéficié d’une enveloppe de 900 millions d’euros. 

En 2020, les soins de longue durée progressent, selon l’OCDE dans des proportions relativement similaires en France (+8,6 %), en Allemagne (+8,6 %) et au Royaume-Uni (+9,2 %). La baisse d’activité des soins en ville lors des périodes de confinement et les déprogrammations d’opérations dans les hôpitaux du fait de la priorisation des patients atteints de Covid-19 ont conduit à une contraction de l’activité pour de nombreux soignants. 

Au Royaume-Uni, les rendez-vous chez les médecins généralistes ont baissé de 10,3 % en 2020 (contre +1,3 % en 2019) et les visites aux urgences de 26,8 % (contre +4,8 % en 2019). En France, la consommation de soins de médecins généralistes diminue de 4,4 % en volume en 2020. La baisse a été plus marquée pour les dentistes (-9,7 %). En Allemagne, les traitements délivrés à l’hôpital ou en clinique ont diminué de 13 %.

Indemnités pour la médecine de ville 

Les Etats ont mis en place des dispositifs de compensation pour atténuer les pertes financières. Ils ont représenté, en 2020, une enveloppe de 4,7 milliards d’euros en France (1,3 milliard d’euros au titre du dispositif d’indemnisation de la perte d’activité (DIPA) à destination des praticiens libéraux, 1,6 milliard au titre des garanties de financement aux cliniques privées et des établissements médico-sociaux et 1,8 milliard à destination des hôpitaux). L’Allemagne a consacré des sommes plus élevées à ces compensations. En effet, parallèlement au « bouclier de protection » mis en place pour indemniser les médecins libéraux et dont le montant total n’est pas encore connu, 10,2 milliards d’euros ont été dépensés pour compenser les pertes de revenus des seuls hôpitaux et cliniques. La Cour des comptes allemande a indiqué que de nombreuses fraudes ont été constatées. Au Royaume-Uni, les professionnels de santé ont bénéficié des mêmes dispositifs que les entreprises ou les travailleurs indépendants affectés par une baisse de leur chiffre d’affaires. 

Plus de deux ans après la survenue de l’épidémie de covid-19, force est de constater que tous les systèmes de santé ont été confrontés au même problème en Europe et que leurs réponses, erreurs comprises, sont assez proches. La soudaineté de la crise a obligé les Etats à réagir en urgence avec conséquence d’importants surcoûts. 

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