Les syndicats de professeurs du réseau de l’AEFE, appellent à la grève générale le jeudi 19 mai, face au manque de considération de l’Agence.
Le 1er mars dernier, lorsque nous publiions “L’AEFE sonne le glas des faux-résidents”, les syndicats de professeurs se disaient déjà très inquiets pour la rentrée de septembre, pour deux raisons. D’un côté, ils présageaient une chute du nombre de postulants à cause de la disparition des résidents à recrutement différé (RDD), dits les faux-résidents. D’un autre, ils se doutaient que la rédaction d’un nouveau décret par les 3 autorités de tutelle, l’AEFE, le ministère de l’Éducation nationale et le Quai d’Orsay, allait être compliquée. Ils avaient raison sur les deux plans. Face aux désaccords croissants entre les différentes parties prenantes, les syndicats en appellent à la grève le jeudi 19 mai.
Le problème de recrutement
A trois mois et demi de la rentrée de septembre, il reste plus de 300 postes à pourvoir à travers le réseau d’établissements français à l’étranger, avec en plus de grosses disparités géographiques. Ainsi d’après Adrien Guinemer, conseiller national UNSA éducation, l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine sont les régions particulièrement touchées par le manque d’enseignants.
Durant plus de vingt ans, l’AEFE est parvenue à affecter tous les postes de professeurs détachés (résidents) grâce aux RDD. Le mécanisme est subtil : comme ces professeurs ne justifiaient pas d’un rapprochement de conjoint ou d’une installation sur place depuis plus de trois mois, ils passaient leur premier trimestre en contrat local, avant de devenir résidents, c’est à dire détaché depuis la France. Première conséquence, ils n’avaient pas droit aux avantages et acquis sociaux telle que la cotisation au système français de retraite durant ce laps de temps. Un système loin d ‘être parfait mais qui permettait à l’Agence d’assurer tous les postes, et aux enseignants de pouvoir partir quand ils le souhaitaient à l’autre bout du monde. Finalement, un win-win !
Seulement, en février dernier, l’AEFE a mis un terme à ce procédé à cause d’un passage au tribunal de Nantes avec une ancienne “fausse résidente”. L’affaire a poussé le tribunal à statuer contre l’astuce de procédure. Conséquence pour la rentrée 2022, 50% des places ne sont toujours pas pourvues pour septembre.
Afin de disposer d’équipes pédagogiques au complet, l’Agence a ainsi demandé aux établissements de recruter du personnel, uniquement, en contrat de droit local. Or, les contractuels sont particulièrement précaires car ils n’ont droit à aucun avancement, et ne peuvent cotiser, directement via leur salaire, à la caisse de retraite française. Ainsi, il est quasiment toujours plus intéressant d’être détaché que contractuel, hormis dans des pays comme la Suisse ou le Luxembourg où le droit local est plus généreux que le droit français.
Mercredi 11 mai, Olivier Brochet, le directeur général de l’AEFE, a émis un courrier à l’adresse des fonctionnaires des établissements français à l’étranger, leur demandant donc de recruter seulement des professeurs en contrat de droit local pour septembre. Face à cette demande, les syndicats de professeurs sont indignés, car ils voient le nombre de postes de résidents se réduire drastiquement. Il s’agit de l’une des raisons pour lesquelles ils appellent à la grève le jeudi 19 mai.
La difficulté de rédiger un nouveau décret
Depuis que l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger a décidé de mettre un terme aux RDD, elle a sollicité un nouveau décret à ses ministères de tutelle. L’Éducation nationale, les Affaires étrangères, la direction de l’AEFE et les syndicats représentant les personnels doivent donc trouver une entente… mais les échanges sont parfois houleux.
“Je suis furieux car c’est n’importe quoi !” s’exclame Patrick Soldat, membre du SNES-FSU, quant au déroulé des comités techniques visant à établir le nouveau décret qui encadrera les contrats de professeurs.
En effet, si les syndicats de professeurs souhaitent profiter de la rédaction de celui-ci, pour aligner les avantages sociaux sur ceux de leurs collègues en France, les partis en face ne l’entendent pas de la même oreille. D’après Jérôme Nassoy, ils étaient parvenus lors des premiers comités à obtenir quelques avancées, qui ont par la suite été supprimées. Pour exemple, les indemnités statutaires que les professeurs du premier degré perçoivent en France lorsqu’ils sont en congé maladie, mais pas à l’étranger. Dans le projet initial, les syndicats étaient parvenus à faire changer cette inégalité, avant que le ministère de l’Éducation nationale ne revienne dessus.
Mais plus inquiétant encore, les deux ministères et l’AEFE, souhaitent également revenir sur des acquis sociaux historiques. Ils veulent, effectivement, sonner le glas de la Commission consultative paritaire locale (CCPL). Elle est une assemblée d’élus du personnel qui est consultée pour les “questions d’ordre individuel concernant les personnels contractuels”, selon le site du gouvernement. Elle permet donc la bonne transparence des procédures, et le respect des droits des employés. Or, le gouvernement souhaite y mettre un terme.
Pour les syndicalistes, c’est la goutte de trop. “Les quelques avancées que nous avions obtenues tombent à l’eau, mais en plus le ministère revient en arrière sur des points fondamentaux. C’est pourquoi la grève initiée par le FSU est rejointe par l’UNSA et le SGEN CFDT”, explique Jérôme Nassoy. Face à ces multiples problèmes, l’AEFE nous a déclaré “ne pas avoir de commentaire à faire sur la situation actuelle”.
Pour l’heure, plusieurs établissements se mobilisent pour participer à la grève, dont le Lycée franco-hellénique d’Athènes, déjà touché par une double imposition dont la bonne issue aura mis plus de 2 ans à être trouvée.
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