La succession rapide des informations, la multiplication des polémiques stériles et des fausses nouvelles, l’analyse pseudo-psychanalytique en temps réel des faits et gestes des dirigeants, publics ou pas, affectent en profondeur la constitution de la mémoire collective. Depuis une trentaine d’années, les crises se succèdent les unes aux autres, des subprimes à la guerre en Ukraine en passant par l’épidémie de Covid-19. Tout est important dans l’immédiateté et rien ne l’est sur la durée.
Jusqu’au début des années 2000, l’Europe a vécu sur la mémoire des horreurs de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale ainsi que sur la crainte d’un conflit nucléaire avec l’URSS. La rémanence de la crise de 1929 était également forte. Il n’était pas rare que les plus anciens fassent également mention de la guerre de 1871 dont ils avaient entendu parler par leurs parents et leurs grands-parents. Le projet européen est né de la volonté de ses pères fondateurs d’éviter le retour de ces malheurs. La création d’un marché commun puis unique, avec le rejet de tout protectionnisme, a été pensée comme un moyen de pacification et de développement.
La construction européenne a été une réussite au-delà de toutes les espérances
Avec l’appui américain par le plan Marshall et l’instauration sur le terrain militaire de l’OTAN, la construction européenne a été une réussite au-delà de toutes les espérances et cela malgré de nombreuses crises entre les États membres. La chute du Mur de Berlin et celle de l’URSS ont été une apothéose inattendue pour l’Union européenne. En Allemagne, il était de bon ton de parler en permanence de réunification tout en étant convaincu qu’elle n’aurait jamais lieu. L’intégration des États d’Europe centrale et orientale à l’Union européenne est alors apparue comme une évidence. Elle soldait l’abandon coupable dont ils avaient fait l’objet après 1945 et visait à empêcher la résurgence de revendications nationalistes en leur sein. Cette extension à l’Est a permis le passage avec succès à l’économie sociale de marché de ces pays.
L’Union européenne peine à trouver un deuxième souffle
Malgré ses indéniables réussites parmi lesquelles figure l’euro, l’Union européenne peine à trouver un deuxième souffle. Elle surmonte les crises en faisant preuve parfois d’audace, que ce soit en 2012 lors du problème d’endettement de la Grèce ou lors de la crise sanitaire avec le lancement du plan de relance. Mais, en raison des antagonismes internes, elle n’a plus de grands projets structurants comme pouvaient l’être dans le passé le marché unique ou l’euro.
Avec les crises, les États se recroquevillent sur leur pré carré. Pour autant, face aux multiples défis économiques, environnementaux ou géopolitiques, la dimension européenne s’impose comme une ardente nécessité. Les embargos de gaz et de pétrole ainsi que la transition énergétique justifient des initiatives à l’échelle européenne. En 1957, le Traité de Rome avait prévu la création de l’Euratom en vue de coordonner les programmes de recherche sur l’énergie nucléaire. L’objectif était l’émergence et la croissance rapide d’une industrie nucléaire indépendante au sein des pays signataires. Cette initiative qui prolongeait la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) visait, après la crise du canal de Suez en 1956, à résoudre les problèmes d’approvisionnement en pétrole.
Une institution européenne chargée des nouvelles énergies
L’instauration d’une institution européenne chargée des nouvelles énergies permettrait des rendements d’échelle en matière de recherche et de pouvoir de négociation.
Le renforcement de l’Europe passe également par un renforcement des coopérations industrielles au niveau de la défense. L’arrivée de la Suède et de la Finlande au sein de l’OTAN est à même de faciliter une forte coopération en la matière. La guerre en Ukraine a fait prendre conscience à de nombreux Européens de l’Ouest que l’Union allait de Dublin à Tallin, et que l’Ukraine ne se trouvait qu’à 2 000 kilomètres de leurs frontières.
Même si l’élargissement à l’Est a été opéré il y a vingt ans, les anciens États membres du Pacte de Varsovie ont été longtemps peu ou mal considérés, générant des rancœurs. Les tensions actuelles avec la Russie devraient amener à un rééquilibrage à l’Est de l’Union avec sans nul doute des gestes à réaliser pour éviter une concentration des institutions européennes à l’Ouest.
L’Europe est avant tout un continent d’histoire et de culture. A tort, la construction européenne a préféré ignorer cette réalité pour contourner les problèmes issus des longs conflits militaires. Près de 80 ans après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il est certainement temps de tourner la page et de placer les valeurs communes au cœur du projet européen. La multiplication des échanges culturels, le renforcement des échanges scolaires et universitaires pour gagner en cohésion et confiance complèteraient fort utilement les avancées fédérales à réaliser au niveau économique.
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