Le retour aux fondamentaux

Le retour aux fondamentaux

L’épidémie de covid-19 aura été une parenthèse marquée par un arrêt sur image de l’économie avant son redémarrage rapide. Durant près de deux ans, les États ont compensé intégralement ou presque les effets économiques et sociaux de la pandémie. Les règles comptables, budgétaires et financières ont été suspendues au nom du « quoi qu’il en coûte ». Craignant la persistance de la récession, les gouvernements ont multiplié les plans de relance quand bien même les revenus des ménages aient été maintenus et l’épargne soit au plus haut. Le souvenir de la crise financière de 2008 dont les stigmates ont perduré durant près d’une décennie explique, sans nul doute, ce choix.

Le retour aux fondamentaux économiques est brutal

Cette politique de soutien sans limite a réarmé l’inflation ; le dopage artificiel de la demande est intervenu au moment où, en raison des confinements successifs, l’offre était à la peine. Les milliers de milliards d’euros de liquidités injectés par les banques centrales constituent un puissant réservoir pour l’inflation qui est, avant tout, un phénomène monétaire. Le conflit ukrainien sonne la fin de cette période « anormale », atypique.

Le retour aux fondamentaux économiques est brutal. En quelques jours, les prix de l’énergie, des matières premières et des produits agricoles connaissent des hausses sans précédent depuis 1979, provoquant une onde de choc. Si ces hausses sont en grande partie anticipatives, elles érodent le pouvoir d’achat des ménages, contraints de réduire leur consommation.

Après avoir connu un rebond en 2021, l’activité est en déclin depuis le début de l’année que ce soit aux États-Unis, en Europe ou en Chine. Cette rupture est d’autant plus nette que, depuis 2020, les populations ont eu l’impression qu’il n’y avait pas de limite à l’argent facile, et que les déficits publics comme les dettes n’étaient plus un problème. Leur sensibilité face aux crises semble plus forte que dans le passé, le ressenti l’emportant bien souvent sur la raison.

Le temps est à l’adaptation en temps réel avec le risque de surréaction

Par crainte de réactions violentes de l’opinion, les gouvernements sont enclins à prendre rapidement des mesures de soutien. L’information en direct et les réseaux sociaux influent sur les comportements des uns et des autres. En 1929, les effets de la crise ont mis de nombreux mois voire plusieurs années pour être ressentis. En France, le choc de 1973 donna lieu à une plan de relance en… 1975. Ce plan tardif ne fit qu’alimenter l’inflation. Depuis la crise de 2008, le temps est à l’adaptation en temps réel avec le risque de surréaction.

En euros constants, le prix de l’essence est le même en 2022 qu’en 1980

Au-delà de l’émotionnel, il convient de ne pas oublier que le prix du carburant en France, n’est pas plus cher aujourd’hui qu’en 1973 ou en 1980 lors des deux précédents chocs pétroliers. En 1973, une heure de payée au SMIC permettait d’acheter 2,5 litres d’essence, contre 5 litres en 2022. En calculant en euros constants, c’est-à-dire en prenant en compte, l’inflation cumulée, le prix de l’essence est, malgré la hausse des taxes, le même en 2022 qu’en 1980. À cela, il faut ajouter que les véhicules sont devenus plus économes en carburant.

Déresponsabilisation sur fond d’individualisme et défiance à l’encontre des pouvoirs publics

Ces dernières années, l’accumulation des crises n’a pas accru la résilience des ménages qui demandent de plus en plus de protection de leur situation sociale et de sécurisation de leurs revenus. Lors de ces quarante dernières années, les pouvoirs publics en France ont répondu à cette demande par les dépenses sociales passant de 24 à plus de 30 % du PIB. Les ménages estiment que les crises, quelle qu’en soit la nature, doivent les affecter a minima. Les effets de ces chocs doivent être pris en charge par la collectivité.

Cette évolution est le produit de la rencontre de la déresponsabilisation et de la défiance : déresponsabilisation sur fond d’individualisme croissant et défiance à l’encontre des pouvoirs publics. La mutualisation des risques est justifiable. C’est le principe même de l’assurance mais elle suppose au préalable un provisionnement. Elle doit également reposer sur des modèles de probabilités afin d’évaluer le montant des cotisations et le niveau de couverture.

Pour éviter une nouvelle génération perdue sur le plan économique, la sortie du monde des faux semblants est indispensable

Le retour à l’orthodoxie budgétaire ou financière est récusé par un grand nombre de Français. Or, dans l’histoire, toute dérive inflationniste, toute création monétaire débridée débouche à un moment ou un autre sur la rigueur ou la banqueroute. Dans le passé proche, la France de la fin de la Seconde Guerre mondiale a mis une vingtaine d’années pour sortir de l’inflation. Vingt ans furent également nécessaire pour mettre à la stagflation des années 1970.

Pour éviter une nouvelle génération perdue sur le plan économique, la sortie du monde des faux semblants est indispensable. Les villages de Potemkine ne font illusion qu’un temps. Les transferts de déficits sur la Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale ou leur financement par la Banque centrale européenne ne sont que des cautères sur une jambe de bois.

Pour restaurer les équilibres financiers, les marges de manœuvre sont faibles en matière fiscale, la France se caractérisant par un niveau élevé, voire très élevé, de ses prélèvements obligatoires.

La réalisation d’économies, un concept tabou pourtant incontournable

Le président a, en outre, promis des baisses d’impôt, en particulier ceux dits de production, qui pénalisent la compétitivité des entreprises. En période d’inflation, l’augmentation de la TVA, le premier impôt en termes de rendement, est difficile. L’accroissement des prélèvements sur le patrimoine est une voie également évoquée, mais les Français sont favorables à la baisse des droits de succession. La remise en état de l’impôt sur la fortune serait avant tout symbolique, son rendement n’étant que de quelques milliards d’euros quand les besoins s’élèvent en dizaines de milliards d’euros.

En économie de guerre, le temps est aux choix difficiles, aux arbitrages et peut-être à la réalisation d’économies, un concept tabou pourtant incontournable.

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