Le réseau scolaire à l'étranger sous perfusion ?

Le réseau scolaire à l'étranger sous perfusion ?

La crise du Coronavirus aura-t-elle raison du réseau des écoles et des lycées français à l’étranger ?

C’est une question qui se pose alors que la paralysie est quasi totale sur la planète. En effet  90% des établissements scolaires sont actuellement fermés. Certaines structures comme en Asie sont en confinement depuis plus de 3 mois. Des solutions on-line ont été prévues… Mais les parents  sont aujourd’hui aussi en difficulté de trésorerie et le budget national dédié aux réseaux scolaires à l’étranger est déjà mobilisé.

Le réseau scolaire Français à l’étranger

Le réseau d’enseignement français à l’étranger rassemble près de 500 établissements scolaires répartis dans 135 pays. Environ 330 000 élèves y sont scolarisés, dont un peu plus d’un tiers de Français et près de deux tiers d’élèves étrangers.

Les établissements se divisent en trois catégories (en fonction de l’étroitesse de leurs liens avec l’État français) :

  1. les établissements publics dont la gestion est assurée par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) (74 en 2015). Ces établissements sont aussi dits « établissements en gestion directe » : ils sont des services déconcentrés de l’AEFE, représentée par l’Ambassade de France.
  2. les établissements de droit privé homologués par l’Éducation nationale française et qui ont choisi de passer une convention administrative, financière et pédagogique avec l’AEFE (156 en 2015). Ces établissements sont aussi dits « établissements conventionnés » ; ils sont l’équivalent des établissements privés sous contrat qui existent en France, mais leurs personnels détachés sont des fonctionnaires et non des personnels de l’enseignement privé ;
  3. les autres établissements homologués, partenaires de l’AEFE sont plus de 260. Et on peut citer par exemple la Mission laïque française. Ces écoles, collèges, lycées sont tenus de délivrer un enseignement conforme aux programmes, aux objectifs pédagogiques et aux règles d’organisation applicables en France, dans les établissements de l’enseignement public. Cette homologation n’est pas acquise à titre définitif et les établissements doivent régulièrement se soumettre à une procédure de vérification du respect des critères cités. Elle peut donc être accordée, retirée, limitée à une partie ou étendue à l’ensemble des classes de l’établissement.

Dans tous les cas, ces établissements sont dépendant des sources de financement locales, totalement ou partiellement (selon leur niveau de lien avec l’Etat Français), c’est à dire principalement du paiement des frais scolaires par les parents d’élèves. La crise du Covid-19 touche évidemment sans distinction les locaux, près de 2/3 des élèves inscrits, comme les Français. Et désormais, c’est donc l’absence de paiements qui plombe les comptes des établissements. Sans garantie de l’Etat, les banques risquent de mettre fin aux cursus scolaires des élèves dans un mois ou deux quand les fonds de roulement seront épuisés.

A Gauche on demande des bourses exceptionnelles

Au groupe socialiste de l’Assemblée des Français de l’Etranger, on demande à activer un système de bourses exceptionnelles qui seraient remises aux parents en difficulté.La démarche est donc dédiée à l’accompagnement humain plus qu’à celui des institutions. Il exclut donc de fait ceux qui ne sont pas français.

La peur principale exprimée par les élus de gauche, c’est le risque de déscolarisation. Ils ne croient pas en de possibles fermetures ou en des réductions de personnels. Pourtant les professeurs contractuels seront les premières victimes en cas d’assèchement des finances. En effet, le détachement par l’éducation nationale étant limitée dans le temps, certains ont fait le choix de suspendre provisoirement leur titularisation comme professeur de l’Education Nationale et de rester dans leur nouveau pays comme professeur avec un contrat de travail local. Que feront-ils si le contrat est rompu? Surement demander leur réintégration et rentrer en France. Comment reconstituer dans ce cas, rapidement, une équipe pédagogique lors de la réouverture des établissements ?

A droite on exige une prise en charge complète de l’Etat

Les sénateurs de droite, eux, se sont réunis et parlent d’une voix à travers une proposition de loi déposée au sénat le 31 mars par la sénatrice Joelle Garriaud-Maylam.  Les élus « Les Républicains » proposent de nouveau la création d’un fonds de solidarité pour les Français de l’Etranger. Ce fonds aurait une envergure plus importante car il permettait d’intervenir pour aider les citoyens mais aussi les petites entreprises fondées par des français à l’étranger. Il serait financé par une augmentation de 10% des droits sur l’édition des passeports de tous les français et par un prélèvement de 10% sur les successions sans héritier identifié.

Déjà proposé et déjà refusé par le gouvernement, les sénateurs comptent prendre à la lettre l’exécutif qui avait évoqué l’improbabilité d’une catastrophe mondiale pour justifier leur refus.. l’improbable s’est pourtant produit.. Une opportunité pour ce fonds ?

Samantha Cazebonne députée des Français de la péninsule ibérique et de monaco au micro de la French Radio Portugal

Les élus LREM des Français de l’Etranger essaient de faire entendre leurs voix

Au niveau de la majorité, c’est Samantha Cazebonne, élue de la péninsule ibérique et de Monaco, mais surtout ancienne proviseur d’un lycée français en Espagne, qui prend le lead sur ce dossier.  Sensibilisée par son parcours , elle met son expérience au service du collectif. Pour elle la réponse à cette crise, inédite comme le Covid-19, se déploie sur 3 piliers :

  • La solidarité nationale
  • La solidarité des parents qui le peuvent
  • Le soutien local des Etats

L’administration à l’épreuve de la bonne gestion

Car comme le souligne de nombreux parents, les établissements fermés voient leurs couts variables chuter. A la différences des lycées en France, les structures juridiques qui supportent le réseau scolaire sont souvent de droit privé à l’étranger, ils ont donc recours en masse à la sous-traitance et à l’externalisation de certain services (gardiennage, cantines, ménages, etc)et ont déjà où vont suspendre les contrats. Les dépenses énergétiques et de bureautique sont aussi au minimum.  La député Samantha Cazebonne imagine la mise en place d’une transparence budgétaire qui permettra de répercuter cette baisse sur le montant pris en charge par les parents.

Autre défi pour les administrateurs, celui des aides locales ! Décalage de paiement de charges, subventions ou primes exceptionnelles, de nombreux pays ont instauré des mécanismes pour aider le tissu économique à surmonter ce creux. Chez LREM, on y croit et on parie sur la bonne volonté de tous pour se mobiliser.

Les parents face à leur responsabilité

Si personne ne remet en question la nécessité de mettre en place une distribution de bourses exceptionnelles, tous les parents et heureusement ne sont pas une situation de péril économique. Dans certaines zones comme les pays dits du « soleil’, nos compatriotes privés de revenus issus du tourisme et des activités connexes seront nombreux autant dans d’autres pays où l’expatriation est plus liée à des activités industrielles, financières ou publiques (comme l’Europe et l’Amérique du Nord), il parait probable que les rentrées financières soient maintenues.

Pour exemple, regardons du coté de l’Asie, alors que les écoles sont fermées depuis plus d’un trimestre, les situations sont bien différentes d’un pays à l’autre et facilitent l’anticipation des besoins à venir. Le cadre réglementaire qui régit l’établissement et l’environnement socio-économique sont bien les principaux facteurs qui influent sur la situation concrète des établissements. A Hong-kong, pays où les Français sont souvent présents sur place dans le cadre d’une expatriation prise en charge par les entreprises, le Lycée est directement gérer par les parents d’élèves. Lors de l’inscription les parents d’élèves et l’entreprise en charge de l’expatrié doivent déposer une somme de garantie (9000 euros pour les particuliers, 25 000 euros pour les entreprises) qui ne sera restituée qu’à la fin de la scolarité. Avec plus de 2500 élèves, le lycée est donc à l’abris des soucis de trésorerie. Tandis qu’au Vietnam, pays où les expatriés sont souvent indépendants ou salariés de droits locaux et exerçant dans le secteur du tourisme, les établissements sont eux déjà proches de l’asphyxie.

Rappelons le : chaque trimestre, les parents participent à hauteur de 400 Millions d’euros au fonctionnement des établissements, aucune protection ne permettra d’assumer un défaut de paiement généralisé. Plus qu’une prestation, c’est un lien avec la France, avec notre culture, que la scolarité symbolise. Si les cours ne sont pas maintenus, le suivi à travers l’outil « l’école à la maison » est bien présent, et même si la charge de travail est plus importante pour les parents, accompagner son établissement, si on le peut, est un devoir pour s’assurer de retrouver au plus vite un environnement serein et pérenne pour soi et les élèves.

L’Etat comme dernier rempart

Pour la député Samantha Cazebonne comme elle l’a indiqué lors des deux dernières visioconférences entre les élus et l’exécutif, il est temps que l’Etat prenne ses responsabilité et que soit mis en place un système concret et efficace.

« mettre en place une liaison avec l’administration et les élus pour remonter les informations » Samantha Cazebonne – députée LREM de la Vème circonscription des Français résidents hors de France

Autour de Jean-Baptiste Lemoyne, Secrétaire d’Etat en charge des Français de l’Etranger, elle préconise la mise en place d’une cellule de crise. Elle serait nourrie par des documents comptables exhaustifs sur la situation des fonds de roulement des établissements, afin d’établir des priorités. Les élus consulaires seront aussi mobilisés afin d’avoir une cartographie juste des impacts socio-economiques pays par pays.

La crise du Covid-19 et la crise économique qui s’annonce seront des moments de vérité pour le réseau scolaire à l’étranger, l’attachement des parents et des élèves à leurs établissements ainsi que les ambitions du gouvernement pour le rayonnement de notre culture à l’étranger, détermineront son avenir.

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