Le FMI note la France sans conviction

Le FMI note la France sans conviction

Le FMI a rendu en novembre dernier ses conclusions sur l’économie française et ses réponses face à la crise. Rien que du classique : La France a subi la crise plus fortement que les autres pays (-10% de PIB), le gouvernement a pris des mesures d’urgence très rapidement, mais il faut définir un plan de rééquilibrage des finances publiques et le mettre en œuvre seulement quand la reprise économique sera bien engagée.

Un satisfecit pour les mesures d’urgence 

C’est d’ailleurs ce qu’a déclaré le Secrétaire d’Etat au budget Olivier Dussopt. On imagine difficilement le FMI, ou le ministère des Finances expliquer que le gouvernement a été lent, que la réponse était inadaptée et qu’à l’avenir on pourrait continuer à dépenser au même rythme. En tout cas, le gouvernement pourra se réjouir des quasi félicitations du FMI, puisque le rapport de mission écrit en toutes lettres : « Les répercussions économiques de la pandémie ont été considérables, mais les autorités ont pris des mesures de soutien fortes et souples. » 

Il confirme surtout la stratégie, commune à tous les pays développés, d’aide aux ménages et aux entreprises, tant que durera la crise : « Dans un contexte de seconde vague d’infections et de forte incertitude, il est légitime de continuer de fournir un appui budgétaire fort et souple. La réduction du déficit ne doit pas être une source de préoccupation tant que la crise persiste. ». Le FMI recommande pourtant « d’éviter les baisses d’impôts ou augmentations de dépenses à caractère permanent ». Ce qui est tout à fait conforme à sa tradition : après la crise, retour à l’assainissement des finances publiques. 

Pourtant, la situation économique qui prévalait avant la crise était caractérisée par un affaiblissement constant de la croissance et de la productivité. Personne ne sait encore s’il est possible de revenir à la situation d’avant la crise, mais est ce seulement souhaitable ? Ne faut-il pas considérer qu’il n’y aura pas de retour à la « normale » ? Qu’il faut imaginer d’autres leviers de croissance ?

Reconstituer les fonds propres des entreprises viables

Pour le FMI, une première recommandation est de renforcer les fonds propres des entreprises, mis à mal par la crise. C’est une petite pierre dans le jardin gouvernemental des prêts garantis : « Une fois la phase aiguë de la crise passée, les autorités devraient réorienter leur action : plutôt qu’une garantie de l’État pour des prêts, elles devraient privilégier un renforcement des financements en fonds propres et quasi-fonds propres destinés aux entreprises viables, afin de stimuler l’investissement et le dynamisme des entreprises tout en réduisant les risques liés à un endettement excessif. »

La nuance importante est le mot « entreprises viables ». Ce qui est dit à demi mot est la crainte de voir les prêts garantis par l’Etat maintenir en vie ce que l’on commence à appeler les « entreprises zombies », celles qui ne sont et ne seront jamais viables économiquement. 

La France a enregistré cette année de crise un nombre de faillite record : à la baisse ! Une anomalie, surtout en temps de crise. Jamais si peu d’entreprises n’ont déposé le bilan depuis trente ans ! Pourquoi ? Parce qu’elles ont été maintenues sous respiration artificielle. Or ce système est risqué et dangereux à terme. Il revient à subventionner les entreprises qui ne marchent pas par celles qui vont bien. Elles conduisent à un affaiblissement général de l’économie et à un gâchis financier.

Quelle sortie de crise ? 

On attend donc des mesures qui permettront de renforcer les fonds propres des « entreprises viables ». Et définir les critères, avec les banques, de viabilité. Comment augmenter les fonds propres si ce n’est par des annulations de dette, ou des baisses d’impôts ? Le meilleur moyen de soutenir les entreprises viables est de leur permettre d’augmenter et conserver leurs bénéfices. Pourtant le FMI ne dit rien sur le taux d’imposition des bénéfices, plus élevé en France que dans les pays voisins.  

Le Fmi s’interroge sur la sortie de crise : « la riposte budgétaire massive des autorités offrent l’occasion de réorienter l’économie française. »  Il déduit du plan de relance que « les entreprises françaises pourraient, grâce à leur forte présence dans des industries telles que l’automobile, la production d’électricité et l’aéronautique, jouer un rôle de premier plan dans les domaines en plein essor de la production et du stockage d’énergie verte et du transport à zéro émission. » 

Taxations et subventions pour la transition « verte »

Il ajoute : « la France devrait continuer à mettre en œuvre des politiques vertes conformes aux engagements de l’accord de Paris sur le climat, notamment en matière de tarification du carbone. Cette démarche devrait s’accompagner de mesures compensatoires pour les ménages à faibles revenus afin d’en garantir l’acceptabilité sociale. » 

Sous l’apparente banalité des propos affleurent deux recommandations : La première est l’instauration  d’une taxe carbone, ou d’une hausse du prix du CO2. La deuxième est la suggestion de faire passer les augmentations du prix de l’énergie, qu’elle qu’en soit la forme, par des subventions pour les ménages. 

C’est un débat déjà ancien : les mesures « vertes » coûtent. Elles pèsent et pèseront sur le budget des ménages. L’étrange recommandation du FMI est d’un coté de jouer sur les prix, de l’autre de subventionner pour amortir le choc. 

Vers une crise sociale

Ce qui parait tout à fait contradictoire avec les recommandations ultérieures : « Simplifier et moderniser davantage le système fiscal, permettraient d’en améliorer l’efficacité. » 

Enfin le FMI s’inquiète, à juste titre, de l’augmentation prévisible du chômage. Surtout chez les travailleurs les moins qualifiés : « L’effet proportionnellement plus fort de la crise sur les travailleurs peu qualifiés pourrait nuire à l’intégration des groupes vulnérables sur le marché du travail. » C’est sur cette note peu optimiste que conclut la mission : « Il reste essentiel à moyen terme de poursuivre la mise en œuvre de réformes visant à réduire le chômage structurel et à accroître la participation au marché du travail. »

Le plus étrange, dans ce rapport de mission, est l’absence totale de perspectives d’avenir et d’analyse comparative. Rien sur la croissance potentielle, rien sur les mécanismes d’aides publiques utilisées par rapport aux autres pays, rien sur les échanges extérieurs, rien sur la compétitivité, rien sur le marché de l’emploi, rien sur l’investissement. 

Le FMI ne s’aventure pas dans des recommandations ou analyses trop osés. La seule remarque porte sur l’augmentation des impôts due à la mise en place d’une économie dite « verte » et du prix de l’énergie, ce que l’on sait depuis longtemps. Il ne pose pas la seule question qui compte : comment, à la reprise, booster la croissance pour éviter la crise économique et sociale ? Peut-être parce qu’il n’en a aucune idée.

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